Katell Ropert est devenue vice-championne du monde de para surf en 2018, un an après être devenue tétraplégique. À travers son investissement dans le sport, les études, le travail, elle fait partie de ces « super-héros » que les valides aiment mettre en avant. Sa démarche s’inscrit pourtant à l’opposé de cette représentation du handicap.

Katell Ropert : « Le milieu maritime, c’est un peu mon univers. Je suis née presque sur les rochers ». Photo Katell Ropert

En 2017, suite à un accident, vous devenez tétraplégique. Comment le surf est-il entré dans votre nouvelle vie ? 

J’ai toujours été sportive et active. Je vivais en yourte, j’avais vendu ma voiture et je circulais en biporteur, malgré le fait d’avoir cinq enfants. Quand j’ai eu mon accident, je me suis retrouvée immobile. C’était très difficile à vivre. Immédiatement, j’ai cherché à retrouver de la mobilité et à bouger mon corps. Le milieu maritime, c’est un peu mon univers. Je suis née presque sur les rochers, en Bretagne, et ma maison familiale est à 50 mètres de la mer. Le premier sport que j’ai pratiqué après mon accident c’était du char à voile avec l’association Vague d’Espoir. Puis, je me suis inscrite à une initiation de para surf. J’avais une intuition que, par le sport ou toute autre activité physique, cela pourrait me faire du bien. 

Et ça l’a fait? 

Ce fut une révélation. Pour une fois, je quittais le fauteuil et je n’avais pas besoin que quelqu’un me porte ou me pousse. Avoir des sensations de vitesse, c’était aussi très important pour moi. Ce qui m’a marquée, c’est le regard du moniteur à ce moment-là : il était positif. Je n’étais plus à ses yeux « la pauvre dame » qui élève déjà des enfants handicapés, et qui en plus est en fauteuil.

Quand le para surf est-il devenu plus qu’un simple loisir ?

Au début, je ne cherchais pas à faire de la compétition. Une fois que j’ai pris ma licence, je me suis investie dans la discipline. Mon club m’a proposé de participer aux championnats de France de para surf, car il n’y avait pas de qualifications régionales.

« Je n’étais pas venue pour faire des ronds dans l’eau et surfer sur vingt centimètres de vague »

Vous avez quand même dû vous battre pour surfer sur les mêmes vagues que les valides lors de cette compétition… 

Oui, j’ai déposé une réclamation officielle. J’ai expliqué aux organisateurs que je n’étais pas venue pour faire des ronds dans l’eau et surfer sur vingt centimètres de vague. Finalement, la compétition a pris du retard, mais on m’a attribué un autre spot avec de meilleures vagues. Ce jour-là, j’ai surfé sur la plus belle vague de ma vie et obtenu un 10. Trois juges m’ont dit qu’ils ne savaient pas qu’une personne handicapée pouvait surfer ainsi. Je leur ai répondu que c’était normal, vu qu’on faisait habituellement surfer les personnes handicapées sur des vagues insignifiantes.

L’accès à du matériel adapté a-t-il été une difficulté ?

Pour le surf, il n’existe pas de planche standard adaptée. Cela dépend beaucoup des capacités fonctionnelles de chacun. J’ai essayé une vingtaine de planches avant que ma banque ne m’aide à financer une planche sur mesure fabriquée par un shaper. Et là, d’emblée, j’ai eu l’impression que cette planche était une extension de mon corps.

« Pour une session d’une heure, cela me prend cinq heures de préparation. »

Quels sont les obstacles que vous rencontrez lors de vos sessions de surf ?

Pour une session d’une heure, cela me prend cinq heures de préparation. J’ai besoin que mon auxiliaire de vie soit avec moi. Puis, il faut m’aider à enfiler la combinaison, charger le van avec mon fauteuil et les planches, et trouver une personne qui sait lire les vagues. Le retour est tout aussi logistique, avec la douche et le rangement. Cela représente une charge mentale considérable.

Vous avez déclaré que le surf n’est pas le plus grand défi de votre vie. Quels sont vos autres combats ?

Un de mes plus grands défis a été de retrouver un travail. J’ai réalisé un master en politique sociale et je suis aujourd’hui cadre dans une entreprise. Je suis chargée de tester des projets, des tests cliniques et d’usage.

Comment jugez-vous la prise en charge du handicap par les instances sportives ?

Beaucoup de clubs et associations s’enorgueillissent de mettre des personnes handicapées à l’eau. Je trouve cela insupportable : c’est leur boulot. Quand je paye un cours de surf, je n’ai pas plus d’étoiles dans les yeux qu’un valide. Par rapport à la relation que le parasportif a avec son accompagnateur, je préfère à « paire aidante » le terme « paire émulation » qui permet de mettre sur un pied d’égalité la personne en situation de handicap avec le valide à ses côtés.

Quelle est votre opinion sur les Jeux paralympiques ?

J’ai refusé de porter la flamme olympique parce que je trouve que c’est souvent du copinage. Je suis gênée par la super-héroïsation des personnes handicapées. Il y aurait le « bon handicapé » résilient et performant. C’est aussi toujours les mêmes figures comme les youtubeurs handicapés qu’on met en avant. Leur métier, c’est être handicapé. Je me bats contre cela.

Observez-vous des améliorations dans l’accessibilité au handisport ?

Il y a des progrès, comme la mise en place de brevets d’État spécialisés pour l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Chaque handicap a ses particularités, et ces formations sont essentielles pour adapter l’accompagnement selon les besoins.

Pensez-vous qu’il y ait un problème de représentation du handicap ?

Oui, souvent par maladresse. Par exemple, en attendant à la fromagerie, quelqu’un m’a poussée par les épaules pour me faire avancer. Quand j’ai protesté, on m’a répondu : « Vous voulez qu’on vous aide, mais quand on le fait, vous n’êtes pas contents. » Il faut être pédagogue pour expliquer que l’inclusion c’est permettre à chacun d’être le plus autonome possible sans aide. Mais pour cela, il faudrait que nous ayons davantage la parole.

  • Gabin Tochon

    Il arpente les rues de Lyon avec son vélo vert pour aller interviewer les acteurs de la transition. Si vous le cherchez, il n’est pas dispo. Il est sûrement trop occupé par la gestion de son média Ambiental ou par le visionnage d’un film “génial” que personne ne connaît.

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Gabin Tochon

Il arpente les rues de Lyon avec son vélo vert pour aller interviewer les acteurs de la transition. Si vous le cherchez, il n’est pas dispo. Il est sûrement trop occupé par la gestion de son média Ambiental ou par le visionnage d’un film “génial” que personne ne connaît.