Le visage de Wim Wenders affiché sur grand écran lors de la cérémonie d’ouverture du 15ème Festival Lumière © Alex Talandier

Lauréat du prix Lumière pour cette quinzième édition, l’Allemand Wim Wenders est un des réalisateurs européens majeurs depuis les années 1960. Voilà comment la star de la semaine est présentée par Thierry Frémaux, directeur du festival. Intrigué par ce nom, j’ai cherché à en savoir plus sur le cinéma d’un réalisateur que je ne connaissais pas.

J’avais bien vu quelques images de ses films sur des pages Instragam de cinéma : celles de Travis Henderson errant dans le désert américain avec son costume et sa casquette rouge dans Paris, Texas, ou bien celle en noir et blanc de l’ange gardien Bruno Ganz surplombant Berlin dans les Ailes du Désir… Mais rien de plus.
Pour la rédaction de L’Ecornifleur, j’ai alors décidé de regarder trois long-métrages importants de sa conséquente filmographie et de vous partager mon ressenti. Mon choix s’est porté sur Paris, Texas peut-être son film le plus connu ; L’Ami américain, dont je n’avais jamais entendu parler ; et pour finir, sur le documentaire Buena Vista Social Club, afin d’en savoir plus sur l’histoire derrière la fameuse chanson cubaine Chan Chan.

Wim Wenders en trois films : 

  • Paris, Texas, 1984, disponible sur Netflix :
Le film s’ouvre sur l’errance de Travis Henderson au milieu du désert américain © Capture d’écran de Paris, Texas de W. Wenders par Loïc Pradier

Dans ce road-movie acclamé par la critique, puisque lauréat de la Palme d’Or en 1984, Wim Wenders met en scène l’errance d’un homme, Travis Henderson. Disparu depuis quatre ans, Travis a abandonné sa femme Jane et son fils Hunter sans donner de nouvelle. On le retrouve seul, taciturne, casquette rouge vissée sur le crâne et costume poussiéreux sur les épaules, en plein désert texan. Son frère Walt le retrouve et l’accueille chez lui. Il se met alors en tête de rassembler sa famille en partant à la recherche de sa femme, accompagné de son fils.

Le film explore la solitude, la douleur silencieuse mais aussi la rédemption à travers la famille. L’esthétique est remarquable. Les images sont composées de grands espaces désertiques ainsi que de couleurs contrastées : les teintes pâles du désert tranchent avec les couleurs vives des scènes avec Jane et rendent le film agréable à regarder. L’histoire est touchante mais pas aisément saisissable. La lenteur omniprésente tout au long des 2h27 de film peut le rendre difficile à regarder. Les performances de Travis (Henry Dean Station) et de Jane (Nastassja Kinski) sont émouvantes, voire déroutantes. Mention spéciale pour la musique de Ry Cooder qui rythme les déplacements de Travis.

En bref : Pas le film le plus simple à apprécier, les thèmes abordés sont intéressants et la profondeur de l’intrigue serait peut-être plus abordable après un deuxième visionnage. C’est un bon film pour se familiariser avec le cinéma de Wim Wenders.

  • L’Ami américain, 1977, disponible sur OCS :
L’Ami américain, 1977
Le personnage principal du thriller apparaît ici dans une des scènes à suspens du film. © Capture d’écran de L’Ami américain de W. Wenders par Loïc Pradier

Dans L’Ami américain, Wim Wenders nous plonge dans le monde de la contrebande d’art et du crime organisé. Le film suit Jonathan Zimmerman, un encadreur allemand qui vit à Hambourg avec sa femme et ses enfants. Un jour, il rencontre Tom Ripley, un américain qui lui propose un travail : tuer un homme à Paris en échange d’une grosse somme d’argent. Jonathan accepte, pensant que cela lui permettra d’assurer l’avenir de sa famille.

Le film est un thriller sombre et captivant. Wenders nous entraîne dans une spirale de violence et de corruption, où les personnages sont tous en proie à leurs propres démons. Jonathan est un homme ordinaire qui se retrouve pris dans un engrenage infernal. Il est tiraillé entre sa conscience morale et l’appât du gain. Tom Ripley est un personnage ambigu, à la fois manipulateur et charismatique. Il est le catalyseur de la violence qui se déchaîne dans le film.

L’Ami américain est un film noir moderne, qui explore les thèmes de la culpabilité, de la corruption et de l’aliénation. Wenders y crée une atmosphère angoissante et oppressante. 

Comme pour Paris, Texas la lenteur de l’intrigue et le manque d’explications, peut rendre le film difficile d’accès.

