À l’occasion du Festival Lumière, l’Écornifleur a décidé, non pas de s’intéresser aux frères Lumière, mais bien aux lumières dans le milieu cinématographique. Car oui, aussi naturelle qu’elle puisse paraître, la lumière dans les films relève autant d’un choix artistique que d’un travail technique. Interview d’une électricienne prise de vue.

Que serait un film sans lumières, si ce n’est un écran noir ? À 21 ans, Hermence Dutrieviov est ce que l’on appelle dans le milieu de l’industrie créative, une « électricienne prise de vue ». Chargée des « pré-lights », autrement dit, de l’installation des lumières sut les futurs décors, c’est elle qui s’occupe de toute la partie logistique des éclairages sur un tournage. Réception et installation du matériel, Hermence est actrice du tournage avant même que le réalisateur ne prenne ses fonctions. Coup de projecteur sur un métier essentiel et pourtant méconnu du cinéma.

L’Écornifleur : comment devient-on “électricienne prise de vue” ? 

Hermence Dutrieviov: J’ai voulu faire ce métier en raison de ma passion pour la lumière et mon amour pour le cinéma. En terminant le lycée, je suis entrée dans une école des métiers du cinéma à Lyon où j’ai été diplômée de l’Image et du Cinéma. Après, je suis partie en stage à Paris. Là, j’ai commencé dans une entreprise de location de matériel de lumière. Puis, je me suis faite des contacts et j’ai obtenu des stages sur des tournages. Maintenant on m’appelle pour tourner sur des sujets différents : pubs, clips, film, téléfilm. 

Hermence Dutrieviov prépare l’installation d’un tournage. ©Théophile Chauffrut

Quel rôle jouez-vous dans la création d’un film ?

D’un projet à l’autre, ce n’est pas exactement la même chose. De manière générale, je joue un rôle en amont du projet. Le matin, avant le tournage, je décharge le camion avec le matériel et j’installe les lumières sur les futurs décors. En lien avec la régie, je m’occupe aussi de renvoyer le soir le matériel dont nous n’avons plus besoin. Ensuite, je travaille en collaboration avec le premier-assistant. Il affine la lumière, juste avant de tourner, en vérifiant le retour vidéo.

“On ne se rend compte du résultat de notre travail qu’un an et demi après, quand les films sortent”

Nous suivons les ordres d’un “chef-électro”, qui s’occupe de l’organisation. Il obéit lui-même aux exigences du chef-opérateur, directeur des intentions de lumière : cadre, couleur, mouvement. On ne se rend compte du résultat de notre travail qu’un an et demi après, quand les films sortent. 

Avec les progrès techniques de ces dernières années, comment votre métier a-t-il évolué ? 

Il y a plein de choses qui n’existaient pas il y a 30 ans. Par exemple, maintenant, on travaille qu’avec des projecteurs led, alors qu’avant on avait des projecteurs qui consommaient beaucoup d’énergies. Ils nécessitaient une installation énorme et beaucoup plus de manutention. Maintenant un a une console pour contrôler les effets de lumière. Avec les leds, le travail est plus facile qu’il y a 30 ans.

Le métier d’électro a-t-il de l’avenir ? 

L’avantage de ce métier, c’est qu’il y a toujours des nouveautés, donc on doit systématiquement se reformer et apprendre de nouvelles choses.

“Je pense qu’on a de l’avenir”

De plus, le métier ne se limite pas à appuyer sur un bouton. Ce n’est pas comme pendant un spectacle. Dans le milieu du cinéma, dès qu’on change de plan, on change d’installation. Je pense qu’on a de l’avenir.

Comment le métier d’électricienne prise de vue est-il récompensé ?

Nous on travaille en amont du tournage, pas en même temps que les acteurs. Ensuite, quand on regarde un film, on n’a pas forcément conscience qu’il y a un travail des lumières pendant un film, contrairement au son et aux acteurs. En termes de reconnaissance, ce sont les directeurs de l’image qui reçoivent les prix, car ce sont eux qui ont l’idée créative autour du film. 

Je ne sais pas si je veux que le métier ait plus de reconnaissance, je fais ce métier pour la passion et pour la lumière. 

Quelle est votre relation avec le festival ?

Je n’ai jamais fait de collaboration avec eux. En revanche, j’y allais en tant que consommatrice festivalière, je suis une amoureuse du cinéma.


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