Du 11 au 19 octobre, Lyon accueille le Festival Lumière 2025, grand rendez-vous du cinéma de patrimoine. 17 éditions plus tard, l’hésitation est toujours là : faut-il y aller ? Cette année encore, le festival n’échappe pas à certaines critiques. Voici cinq bonnes raisons de passer son tour.

Affiche du Festival Lumière 2025 montrant certains invités, retravaillée avec un filtre simulant une effet "brisé", illustrant les critiques du festival.
Affiche officielle du Festival Lumière 2025, modifiée. © Festival Lumière / DR

Un festival (trop) cinéphile 

Cette 17e édition du festival, semble s’enfermer dans une certaine nostalgie – belle, mais parfois pesante, à l’image de Queen Kelly d’Erich von Stroheim (1929). Films muets restaurés, ciné-concerts grandioses, hommages répétés à des classiques déjà sanctifiés tels que Sailor et Lula de David Lynch (1990) ou encore Vol au-dessus d’un nid de coucou de Miloš Forman (1975) : le spectateur novice peut vite se sentir exclu, comme s’il avait manqué des cours en histoire du cinéma. Le « cinéma pour tous » se mue en « cinéma pour initiés ». Et face aux trois versions d’Apocalypse Now, on se prend à rêver qu’un jour, le festival proposera aussi Apocalypse Later pour alléger un peu l’atmosphère.

Un gigantisme qui frise la saturation  

À force de vouloir tout montrer et tout célébrer, l’événement frôle la saturation. Multiplication des lieux – Halle Tony Garnier, Auditorium, Théâtre des Célestins, Pathé Bellecour, Centre de Congrès, le spectateur, circulant d’un site à l’autre, devra s’armer de patience et d’un abonnement TCL pour espérer arriver à l’heure. Rien que regarder le programme donne le tournis : des journées qui enchaînent parfois plus de 40 projections et une centaine d’événements (master class, hommages, signatures, ciné-concerts). Un enchaînement de séances à un rythme effréné et des rendez-vous aux quatre coins de la ville : l’agenda du festivalier ressemble à un emploi du temps de ministre… à supposer qu’il y en ait encore.

Des stars à en étouffer les films

Qu’en est-il de la profusion de stars ? Michael Mann, Prix Lumière 2025, est honoré pour sa carrière (Heat, Collateral, Ferrari…), mais aussi Sean Penn, Natalie Portman, John Woo, Alain Chabat… Une distribution à faire pâlir Cannes. Problème : à force de cumuler les têtes d’affiche, le festival se transforme en défilé mondain. Beaucoup se bousculent davantage pour l’anecdote et la photo que pour découvrir des œuvres oubliées.

L’absence de parité mis sous le feu des projecteurs

En 2025, le menu du Festival Lumière est copieux : Louis Jouvet, Martin Ritt, Konrad Wolf, István Szabó, Victor Sjöström… Autant de grands noms du cinéma de patrimoine, certes, mais presque exclusivement masculins. Dans le programme du festival, seules quatre femmes réalisatrices apparaissent : Anja Breien, Lotte Reiniger, Juliette Binoche et Rebecca Zlotowski. Malheureusement, afficher trois visages féminins sur l’affiche du festival ne suffit pas à donner l’illusion de la parité.

L’histoire du cinéma… à l’Occidental

La diversité géographique des films présentés, est, elle aussi, réduite. Hollywood, la France, l’Allemagne et l’Europe de l’Est occupent le devant de la scène. Les cinémas africains, latino-américains ou moyen-orientaux brillent surtout par leur absence. Seul un titre sénégalais (Njangaan, Mahama Johnson Traoré, 1975) et un titre argentin (Au-delà de l’oubli, Hugo del Carril, 1956) figurent dans la section « Trésors et curiosités ».

Dans un monde où les images circulent désormais sans frontières et où l’on peut découvrir un film nigérian ou chilien en un clic, cette mémoire sélective surprend. C’est comme si l’histoire du septième art s’était écrite uniquement entre Paris, Berlin et Hollywood, laissant de côté d’autres continents pourtant riches en créations et en traditions cinématographiques.

  • Antoine Orand

    Intéressé par la politique depuis l’enfance — en 2010, il croyait entendre « le peuple au ratapo » dans les slogans des manifs contre la réforme des retraites. Curieux et indigné, il aime rencontrer les gens et écouter leurs histoires, tout en cherchant à comprendre comment fonctionne ce monde.