Sydney Pollack (1934-2008) est sans conteste l’un des géants du cinéma américain. Pourtant, il y a fort à parier que vous soyez passés à côté de son œuvre, tant éclectique qu’inclassable. Qu’à cela ne tienne, il fait l’objet d’une rétrospective lors de cette treizième édition du Festival Lumière. Parmi les quinze films projetés, la rédaction de l’Ecornifleur en a sélectionné trois, qui s’inscrivent pleinement dans la lignée du Nouvel Hollywood des années 70.  

Se frottant tant au western qu’à la comédie dramatique et à la fresque romanesque, Pollack est un fin observateur du pays de l’Oncle Sam, de ses mythes comme de ses travers. A la fois réalisateur, acteur et producteur, il donne à voir une Amérique multi-facettes, en perpétuelle quête de sens. 

Un western initiatique : Jeremiah Johnson (1972) 

Jeremiah Johnson, ancien soldat fuyant la civilisation, part vivre seul dans les Montagnes Rocheuses. Alors que l’adaptation est rude (rien à voir avec votre rando de cet été dans les Cévennes), le héros solitaire incarné par Robert Redford – acteur fétiche de Pollack – trouve progressivement sa place au cœur d’une nature sauvage dont les lois sont parfois plus cruelles que celles des hommes. S’inspirant de la vie du célèbre trappeur Johnson le mangeur-de-foie, au sobriquet pour le moins flatteur, Pollack retranscrit avec une grande justesse l’utopie des grands espaces mais aussi ses limites.  

Ce qu’on a aimé 

Ce western à la fois initiatique et contemplatif détonne par la rupture avec les codes classiques du genre qu’il propose : exit le schéma traditionnel opposant les bons cow-boys aux méchants indiens. Place à une vision renouvelée de l’histoire du Wild West, avec, en son cœur, deux grandes obsessions américaines : l’esprit pionnier et le rapport à la société. Petit plus, une bande originale signée John Rubinstein et Tim McIntire qui sublime à merveille ce western puissant. A aller voir seul après une longue journée de travail pour décompresser et se reconnecter à la nature.  

Séances à ne pas manquer 

10/10 à 14h – UGC Confluence, 12/10 à 20h – Sainte-Foy-lès-Lyon, 14/10 à 20h – Pathé Bellecour, 15/10 à 14h15 – Comœdia, 16/10 à 20h30 – CinéDuchère, 17/10 à 19h30 – Institut Lumière 

Une réflexion sur le Maccarthysme : Nos plus belles années (1973) 

Dans ce drame passionnel, Sydney Pollack convoque un tandem tout aussi iconique qu’attachant : Barbara Streisand et Robert Redford, alias Katie Morosky et Hubbell Gardiner. Nos plus belles années – The Way We Were dans sa version originale – retrace la vie de ce couple entre 1937 et 1950, dans une Amérique secouée par la guerre et la sombre période du Maccarthysme qui s’ensuit. Elle, fervente militante communiste, est issue d’un milieu modeste. Lui, écrivain prometteur, est un pur produit de la classe supérieure. Autant dire que les choses étaient mal engagées. Alors que le monde du cinéma dans lequel ils évoluent tous les deux est frappé par les enquêtes de la Commission des activités anti-américaines, l’équilibre déjà parfois fragile du couple est mis à rude épreuve.  

© Columbia Pictures Corporation

Ce qu’on a aimé 

Si le réalisateur tourne sa caméra vers le passé et la “chasse aux sorcières”, c’est pour mieux mettre en regard les soubresauts qui traversent le pays au moment de la guerre du Vietnam et de l’affaire du Watergate. Il explore ainsi les plaies que l’Amérique peine à panser et qui ressurgissent indéniablement à chaque période de crise. Emerge alors la question de l’engagement politique. Quand celui-ci s’immisce dans l’intimité d’un couple, l’amour peut-il en transcender les conceptions discordantes ? La réponse de Pollack ne plaira surement pas aux plus romantiques d’entre vous.  

A aller voir à deux, à condition que vos désaccords politiques ne soient pas un sujet sensible. 

Séances à ne pas manquer  

11/10 à 20h – Écully, 12/10 à 16h – Villa Lumière, 13/10 à 22h – Pathé Bellecour, 14/10 à 14h45 – UGC Confluence, 16/10 à 17h15 – UGC Astoria 

Une critique du consumérisme : le Cavalier Electrique (1979) 

Pour ce road movie léger, Robert Redford (encore lui) se glisse dans la peau de Sonny Steele, un champion de rodéo à la dérive. Pour joindre les deux bouts, ce dernier vend son image à la marque de céréales Ranch Breakfast, illustration saisissante de la récupération du mythe de l’Ouest par l’ogre capitaliste. Vêtu d’un costume recouvert de guirlandes lumineuses – quel bonheur de voir un Redford à la moustache soignée dans cet accoutrement ! – il enchaîne les apparitions publiques à cheval et cherche dans l’alcool le moyen d’oublier sa déchéance. A l’occasion d’une énième représentation, il réalise que Rising Starr, le pur-sang qui l’accompagne, est drogué pour le bon déroulement du show. N’y tenant plus, il décide de s’enfuir avec l’animal d’une valeur de douze millions de dollars, rien que ça ! La police, ainsi qu’une journaliste opportuniste interprétée par la divine Jane Fonda, se lancent à la poursuite du cow-boy désenchanté.  

© Cinéma International Corporation (C.I.C.)

Ce qu’on a aimé 

Sous ses faux airs de western, le Cavalier Electrique soumet une critique acerbe de la société de consommation, faisant du retour aux origines et de la quête de liberté les seules échappatoires dans une Amérique en perte de repères. S’il ne fait pas partie des films les plus connus de Pollack – sortons un peu des sentiers battus -, il promet tout de même une épopée profondément humaine. A aller voir entre amis, pour une expérience cinématographique décalée qui vous permettra de briller en société sans avoir à vous affubler de guirlandes électriques.  

Séances à ne pas manquer 

10/10 à 21h30 – UGC Confluence, 11/10 à 20h – UGC Astoria, 13/10 à 11h – UGC Confluence