À l’occasion du Festival Lumière, grand rendez-vous du film de patrimoine, L’Écornifleur a décidé de s’intéresser au Marché international du film classique (MIFC) qui rend ce cinéma plus accessible que ce que l’on croit.

Le mot « patrimoine » est souvent associé à une visite chez le notaire ou aux journées éponymes. Dans le monde du cinéma, il évoque des œuvres datées et parfois perçues comme élitistes : Les 400 coups, Metropolis, Casablanca… Et pourtant, tout film dont la première sortie en salle a plus de vingt ans est considéré comme un film de patrimoine selon le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
Collatéral (2004) ou Princesse Mononoké (1997) sont des films dits « de patrimoine ». Ce sera bientôt le cas de V pour Vendetta (2006) et même de Kung Fu Panda (2008), tous deux projetés à l’occasion du festival : des longs-métrages plus récents, et appréciés de toutes les générations.
En 2024, 90 % déclaraient regarder des films de patrimoine selon le CNC, et les cinémas enregistraient 4,4 millions d’entrées pour des films de patrimoine, un record depuis 1997. Tout cela, malgré les fermetures liées au Covid en 2020, qui avaient fait chuter toutes les catégories statistiques.
« C’est mieux que Cannes ! »
« Un film du Festival Lumière, vous allez le retrouver un an plus tard en Blu-ray ! », résume Philippe Roger, maître de conférences en cinéma à l’université Lyon 2, et visiteur régulier du Festival Lumière et de son Marché international du film classique (MIFC). Ce marché est le grand rendez-vous annuel réunissant restaurateurs et diffuseurs. Des négociations y sont menées pour la diffusion future de films redécouverts ou récemment restaurés.
Philippe Roger ne tarit pas d’éloges sur l’intérêt unique de l’événement : « C’est mieux que Cannes ! Ici, c’est la face cachée, le public ne voit que les productions. » Car c’est une occasion comme nulle autre pour les curieux : « Pour le spectateur, il s’agit d’aller chercher des raretés. À chaque festival, il y a de vraies découvertes. » Lui-même a ainsi découvert, grâce au festival, Kalamita (1982), comédie de l’emblématique réalisatrice de la nouvelle vague tchèque, Věra Chytilová.
Au Salon du DVD, le support matériel pour lutter contre « l’amnésie »
Avec son succès grandissant au fur et à mesure des années, le MIFC confirme son rôle essentiel : il réunit tous les acteurs de l’industrie, et, par le biais du festival, rend accessible au grand public les films de patrimoine. Le festival met d’ailleurs souvent à l’honneur au sein de sa programmation des cinéastes ayant bénéficié de l’action du MIFC: cette année, c’est le cas de Anja Breien, réalisatrice phare de la nouvelle vague norvégienne. Son chef-d’œuvre Le Viol (1971), sera à l’affiche tout au long du festival.
Dans l’intimité de cette rencontre entre professionnels, a lieu, le 12 octobre, un événement peu médiatisé, mais vital pour le cinéma français : le Salon du DVD. À une époque où le support numérique, facile à transmettre, est roi, le festival est moteur dans la conservation à long terme. Philippe Roger insiste : « On vit sur une illusion, on est dans un monde de l’amnésie ! »
