Invitée spéciale de l’édition 2025 du Festival Lumière, Natalie Portman est une icône du cinéma. L’occasion de revenir sur ses débuts, et son hypersexualisation dans Léon (1994), un film qui a donné une direction particulière à sa carrière.

C’est le rôle de Mathilda dans Léon, sorti en 1994, qui a révélé au grand jour la jeune Natalie Portman et l’a propulsée au rang de grande étoile du cinéma. La jeune fille y incarne une orpheline qui rencontre Léon (Jean Reno), son voisin de palier et tueur à gages. Une relation fusionnelle naît entre eux, à la lisière de l’amitié, de l’affection paternelle et de l’amour interdit.
L’assurance féminine et la sensualité précoce de la préadolescente captivent, si bien qu’on en oublie son âge : douze ans dans le film comme dans la vraie vie. Une jeunesse d’autant plus criante qu’elle partage le plateau avec l’acteur français, Jean Reno, qui a 33 ans de plus qu’elle.
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La jeune actrice est hypersexualisée malgré son âge, notamment dans des scènes dérangeantes où Mathilda tente de séduire Léon. Comme celle où l’actrice femme-enfant, maquillée et costumée, fredonne devant un Léon désarmé Like a Virgin ou encore Happy Birthday Mr. President à la Marilyn Monroe.
« Terrorisme sexuel »
À la sortie du film, c’est le succès pour Natalie Portman, pour qui toutes les portes du 7e art s’ouvrent. Mais, cette étiquette de jeune fille à la sexualité précoce continue de lui coller à la peau. Elle raconte des années plus tard, lors de la Marche pour les femmes de Los Angeles en 2018, que son premier courrier de fan est celui d’un homme qui lui avoue son fantasme de la violer.
Cette réception hypersexualisante se fait ressentir jusque dans les médias. « Un décompte a été lancé sur ma station de radio locale jusqu’au jour de mes 18 ans, l’âge légal pour coucher avec moi. » D’autres critiques cinéphiles de l’époque évoquent sa poitrine naissante.
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Elle dénoncera dans ce même discours le « terrorisme sexuel » qu’elle a subi et qui l’a « éloignée de [sa] propre sexualité ». Portman s’attachera par la suite à ne choisir que des rôles sérieux, sages, « moins sexy » car « inquiète pour sa sécurité », raconte-t-elle. Dans un entretien à Interview Magazine, elle déplore : « Ça arrive à beaucoup de jeunes filles qui sont à l’écran. »
Léa Marié, doctorante à l’université Paris 8, travaille sur le mouvement MeToo dans le cinéma français. Interrogée par L’Écornifleur, elle explique que cette hypersexualisation des jeunes filles au cinéma n’est pas nouvelle. Elle remonte aux années 1970, une période où se rencontrent « la culture du génie créateur, cette liberté absolue et toute puissance accordées au réalisateur dans son art et la culture post-Mai 68 de grande libération sexuelle, qui banalise le fait de s’intéresser aux enfants ».
« On les aime jeunes »
Résultat : une pression patriarcale sur les jeunes filles pour paraître femmes et sexuellement disponibles. Océane Zerbini, créatrice de podcasts, a décrypté ce phénomène sur France Inter. Selon elle, l’âgisme dans le cinéma place les actrices âgées sur le banc de touche et les plus jeunes sous le feu des projecteurs. « On les aime jeunes, mais il faudrait quand même un petit peu qu’elles vieillissent pour ne pas qu’on se sente trop coupable de les apprécier physiquement », déplore-t-elle.
Le film de Luc Besson acquiert un caractère presque autobiographique, quand on sait qu’à l’époque, le réalisateur de 32 ans entretenait une relation amoureuse avec la comédienne Maïwenn, âgée de seize ans. L’hypersexualisation des mineures dans le cinéma prend donc racine dans le réel. Puis à leur tour, les films tels que Léon nourrissent cet imaginaire, suscitant des réactions et violences sexistes et pédophiles.
L’angle mort des violences sur les mineures
Depuis le mouvement MeToo, la parole s’est libérée dans le milieu du 7e art. Une nouvelle génération de réalisateurs avec un bagage féministe fait évoluer la manière de filmer les jeunes filles. Pourtant, si les jeunes filles sont moins hypersexualisées à l’écran, elles le sont souvent après.
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Millie Bobby Brown, découverte dans Stranger Things (2016-2026), à l’âge de treize ans, a également été hypersexualisée par le public et les médias à la sortie de la série. « Ça fait fantasmer les gens si la fille est attirante sexuellement », déclare Léa Marié. L’universitaire dénonce l’aspect marketing, au détriment de la protection des enfants. Plus largement, cette question soulève le tabou des violences sur les mineurs, selon elle : « C’est un impensé. On parle très peu des enfants dans les violences sexistes et sexuelles. »
