Au cœur du quartier Monplaisir, L’Écornifleur s’est rendu au Marché International du Film Classique (MIFC) pour sa journée d’ouverture le mardi 18 octobre. Vos reporters préférés ont réussi à obtenir une place pour LE rendez-vous professionnel du Festival Lumière. Ici, pas de projections grand public ou de masterclass mais plutôt des entrevues sur les canapés du “Village MIFC” pour négocier de nouveaux contrats sur des films classiques restaurés. Reportage.

Sous les projecteurs du Karbone, la salle de spectacle de la MJC Monplaisir, une dizaine d’hommes se succèdent pour diffuser sur un écran géant leur catalogue de films. Le produit phare de ce premier rendez-vous “Line-up de l’édition vidéo” est le DVD, et pas n’importe lequel : le DVD de grands classiques du cinéma restaurés. Sur scène, les différents éditeurs DVD présentent leurs produits à venir et attirent de potentiels partenaires. Des premiers westerns de John Ford à l’adaptation du roman Amok de l’autrichien Stefan Zweig, en passant par la restauration 4K UHD du “Samouraï de Jean-Pierre Melville, autant de films que seuls les plus grands cinéphiles de ce monde connaissent. Comme l’indique son nom, le Marché International du Film Classique (MIFC) convie principalement des professionnels spécialisés dans la remise en forme et en couleurs d’anciens films à succès. 

À la sortie du “Line-up de l’édition vidéo” devant Le Karbone, le 18 octobre 2022, 
© Camille Gaborieau

“Vous me décevez un peu sur Tanaka”

Tous les moyens sont bons pour séduire cet auditoire expert et familier. Carlotta Films, l’un des éditeurs, fait gagner un CUC – comprendre un “coffret ultra collector” – à qui saura répondre correctement à sa question sur une actrice et réalisatrice japonaise des années 20 à 70. Grand silence dans la salle. “Bon, vous me décevez un peu sur Tanaka”, confia-t-il avant de donner le coffret à un exploitant. L’heureux gagnant a l’apparence physique d’une bonne majorité de l’assemblée : les cheveux grisonnant, barbu, avec des lunettes. Selon la liste des accrédités que L’Écornifleur s’est procuré, les hommes représentaient environ 52% des participants “in situ” du MIFC – à l’exclusion des étudiants et journalistes. Ce même document indique qu’ils ne sont que 16 intervenants masculins sur un total de 41. Le “Video publishers’ line up” se clôture sur l’intervention d’un certain Alain Carradore, cador de l’édition cinématographique si l’on en croit le tonnerre d’applaudissements qui lui est réservé à son arrivée. Ce représentant de Sidonis Production n’a pas manqué de remercier “Tiphaine du CNC” pour les subventions accordées.

“C’est une famille, avec les difficultés qu’il y a dans une famille”

La journée se poursuit au “Village MIFC” pour un déjeuner parrainé par l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Pendant que les gens se placent sur les grandes tablées de la terrasse, deux habitués du marché discutent. Marina Girard-Muttelet est agente de réalisateur.ice. “Des auteurs réputés comme David Lynch, Mike Leigh ou encore la productrice de plusieurs films de Jane Campion […] lui ont fait confiance dès le début”, indique sa biographie. Avec elle, Denis Garcia : l’homme exerce plusieurs activités dont la présidence de l’entreprise LTC Patrimoine gérant la collection de plus de 600 000 bobines de film issues de la fin des laboratoires cinématographiques photochimiques. “Ici, tout le monde se connaît”, assure-t-il. Une dame les interrompt pour s’adresser à Marina Girard-Muttelet. “Si tu la relances c’est mieux. Genre là on était cool, maintenant étape deux ”, lui répond l’agente. Elle reprend l’interview en cours : “les films classiques, c’est une famille”, avant de préciser : “avec les difficultés qu’il y a dans une famille.” 

“Il faut réussir à s’intégrer”

Cette grande famille, tout le monde n’y appartient pas encore. “Comme je suis nouveau et que je viens tout seul, il faut réussir à s’intégrer dedans”, affirme Mathieu Le Berre. Si c’est la deuxième année qu’il vient pour représenter sa société d’édition LBC & Cie, il y est venu seul cette fois. L’homme d’une trentaine d’années n’en reste pas moins positif. “Les géants comme Gaumont et Pathé commencent à libérer un peu leur catalogue et à faire confiance à des petites structures comme nous”, se réjouit-il. Comme la plupart des personnes assises sur les canapés du “Village”, Mathieu Le Berre attend un cataloguiste polonais, avant d’enchaîner avec “les Espagnols”. Il est difficile de passer à côté des multiples boxs et comptoirs de rendez-vous privatisables à la journée pour 125 euros. On y trouve des professionnels venus d’Allemagne, de Hongrie, de Pologne ou encore  d’Espagne – pays à l’honneur de cette dixième édition.

Au coeur des négociations au “Village MIFC”, le 18 octobre 2022, © Camille Gaborieau

“C’est la première fois que nous sommes présents sur le marché et que nous sommes le pays invité”, confirme Concha Vilariño, conseillère technique de la Filmoteca Española. Jusqu’à vendredi, elle espère que beaucoup de gens vont s’intéresser au cinéma espagnol classique qui est “très varié, intéressant et peu connu”, selon elle.

Quelques stands plus loin, Hanna Sawika, la polonaise de Di Factory, est habituée à ce marché. “C’est peut-être la 6ème année que nous venons défendre le cinéma polonais ici”, se souvient-elle. Malgré l’envergure internationale du MIFC, la liste des accrédités fait ressortir que les étrangers sont en nette infériorité numérique par rapport aux Français. Ils ne sont que 14,6% à intervenir et 26,9% à avoir fait une demande d’accréditation sur place.