Dans le documentaire L’Animation française, cet autre cinéma qui sera projeté en avant-première au Festival Lumière lundi 11 octobre 2021, le réalisateur Mickaël Royer dresse l’histoire du cinéma d’animation, à travers des interviews et des images d’archives de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Un cinéma qui s’exporte et connaît un plus grand succès à l’étranger qu’en France, comme l’a expliqué Mickaël Royer pour l’Écornifleur. Décryptage.

Affiche du documentaire L’Animation française, cet autre cinéma, de Mickaël Royer. Sélectionné au Festival Lumière sera diffusé à la Villa Lumière lundi 11 octobre à 18h. © Theorem.

« En animation, on a encore l’impression d’être le parent pauvre du cinéma », regrettait Jérémy Clapin, réalisateur du film J’ai perdu mon corps, dans son discours lors de la cérémonie des Césars en 2020. Ce dernier a fait valoir devant le gratin du cinéma français : « L’animation n’est pas un genre, c’est une technique pour raconter une histoire et faire du cinéma ».

C’est cet « autre cinéma », que Mickaël Royer a voulu raconter dans son documentaire, sorti en 2021 et projeté à la Villa Lumière. Ce dernier a souhaité mettre en avant un cinéma qui se porte bien. En effet, le cinéma d’animation français s’est imposé en l’espace d’un demi-siècle, au troisième rang mondial, derrière les États-Unis et le Japon.

Un cinéma qui rapporte…

Depuis les années 2000, les emplois du secteur de l’animation ont connu une croissance de 20%, selon Jacques-Rémy Girerd, réalisateur d’Une vie de chat.  Aujourd’hui l’animation représente 7000 à 8000 emplois en France avec 500 étudiants qui sortent diplômés de grandes écoles chaque année et qui participent à un écosystème riche et dynamique. « D’ici 2025, on devrait être à plus de 10 000 salariés », prédit Marc du Pontavice, fondateur du studio d’animation Xilam au micro de France Inter.

Joint par l’Écornifleur, Mickaël Royer estime qu’il y a une vraie prise de conscience en ce moment : « L’animation rapporte beaucoup d’argent car cela coûte moins cher à tourner et les plateformes comme Netflix l’ont bien compris ». Ce sont les 15-30 ans qui consomment le plus des films d’animation, le même public que les plateformes de streaming.

« Les plateformes prennent une place très importante : elles ont des moyens considérables et ont parfaitement compris et identifié le talent particulier des français », explique Marc du Pontavice.

… mais qui peine à être pris au sérieux en France

« L’animation est encore aujourd’hui considérée comme réservée aux enfants et aux familles. Elle souffre d’un vrai manque de considération mais cela tend à s’améliorer », selon Mickaël Royer. Par le passé, l’animation a semblé être la catégorie oubliée, voire exclue, lors de grands festivals de cinéma comme Cannes ou Lumière. En effet, les films d’animation étaient cantonnés dans les sélections de court-métrage.

Mais depuis plusieurs années, une dynamique semble s’être mise en place pour le long métrage d’animation. En 2021, trois films ont été présentés : Le sommet des dieux de Patrick Imbert, Où est Anne Frank ? d’Ari Folman et Belle de Mamoru Hosoda.

Si Shrek, l’ogre le plus célèbre des studios Dreamworks fait l’objet d’une soirée spéciale au Festival Lumière, en revanche, « pas un seul film d’animation français n’est à l’affiche », regrette Mickaël Royer.

Néanmoins, pour Eléa Gobbé-Mévellec, réalisatrice de Les hirondelles de Kaboul, le chemin de l’animation pour être prise au sérieux n’est pas terminé : « J’aimerais que mes films puissent concourir au prix du meilleur film et non dans une catégorie à part ».

Un patrimoine français riche, valorisé à l’étranger

Selon un rapport d’UniFrance, la presque totalité des films animés français sort des frontières nationales où ils génèrent environ 10 % d’entrées de plus qu’en France. En moyenne chaque année, seize films d’animation sont exploités à l’international et comptabilisent 3 millions d’entrées.

Avec près de 8 millions d’entrées entre 1995 et 2019, c’est la Chine qui compte le plus grand nombre de spectateurs étrangers pour l’animation française, suivie par les États-Unis avec 7,2 millions de spectateurs.

« Le cinéma d’animation est beaucoup plus valorisé, récompensé et connu à l’étranger », précise Mickaël Royer. Les Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet a été le premier film d’animation français à être sélectionné pour l’Oscar du meilleur film d’animation en 2004. Ce film a renforcé l’intérêt des États-Unis pour l’animation française et a ouvert la voie à d’autres films français comme L’Illusionniste de Sylvain Chomet, Ernest et Célestine de Stéphane Aubier, Vincent Patar et Benjamin Renner, Ma vie de Courgette de Claude Barras et plus récemment J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin.

Malgré son succès, le cinéma d’animation français affiche des budgets trente fois inférieurs à ceux des grands studios américains et japonais. Par comparaison, le budget du film J’ai perdu mon corps s’élève à 5 millions d’euros selon son producteur Marc du Pontavice, alors que celui de Toy Story 4, des studios Pixar et Disney, lauréat de l’Oscar du meilleur film d’animation en 2019, était de 170 millions d’euros.

Faire la chronologie complète du film d’animation

Mickaël Royer a débuté l’écriture de ce documentaire en 2018, motivé par l’envie de réaliser une frise chronologique complète de l’animation française. « J’ai pris conscience que l’année 2020 serait celle de l’anniversaire de la soixantième édition du Festival international du film d’animation d’Annecy », explique le réalisateur.

Tout au long du documentaire, à l’aide d’images d’archives de l’INA et d’une vingtaine d’interviews avec des personnalités liées à l’animation, Mickaël Royer parle de cinéma sans jamais le montrer : « Cette histoire est avant tout humaine, mais elle est également politique, culturelle, technologique et économique ».

Alors que son film va être projeté pour la première fois devant un public, Mickaël Royer a un souhait : « Toucher le public et les cinéphiles qui ne connaissent pas l’animation française ». Il déplore : « Il y a un territoire imaginaire immense, riche et complexe à y découvrir, qui reste injustement cantonné et réduit à du cinéma pour enfant ».


Les 10 plus grands succès du cinéma d’animation français :

  • Le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault (1980)
  • Persepolis de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi (2007)
  • Les Douze Travaux d’Astérix de René Goscinny, Henti Gruelet Albert Uderzo (1976)
  • Kirikou et la Sorcière de Michel Ocelot (1998)
  • Ernest et Célestine de Benjamin Renner, Vincent Patar et Stéphane Aubier (2012)
  • Ma Vie de Courgette de Claude Barras (2016)
  • Astérix : Le Domaine des Dieux de Louis Clichy et Alexandre Astier (2014)
  • Les Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet (2003)
  • Astérix et Cléopâtre de René Goscinny et Albert Uderzo (1968)
  • Avril et le Monde Truqué de Christian Desmares et Franck Ekinci (2015)

Avant-première du documentaire L’Animation française, cet autre cinéma, lundi 11 octobre 2021 à 18h à la Villa Lumière.