C’est le dernier cinéma de quartier du plateau de la Croix-Rousse, et l’un des deux seuls de Lyon, avec le Bellecombe, à être géré exclusivement par des bénévoles. Dans le cadre du troisième et dernier volet de notre série sur les cinémas originaux de Lyon, l’Ecornifleur vous fait découvrir le cinéma Saint-Denis, créé en 1920 mais dont l’association permet de rester dans l’air du temps. Reportage.
Au fond d’une impasse nichée dans le quartier de la Croix-Rousse, des dizaines de personnes patientent devant les grandes portes rouges du cinéma Saint-Denis. « On espère que l’on n’arrive pas trop tard et qu’il reste des billets », souffle Emma, étudiante de 22 ans.
A l’occasion de la projection des Ailes du Désir de Wim Wenders, dans le cadre du festival Lumière mardi soir, l’historique cinéma de la Croix-Rousse a fait carton plein : la séance est à guichet fermé, dernier•es retardataires sont contraint•es de rentrer chez elles•eux.
A l’intérieur de la salle, un grand rideau en velours rouge cache l’écran. C’est sur le générique du festival qu’il finit par se déployer, sous les yeux des 237 spectateurs venus (re)découvrir l’un des films qui a fait la réputation du réalisateur allemand.
Un cinéma centenaire…
Créé en 1920 par un prêtre paroissial de la Croix-Rousse, le cinéma Saint-Denis a toujours été dirigé par des équipes de bénévoles engagé•es. « Aujourd’hui, nous sommes un peu plus d’une cinquantaine dans l’association », assure Patrice, bénévole chargé d’accueillir les spectateurs tous les jeudis soir.
Chacun d’entre eux assure le bon déroulement des environ dix séances hebdomadaires, réparties sur quatre à cinq films par semaine. L’association continue d’ailleurs de s’agrandir, avec « de nouveaux membres qui nous rejoignent régulièrement », précise Patrice.
Membre actif du Groupement régional d’actions cinématographiques (G.R.A.C.), le Saint-Denis fait également partie du prestigieux réseau des salles de cinéma Art et Essai depuis 1995. Une reconnaissance de choix pour l’association, qui assure avoir toujours « porté beaucoup d’importance aux films diffusés », selon Patrice.
Cette attention est parvenue à rassembler une clientèle d’habitués fidèles, qui bénéficient de la carte d’abonnement proposée par l’association (qui offre les places à 5,5€, au lieu de 7€ en plein tarif) : « C’est vrai qu’en dehors des évènements exceptionnels, on retrouve souvent les mêmes têtes ici », témoigne Isabelle, abonnée au Saint-Denis depuis 2014. Un constat que nuance Patrice, qui assure accueillir « de nouvelles personnes à chaque projection ».
…qui a su rester dans l’air du temps
Fidèle à cette exigence de qualité, le cinéma s’est modernisé au fil des années. En septembre 2017, l’établissement a introduit une caisse informatisée, accompagnée de nouveaux billets. L’année suivante, des cartes d’abonnement magnétiques ont été introduites, réduisant les temps d’attente et simplifiant le travail des caissières et caissiers.
Sans perdre « son charme traditionnel », comme le souligne Isabelle, le cinéma Saint Denis est désormais équipé des dernières technologies : il peut aujourd’hui projeter des films en 3D, en plus d’avoir renouvelé son installation sonore.
Ces investissements profitent non seulement aux amateurs de cinéma, mais aussi à la communauté locale. « La salle est ouverte presque tous les après-midis pour proposer des séances au choix aux périscolaires, où les bénévoles retraités assurent un accueil chaleureux aux enfants », souligne Patrice.
En plus des enfants scolarisés dans les écoles du quartier, le Saint-Denis accueille également les représentations de l’Atelier Théâtre du Groupe Scolaire Saint Denis, situé à proximité, et assure la projection les courts-métrages de l’option cinéma du Lycée de Saint-Just.
De nouveaux projets à venir
Soucieuse de s’ouvrir à un public toujours plus diversifié, l’association recherche de nouveaux projets. Un groupe de six personnes, dont Patrice fait partie, a notamment lancé l’organisation de soirées à thème tous les mercredis soir, depuis la fin du mois de septembre. « L’idée est de projeter un film, puis d’organiser des débats, menés par des invités, sur une question soulevée par la projection », explique Patrice.
Pour les premières séances, deux documentaires ont été mis à l’honneur : Sur l’Adamant, réalisé par Nicolas Philibert, qui traite des troubles psychiques ; puis Revenir à Montluc, réalisé par Béatrice Dubell qui parle de l’indépendance de l’Algérie. Les débats, menés par des professionnel•les de la santé mentale (Sur l’Adamant), puis par Béatrice Dubell elle-même et un historien (Revenir à Montluc), étaient « à chaque fois très intéressants », se réjouit Patrice.
Destinée à être le troisième volet de cette série de documentaires, la projection de Yallah Gaza, qui documente les conditions de vie des Palestinien•nes de Gaza, a « été annulée en raison du contexte actuel », regrette-t-il. « Mais nous sommes en relation avec Roland Nurier (le réalisateur du documentaire) pour reporter la séance à une date qui lui permettrait d’être présent ».
« Frustrant », ce contretemps ne suffit pas à décourager les bénévoles : pour la première fois, l’association du Saint-Denis prévoit une rencontre avec celle de l’Aquarium, autre cinéma associatif situé à quelques rues seulement. « On va essayer de proposer des projets en commun dans le futur », révèle Patrice. Une bonne nouvelle pour les cinéphiles lyonnais, qui pourraient bien se croiser à l’avenir dans l’une des salles sombres des cinémas associatifs de la Croix-Rousse.
Paul Battez
Découvrir le Cinéma Saint-Denis
L’association du cinéma Saint-Denis, situé au 77 Grande rue de la Croix Rousse (69004), est joignable au 04 78 39 81 51.
Retrouvez l’actualité de l’association sur son site internet et sa page Facebook.