Ce mercredi soir, l’Auditorium de Lyon fait la part belle au cinéma muet pour la 13ème édition du Festival Lumière. Au programme ? Une projection de Casanova d’Alexandre Volkoff sublimée par une composition inédite signée Günter A. Buchwald, soliste et chef d’orchestre allemand de renommée internationale. Le compositeur a été invité à diriger lui-même l’Orchestre National de Lyon spécialement pour l’événement. A quelques heures du ciné-concert, il se livre à l’Ecornifleur.

Le compositeur Günter Buchwald parcourt ses partitions à quelques heures du ciné-concert Casanova à l’Auditorium de Lyon. ©Marine Bourrier

Dans sa loge de l’Auditorium de Lyon, Günter Buchwald, compositeur allemand de 69 ans, s’autorise un moment de répit. Face à lui, un écran retransmet en temps réel les images de la scène sur laquelle il répétait encore quelques minutes auparavant avec l’Orchestre National de Lyon. Sur la table basse, tout près de la baguette de direction de chef d’orchestre, sont empilés deux épais carnets de partitions. L’inscription “CASANOVA” s’y dessine en lettres dorées.

Comment en êtes-vous venu à composer la musique de Casanova ?

Günter Buchwald : Dans les années 60-70, face au constat que les œuvres cinématographiques se détériorent, les archives commencent à vouloir sauver cet héritage en restaurant les films. C’est à ce moment-là que la question de la musique revient. Casanova, qui est sorti en 1927, n’avait pas de composition originale. Le film a connu une première restauration dans les années 80 et a été accompagné par des musiques de George Delerue. Pour être honnête, je n’aimais pas vraiment cette composition : c’était son premier film muet, l’ensemble n’était composé que de seize musiciens….

Un jour, quand j’ai demandé à la cinémathèque française une version de Casanova pour travailler dessus, ils m’ont dit : “Günter, c’est Dieu qui t’envoie ?” (rires). Ils m’ont expliqué qu’ils venaient de faire une restauration pour laquelle ils ne pouvaient plus utiliser la composition de Delerue parce qu’avec la numérisation, la durée du film n’était plus la même. Il était impossible de ralentir la musique pour qu’elle colle parfaitement. Je me suis donc chargé de l’écrire.

Composer les premières trois-quatre premières minutes a été très rapide. Je les ai faites en un jour. Le reste m’a pris deux ans et demi. J’y ai passé de longues nuits !

Que vous a inspiré cette œuvre ?

G. B. : En regardant le film, j’ai tout de suite eu une vision musicale. Il y a une vraie conception mélodieuse dans cette œuvre, avec beaucoup de danses. A la fin, quand Casanova retourne à Venise, c’est le moment du Carnaval. Dans les images, on aperçoit aussi des cuivres et un orchestre de mandoline. Il y a tellement de mouvement, c’est un véritable opéra filmique !

Il a fallu faire des recherches, notamment pour savoir ce qui existait comme musique pour le Carnaval de Venise. J’ai choisi la chanson populaire napolitaine qui s’intitule Le Carnaval de Venise, réutilisée par beaucoup de compositeurs. J’ai aussi arrangé d’autres morceaux. Par exemple, je ne voulais pas prendre Strauss parce qu’il est trop connu. Alors je l’ai caché à un moment avec des fausses notes ! Au moment de l’orchestre de mandoline, j’ai trouvé un morceau presque inconnu de Vivaldi, écrit pour des cordes. Sur deux heures quarante de film, il faut réussir à trouver des variations.

La musique doit révéler les émotions mais aussi l’action, les sons naturels. Quand il y a quelqu’un qui tombe à l’eau, on fait résonner les cymbales. Il faut bien équilibrer ce qu’on appelle le Mickey Mousing, la synchronisation de la musique avec l’image, comme dans les Cartoons. Ça peut être bien pour les comédies, pour le burlesque parfois mais pour Casanova il faut y recourir avec parcimonie.

Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques heures de la représentation ?

G. B. : On vient de terminer la répétition générale de la première partie. Sans arrêter le film pour connaître aussi la situation de stress des conditions réelles. Il y a eu des accidents, à cause des instruments mais aussi à cause de moi. Il y a quand même une cinquantaine de musiciens sur scène et, au total, plus de 5000 mesures. Mais on travaille de manière collégiale.

J’ai un peu le trac parce que l’orchestre National de Lyon, c’est une institution et moi, je ne suis pas Michaël Nyman, compositeur, entre autres, de La Leçon de Piano de Jane Campion. Mais on s’adapte. Tout est une affaire de synchronisation. Depuis 2019 et la présentation de ma partition pour Casanova avec l’Orchestre philharmonique de Fribourg-en-Brisgau, j’ai corrigé les choses qui étaient à améliorer. Ce soir, ce sera la première mondiale dans sa version définitive.