En 2021, 39 millions de DVD ont été écoulés en France contre 140 millions il y a 15 ans. Une baisse considérable certes, mais qui sont les irréductibles qui en achètent encore ? L’Écornifleur a tenté de résoudre ce mystère au salon du DVD, qui s’est tenu ce dimanche en marge du Festival Lumière.

« Qui achète encore des DVD en 2022 ? J’aimerais bien le savoir et c’est pour ça que je suis là », répond tout sourire Paul, associé chez UFO distribution, un éditeur de films indépendants. Niché dans le 8ème arrondissement de Lyon, rue du Premier Film et en face de l’Institut Lumière, le marché du DVD se résume à une salle circulaire comprenant une quinzaine de stands, un par éditeur de DVD. Entre des films de réalisateurs tchèques, russes ou albanais, on se rend vite compte qu’on ne risque pas de tomber sur le dernier blockbuster de Michael Bay. Le salon est destiné aux connaisseurs. Loin d’une grande foule, on y retrouve une cinquantaine de personnes, amateurs de cinéma et de DVD, des passionnés à la recherche de la perle rare. Ils font le tour des stands d’éditeurs venus de toute la France et parfois de l’étranger pour présenter et vendre leurs dernières éditions. Ce qui saute aux yeux très vite c’est la moyenne d’âge relativement élevée. « On va pas se le cacher, depuis ce matin, la moyenne d’âge c’est en gros la cinquantaine », confie Paul, toutefois satisfait de l’affluence qu’il juge en hausse par rapport aux années précédentes. Maxime, 26 ans et stagiaire chez un éditeur, abonde dans son sens : « il y a surtout des cinéphiles et c’est vrai que beaucoup sont retraités. »

Hugues, 57 ans, fait partie de ces cinéphiles. C’est la troisième fois qu’il vient au salon sur les quatre éditions déjà organisées. Du haut de sa collection de plus de 1000 DVD accumulés depuis plus de dix ans, il représente un des profils type de l’acheteur de DVD en 2022 : passionné et collectionneur. « Je considère le DVD comme un livre, je les achète en mémoire des films que j’apprécie. » Même comparaison au livre pour Martine, professeure de sport à la retraite, mettant en avant l’avantage de pouvoir « les laisser tourner, les voir et les revoir. » Elle constate tout de même que la passion du DVD se perd chez les jeunes générations : « à l’approche de Noël, je n’achète plus de DVD à mes petits-enfants comme je le faisais avant », souffle-t-elle, pointant du doigt le fait que les plus jeunes générations ne possèdent plus les lecteurs adéquats pour les visionner. 

Un DVD de nouveauté coûte en moyenne 19,67€

Il serait tout de même réducteur d’affirmer que tous les gens qui achètent des DVD sont des vieux retraités. Ce qui réunit les visiteurs du salon, c’est bien la passion du cinéma, et elle touche aussi les jeunes. Amber, 24 ans et doctorante en géoarchéologie, est venue en ce dimanche après-midi pour garnir sa collection. « Quand j’aime bien un film, j’ai envie de l’avoir en physique », explique celle qui s’apprête à partir après 40 minutes passées dans le salon. « C’est aussi lié au fait que l’ère du numérique est instable. Du jour au lendemain un film peut disparaître du catalogue Netflix », ajoute-t-elle. L’avantage de ce salon est qu’on y trouve un grand nombre de films indépendants, vendus par les éditeurs eux-mêmes, prêts à conseiller le client et le tenir informé des nouvelles collections à venir. C’est pour cela que Fabien, 20 ans et étudiant en cinéma, est venu accompagné de sa mère. « Je l’avais raté l’année dernière, je me devais d’être là aujourd’hui », raconte celui qui se verrait bien travailler dans la distribution de DVD plus tard. 

Globalement, à part les deux-trois cinéphiles de moins de trente ans que l’Écornifleur a rencontré, on constate rapidement que les jeunes ne sont plus passionnés par le DVD. « La problématique, c’est le prix, trop élevé », estime Maxime. Selon le CNC, le prix moyen d’un DVD de nouveauté en 2021 s’élève à 19,67€ quand le prix d’un abonnement Netflix annuel standard est à 9€ par mois. Un chiffre qui justifie en partie le désintéressement massif des Français envers ce support audiovisuel depuis quinze ans. La mort du DVD est-elle inexorable ? 

« Il y a un avenir oui, mais pour les éditions spéciales »

Rickard Gramfors, réalisateur et créateur de Cultpix

Hugues est inquiet : « À mon avis dans dix ou vingt ans, il n’y en aura sûrement plus », Jean-Claude Vandamme n’aurait pas dit mieux. « On est dans une ère de dématérialisation avec les plateformes de streaming », ajoute-t-il en précisant qu’il ne compte pas s’arrêter d’en acheter pour autant. Un avis que ne partage pas Fabien, « il y a aura toujours des passionnés comme moi pour en acheter. » Le DVD semble alors devenir un objet de niche, loin de son omniprésence dans les années 2000.

« Il y a un avenir oui, mais pour les éditions spéciales », tranche Rickard Gramfors, producteur suédois venu tout droit de Stockholm pour l’occasion. Ce dernier a créé une plateforme de streaming de films cultes de tous genres (dont beaucoup de films érotiques) et de tous pays avec son collègue suédois Patrick von Sychowski. Les deux hommes ont commencé leur carrière dans la distribution de cassettes et continuent à écouler des DVD. « On croyait que c’était fini mais, pendant la pandémie, il y a eu un regain des ventes. Les gens s’ennuyaient, ils avaient du temps et ont renoué avec le format physique du film », raconte Patrick avec enthousiasme. « Je recherche aussi des beaux objets », confirme Amber, ses deux achats à la main. 

Autrement dit, le DVD doit aujourd’hui avoir une valeur ajoutée esthétique et de contenu justifiant son prix. L’exemple se trouve surement dans le vinyle pour Paul : « c’est celui qui doit nous inspirer, il est en plein essor en ce moment alors qu’on y croyait plus ». Rendez-vous en 2030 quand le DVD sera de nouveau à la mode ?

Le programme complet du Festival Lumière 2022 : https://www.festival-lumiere.org/media/festival-lumiere-2022/tract-prog-fl2022-web.pdf