Alors que le soleil se couche sur Fourvière, l’Ecornifleur vous embarque dans le monde de la nuit auprès des noctambules et travailleurs de l’ombre.


17 000 frontales, portées par les athlètes, ont éclairé les sentiers de la SaintéLyon, la nuit du 2 au 3 décembre. Les conditions météorologiques de ce trail sont souvent mauvaises, mais cette édition était particulièrement fraîche.
Paul, engagé sur le relais à quatre, attend le départ de la course au parc des Expositions de Saint-Étienne. Saint-Etienne, France. 2 décembre 2023 © Agathe Mourey

Dimanche 3 décembre, 2h30 du matin, entre Saint-Étienne et Lyon. Des lumières scintillantes serpentent entre les collines, sur des dizaines de kilomètres. Dans la nuit on ne voit qu’elles. Elles dodelinent au rythme de la course des athlètes. Une montée, une descente, une nouvelle montée, le dernier effort… Puis la lumière des frontales se noie dans celle des lampadaires de Saint-Christo-en-Jarez, le premier point de ravitaillement de la course. Près de 17 000 personnes se sont engagées cette année sur la SaintéLyon. Ce parcours de soixante-dix-huit kilomètres, bien connu des traileurs, démarre à Saint-Étienne et finit à Lyon, en passant par les chemins sinueux des Monts du Lyonnais. Sa principale particularité : elle se déroule toujours le premier week-end de décembre… la nuit.

Cette année le temps est sec, mais les températures sont négatives et il y a de la neige sur une bonne partie du parcours. On enregistrait même -10°C au milieu de la nuit. Bonnet vissé sur la tête, gants aux mains et tour du cou remonté sur le visage, les participants ont lutté pour rester debout sur le sentier verglacé. « C’est une vraie patinoire. À certains endroits tout le monde tombe », raconte Mathilde qui participe à l’épreuve en relais de quatre, « au niveau de la grande pente avant le ravitaillement de Saint-Genou, on descend tous sur les fesses ». Si elle ne s’est pas blessée, elle a vu quelques mauvaises chutes et est elle-même tombée : « ça calme un peu, mais il faut bien repartir ».

Pour Lucas aussi, la course se révèle plus difficile que prévu, malgré l’entraînement. « Je me suis fait avoir, alors que j’avais lu qu’il ne fallait pas sous-estimer la SaintéLyon. ».  Sa frontale le « lâche » au niveau de Sainte-Catherine, et l’eau dans sa flasque gèle. Engagé sur la course de soixante-dix-huit kilomètres, cela finit par lui sembler « interminable ».

La nuit hachée des relayeurs

Malgré le froid, certains ont tout de même décidé de courir en short. C’est le cas de Paul, en équipe avec Mathilde. « J’avais de l’appréhension avant la course », admet-il. Mais une fois dans le sas de départ, son inquiétude laisse place à l’excitation. « Il y a une sacrée ambiance, une synergie de groupe, s’enthousiasme-t-il, euphorique à son arrivée, au bout de dix-neuf kilomètres. « On soude rapidement des liens. ». 

Pour les relayeurs qui prennent le train en route, la nuit est hachée. 2 heures, 4 heures, 6 heures … Les alarmes sonnent dans les voitures. On se réveille difficilement pour ceux qui ont dormi, c’est la fin d’une longue attente à essayer de se protéger du froid pour les autres. Maintenant, il va falloir courir. « Tu as bien pris ta frontale ? N’oublies pas le dossard ! » Les équipes sont constituées de deux, trois ou quatre athlètes qui courent entre quarante-cinq et quatorze kilomètres. L’attente est parfois plus longue que prévue. La difficulté du terrain et des conditions météorologiques allongent le temps de course de certains traileurs, et retardent donc le départ de leurs coéquipiers.

« Allez Thomas ! Allez ! »

Alors que les premiers sont arrivés depuis plusieurs heures déjà, le jour commence à se lever. Sur le parcours, les supporters se font de plus en plus nombreux. « J’ai hâte de le voir », s’impatiente une famille frissonnante à Soucieu-en-Jarrest, à vingt kilomètres de l’arrivée. À 7h58, le jeune homme apparaît, les traits tirés : « Allez Thomas ! Allez ! ». Son visage s’illumine mais reste dur. « Je ne m’arrête pas », lâche-t-il entre deux halètements, « je continue de courir ». Sa famille l’accompagne pour quelques dizaines de mètres : « Allez, c’est bien, courage », le soutiennent-ils entre admiration et inquiétude. C’est aussi à partir de ce point de ravitaillement-là, que Lucas, parti de Saint-Étienne pour les soixante-dix-huit kilomètres, a commencé à vraiment souffrir de la course : « J’étais dans un tel état que les larmes montaient chaque fois qu’un inconnu m’encourageait ».

En s’approchant de Lyon, le rythme ralentit progressivement pour la plupart. Seuls les relayeurs, qui ont moins de kilomètres dans les jambes, ont encore la force de courir dans les montées. Mais les supporters, bien plus nombreux remontent le moral des troupes. « En arrivant en ville, l’ambiance est folle », se ragaillardit Lucas.

Ne reste plus que la traversée de la Saône, du Rhône, puis, à 12h22, il passe enfin l’arche d’arrivée à la halle Tony Garnier. En larmes. Heureusement, ses amis sont là pour le réconforter… avec une bière bien fraîche.

Agathe Mourey