Avec son collectif « Métro pour Tous », l’ingénieur en bâtiment et blogueur, Antoine Durand, alerte sur les pannes d’ascenseur qui empêchent les personnes à mobilité réduite d’accéder aux stations de métro lyonnais. Depuis le 31 octobre, sa pétition a récolté plus de 290 signatures. Dans un long entretien qu’il nous a accordé le 17 décembre dernier, le militant atteint d’une maladie neuromusculaire dégénérative revient sur son action, sa vision de la politique et son quotidien.

Votre pétition a reçu plus de 220 signatures [au 17 décembre, ndlr]. Est-ce que vous avez le sentiment que ça a permis de donner de la visibilité à vos revendications ?
220 ce n’est pas gigantesque mais ce n’est pas négligeable. Mon objectif, c’étaient plusieurs milliers. L’occupation de l’espace médiatique n’est pas évidente. Plein de sujets touchent peut-être plus de monde…
Comment cette pétition est-elle née ?
À Lyon, je prends les transports en commun au quotidien. Le réseau est très accessible par rapport à d’autres villes en France. Mais ça fait deux ou trois ans qu’il y a plus de pannes et que les délais de réparation s’allongent. Moi encore, j’ai une voiture pour me déplacer. Pour les gens qui n’ont que les transports en commun, ça crée des injustices pour accéder à l’emploi, à l’école, à la vie sociale ou à la santé. Je ne voulais pas rester impuissant.
Comment expliquer cette dégradation selon vous ?
Il y a de plus en plus de gens qui prennent les transports en commun. Les équipements sont plus sollicités. Par ailleurs, il y a peut-être la volonté de faire des économies avec la maintenance. Des personnes qui bossaient pour Keolis, le prestataire qui gère le réseau, me disaient que Lyon était une vitrine pour le groupe. Maintenant qu’ils ont été évincés, ils n’ont peut-être plus intérêt à faire d’efforts. [C’est la RATP Dev qui gère le réseau depuis le 1er janvier 2024, ndlr.]
« Un papa ne peut plus emmener ses enfants à l’école »
Avez-vous eu des réponses de la part de la métropole de Lyon ou du Sytral ?
J’ai été contacté directement via LinkedIn, par Bruno Bernard, le président de la métropole de Lyon, qui est aussi le Président du Sytral. Il m’a dit qu’il était conscient des difficultés. Selon ses statistiques, le délai de réparation moyen serait de six heures pour un ascenseur. J’ai constaté des pannes qui duraient un mois. Il m’a dit qu’une bonne partie des ascenseurs vétustes du métro D devraient être remplacés dans les deux prochaines années. Mais, le problème concerne toutes les lignes… et qu’est-ce que l’on fait en attendant ?
Au mois de janvier, un rendez-vous a été prévu entre le Sytral, le Président du CARPA, un collectif qui promeut l’accessibilité, et moi.
En marge de cette rencontre, quelle stratégie avez-vous décidé d’adopter ?
On part des objectifs de la Métropole, c’est-à-dire diminuer la place de la voiture pour augmenter celle des transports en commun et des modes de transports doux. S’ils veulent que tout le monde joue le jeu, il faut que le réseau soit adapté à tous.
Ce n’est pas que pour les fauteuils, c’est aussi pour les personnes âgées, pour les parents avec des enfants en poussette et pour ceux qui voyagent avec de gros bagages. On a aussi toutes les personnes qui n’ont pas un bon équilibre ou qui se déplacent avec une canne, sans compter les blessés temporaires. J’ai fait une estimation globale : ça concerne 20% de la population.
Sur votre site, il y a un onglet « témoignages ». Quelles histoires vous a-t-on livré ?
Le constat est assez unanime : il y a plus de difficultés qu’avant. Un papa ne peut plus emmener ses enfants à l’école parce que l’ascenseur de l’arrêt de métro est sans arrêt en panne. Une maman qui a un fils en fauteuil a récemment quitté Lyon, notamment parce qu’elle avait de grandes difficultés pour se déplacer.
Outre les ascenseurs, est-ce qu’il y a d’autres problèmes d’accessibilité aux transports à Lyon ?
Au niveau de la signalétique, si tu descends à Bellecour, trouver la sortie est déjà une épreuve. Quant à l’application qui informe sur les pannes des équipements en temps réel, elle n’est pas fiable.
Vous prenez toujours le métro ?
Je continue à prendre le métro. Le pire, c’était au mois d’octobre. La situation s’est améliorée depuis quelques semaines.
Est-ce que cette pétition vous laisse du temps pour vaquer à vos autres activités ?
À la base, je suis ingénieur en bâtiment. Je travaille à temps partiel dans le suivi de projet immobilier pour une société de HLM. J’ai aussi une activité à mon compte autour de la communication et du handicap. La communication, c’est le nerf de la guerre ! En ce moment, j’ai plus de temps. Je crée des liens avec les gens qui partagent mes combats. Sur LinkedIn, il y a beaucoup de militantisme pour le handicap et la société inclusive.
« On dit souvent que des crises naissent le progrès »
Vous avez plus de 11 000 abonnés sur LinkedIn. Qu’est-ce qui explique ce succès ?
Un jour, un de mes posts a fait des millions de vues. C’était totalement inattendu ! Je me suis rendu compte que les mots pouvaient avoir un impact énorme sur les gens. On a un rôle de motivateur.
Vous arrivez à être optimiste pour le futur ?
Ça fait 25 ans que je suis en fauteuil. Avant, plein de trottoirs n’étaient pas abaissés. Il y avait des quartiers dans lesquels je ne pouvais pas rouler. Aujourd’hui, ça a quasiment disparu.
On va fêter les 20 ans de la loi de 2005 sur le handicap. Elle n’est pas parfaitement appliquée mais ça a permis une sacrée avancée pour l’inclusion des enfants handicapés. Ils bénéficient d’un meilleur accès à la scolarité. Les aides ont aussi permis de financer des équipements et des fauteuils. Ça reste fragile. Rien n’est jamais acquis. Les choses vont dans le bon sens avec les jeunes générations.
On dit souvent que des crises naissent le progrès. J’espère que l’on connaîtra des améliorations dans ce contexte incertain.
Est-ce que vous songez à vous engager en politique ?
Beaucoup d’histoires de détournements et de corruption m’ont dégoûté de la politique. Mais je me dis qu’il a peut-être une autre manière de faire, avec des gens qui seraient plus intègres. Pour changer les choses, on est obligé de travailler avec des élus. Si je peux avoir un impact pour améliorer la vie de certaines personnes, je suis volontaire.