Situé sur la rive gauche du Rhône, le quartier de la Guillotière et sa mixité sociale et culturelle font l’objet de multiples fantasmes. Les journalistes de l’Ecornifleur s’y sont baladés, à la rencontre de celles et ceux qui font la singularité du quartier.


Entre les outils et les vélos de l’atelier situé au cœur de l’îlot Mazagran, Lu nous raconte son histoire avec la bicyclette.
Lu Vignes (bénévole), devant un mur d'outils.
Dans l’Atelier, Lu fait partie des bénévoles présents aux permanences mécaniques pour aider  les adhérents qui souhaitent réparer leur vélo. Lyon, France. 8 novembre 2023 © Nicolas Malarte

Malgré la fraîcheur et l’humidité des soirées d’automne, une sorte de chaleur se dégage de l’Atelier du Chat Perché. A l’intérieur, une vingtaine de personnes s’affairent aux réparations de cycles, dans la bonne humeur et l’odeur de cambouis. Lu, 29 ans, arrivé en janvier à Lyon fait partie de ce petit groupe-là. Installé dans le bureau de l’atelier, à l’écart des bruits et des conversations, il parle de l’Atelier et de son atmosphère : « Il y a tout le temps des discussions politiques, sociétales. Et c’est aussi un truc que j’aime bien moi ».

Une nouvelle vie à « l’extrême opposé »

Une grosse polaire rouge au-dessus de sa combinaison verte et jaune de cyclisme, le bénévole retrace le cours de sa vie et sa rencontre avec le biclou. Parisien à l’époque, le confinement du printemps 2020 a marqué le départ de sa vie de cycliste :  « Comme pas mal de gens, je faisais du sport avant le confinement, du badminton. Et avec le confinement, tous les gymnases ferment ».  Creusant dans ses souvenirs, il poursuit, « Du coup, avec deux amis on a commencé à faire de plus en plus de vélo, à rencontrer des coursiers dans Paris, à participer à des événements, des courses avec eux ». Un vélo qu’il n’a depuis plus lâché.

Après avoir fini sa thèse en océanographie en 2021, il déménage à La Rochelle, ne souhaitant plus continuer la recherche. « Ce truc de bosser derrière un écran toute la journée, d’être enfermé tout le temps, c’est spécial comme mode de vie je trouve », explique-t-il. Une vie qu’il a rapidement délaissée pour « l’extrême opposé » : depuis mai 2023, Lu est livreur cycliste salarié pour l’entreprise Fends la bise (Lyon, 3e arrondissement). Il précise : « mais c’est pas comme Ubereats, j’ai un CDI et je suis dans une structure stable ». Une décision prise après avoir rencontré un de ses livreurs à la Race Across France 2022, une course cycliste de 300 km. « Il a commencé à me parler de sa boîte et je me suis dit “Ah, ça a l’air sympa”… Et puis la Charente-Maritime c’est vraiment très plat […] donc ça serait cool de changer totalement pour aller vers les montagnes ! »

« Le vélo est un lien supplémentaire »

A peine installé à Lyon en janvier 2023, Lu s’investit comme bénévole dans l’Atelier, situé en plein cœur de la Guillotière. « J’étais déjà bénévole dans un autre atelier vélo à la Rochelle, et comme il est dans le même réseau que le Chat Perché, ils m’ont conseillé celui-là », raconte-t-il. Créé en 2007 à Villeurbanne, d’abord sous le nom d’Atelier du Singe de l’Au-delà, l’Atelier a déménagé plusieurs fois avant de s’installer dans l’îlot Mazagran en juillet 2016. Un endroit qui a son importance selon le néo-lyonnais. « Là t’as pignon sur rue, juste à côté de la Guill’, je trouve ça bien pour être proche des gens, il y a pas mal de gens qui passent devant et qui nous disent “Ah je vis à côté et je connaissais pas”. » Ouvert les mardis, mercredis, vendredis et samedis en soirée pour des permanences réparations, le lieu est propice aux rencontres, « le mot d’ordre ici, c’est vraiment que tout le monde est le bienvenu, même les gens qui n’ont aucune connaissance mécanique », reprend Lu.

Outre l’aspect mécanique, le Chat Perché est un « atelier qui rayonne » pour le cycliste : « déjà c’est un bon atelier d’autoréparation, mais c’est aussi un endroit assez militant pour la place du vélo dans la ville et autour des questions d’égalité hommes, femmes, LGBT ». Dans cette lignée, l’Atelier a mis en place dès 2014 les « Heures félines » : un moment de formation et de réparation de vélo réservé aux femmes, personnes trans, intersexes et autres minorités de genre, tous les deuxièmes et quatrièmes jeudis du mois. « Au final on est là pour faire de la réparation de vélo, mais c’est un truc assez politique de redonner la possibilité à tout un chacun de ce qu’on appelle la “Vélonomie”, donc l’autonomie à vélo », s’épanche le bénévole, « c’est assez mis en avant ici et c’est un truc qui me plaisait bien. »

Habitué des permanences du mercredi, Lu revoit chaque semaine les mêmes bénévoles qui deviennent pour certains des amis. « Ces gens ont les mêmes centres d’intérêts autour de l’Atelier, il y a en a qui prévoient des sorties vélo entre eux… Genre le vélo est un lien supplémentaire ! » s’exclame-t-il.

Coursier à vélo, bénévole à l’atelier mais aussi cycliste lors de son temps libre, lorsqu’on lui demande s’il ne se lasse pas du vélo, il ironise : « ça dépend de la météo : rouler toute la semaine sous la pluie, tu as un peu la flemme ; mais là cette semaine il fait beau ». Il ajoute, « et puis moi je fais de l’ultra distance à côté [du travail], des courses de vélo sur des distances supérieures à 300 km ». Des sortes de marathons à vélo qui sont alors une motivation de plus « pour faire des sorties vélo après le travail ! ». 

Nicolas Malarte