En bref : Un film sombre à éviter avec l’arrivée de l’automne si vous voulez garder le moral. Je vous conseille plutôt d’aller chercher les bonnes énergies cubaines du film suivant.

  • Buena Vista Social Club, 1999, disponible sur MyCanal :
Comay Segudo, chanteur et guitariste du Buena Vista Social Club, fumant le cigare devant la caméra de Wim Wenders © Capture d’écran du documentaire Buena Vista Social Club de W. Wenders par Loïc Pradier

C’était la production qui m’attirait le plus dans la filmographie de Wim Wenders. Ce documentaire musical est plus facilement abordable pour le·la spectateur·ice que d’autres fictions qui ont fait la renommée de notre réalisateur. Accompagné de Ry Cooder, compositeur de bande-son pour certains de ses longs-métrages, Wenders filme les musicien·nes d’une boîte de nuit mythique de La Havane : le Buena Vista Social Club. Regroupant des anciennes gloires de la musique cubaine, le projet avait déjà donné naissance à un album avant que Wim Wenders ne décide de suivre les musicien·nes. Dans son documentaire, Wim Wenders suit la réalisation du disque d’un des chanteurs du collectif : Ibrahim Ferrer, légende de la musique cubaine.

Durant les 1h45 de film, on voyage avec Wim Wenders d’Amsterdam à Cuba en passant par New-York. Les lieux changent, les ambiances aussi. Il nous emmène dans des salles de concerts, dans les rues de La Havane, mais aussi dans l’intimité des artistes. Âgé·es, ces personnages racontent leur origine modeste et leur passion pour la musique. On les voit déambuler dans les quartiers populaires de la capitale cubaine, souvent cigare à la main. Leur authenticité rend le documentaire agréable à suivre. 

Les scènes de concerts montrent un groupe aimé par son public. Les acclamations de la foule aux premiers accords du morceau Chan Chan lors du concert à Amsterdam l’illustre bien.

En bref : Un documentaire musical agréable à regarder et surtout à écouter. Si vous parlez espagnol vous pouvez lancer le film en faisant autre chose à côté après 20 minutes de visionnage, vous ne manquerez pas grand chose, les images étant souvent sensiblement les mêmes. 

Aller plus loin dans la découverte de Wim Wenders

Wim Wenders sort deux nouveaux films cette année. Le premier, Perfect Days, scène un employé de toilettes publiques de Tokyo rattrapé par son passé. Il sera en salle le 29 novembre. Le deuxième, Anselm, est un documentaire sur le peintre Anselm Kiefer. En salle depuis le 18 octobre.

De nombreux films de Wim Wenders sont à voir durant la semaine du festival, retrouvez-le programme ici

Si vous êtes de passage à l’Institut Lumière, je vous conseille de jeter un œil à l’exposition photo gratuite de Wim Wenders. Vous y verrez Martin Scorsese essayer de changer une roue au milieu du désert californien et Coppola se baigner dans sa résidence américaine.


Un cinéaste hétéroclite

Né en 1945 en Allemagne de l’Ouest, Wilhelm Wenders rêve de devenir peintre jusqu’à sa découverte du cinéma. Cette nouvelle passion le guide toute sa carrière et le conduit à réaliser des projets hétéroclites. L’Allemand assure être continuellement à la recherche de nouveauté.


Après avoir gagné la Palme d’Or à Cannes pour Paris, Texas, film qui changea sa vie selon ses mots, il expliqua à plusieurs reprises vouloir à tout prix éviter de refaire la même œuvre. Son goût pour la nouveauté l’a amené à filmer aux quatre coins du monde : en Allemagne, aux Etats-Unis, à Cuba, au Japon ou encore au Groenland.  


Si ses films sont tous différents par le contexte et les sujets évoqués, des récurrences existent. Premièrement, dans les thèmes, Wim Wenders filme très souvent l’errance, la solitude, la quête d’identité. Les images de Travis Henderson (Paris, Texas) seul dans le désert le symbolise à merveille. Ensuite, il laisse une place importante aux autres arts dans sa filmographie. Lui-même photographe, il lie très souvent ses personnages à cet univers. Il s’est aussi intéressé à la danse (Pina), à la haute-couture en filmant le couturier Yohji Yamamoto (Carnet de notes sur vêtement et villes). Il place aussi régulièrement des références à son peintre préféré Edward Hopper. Enfin, la musique occupe une place majeure dans son œuvre. Il a réalisé des documentaires musicaux remarqués (The Soul of a Man, Buena Vista Social Club) et ses bandes-sons marquent les spectateur·rices, en témoignent les accords de guitare de Ry Cooder dans Paris, Texas.