Emmitouflée dans mes couvertures, je me suis attaquée à la cinématographie du réalisateur hollywoodien Michael Mann. Cinéphile amatrice – oui, j’ai un compte Letterboxd –, je ne connais rien de l’artiste mais entreprends ce périple à travers trois œuvres : Le Dernier des Mohicans (1992), Heat (1995) et Tokyo Vice (2022). Voilà ce que – personnellement – j’en retiens.

Heat sur mon ordinateur, Al Pacino et son équipe en gros plan, je découvre ce film de Michael Mann. Photo Margaux Niogret

Qui parmi nous, les jeunes, entre 18 et 25 ans, connaît vraiment Michael Mann ? Un réalisateur et producteur états-unien né en 1943 qui atteint le sommet de sa gloire dans les années 80-90, des années que la Gen Z n’a pas vécues. Alors oui, j’avais déjà entendu parler de quelques-uns de ses films, du moins leur titre ne m’était pas inconnu : Heat et Le Dernier des Mohicans (entre autres), sans savoir vraiment qui se trouvait derrière la réalisation et le script.

En 2023, je dévorais la série Tokyo Vice (2022), produite par Michael Mann, également réalisateur de l’épisode pilote. Cette série – inspirée des mémoires de Jake Adelstein – revient sur l’arrivée de ce même personnage (Jake) dans une des plus grosses rédactions tokyoïtes. L’intrigue se concentre sur ce jeune journaliste, venu des États-Unis, et plongé dans l’univers mafieux japonais. Proche du détective Katagiri, il devient un interlocuteur privilégié avec les Yakuzas, sur lesquels porte son enquête journalistique pendant deux saisons.

En partant de cette première impression, j’avais hâte de découvrir les autres projets du cinéaste. Malheureusement, j’ai vite déchanté en découvrant le reste de sa filmographie.

Une hypermasculinité explosive 

Quand je me suis mise à éplucher les affiches des films pour choisir lesquels regarder, je me suis dit : « Mince ! Aucun.» Sur les affiches faisant la promotion des treize réalisations de Michael Mann, pas une seule ne met en avant une femme. Et ça, moi en tant que meuf d’une vingtaine d’années, ça me braque. Mais peut-être suis-je un peu sévère avec le cinéaste ? Alors est-ce que le cinéma de Michael Mann est un cinéma fait par un homme et pour les hommes ? Je préfère vous le dire tout de suite, oui, le cinéma de Michael Mann est un exutoire de virilité profonde.

Misogynie décomplexée, les hommes de Mann se complaisent dans un univers viriliste. Entre des flics, des braqueurs, des combattants, des hommes d’affaires, des chauffeurs, des journalistes d’investigation… Des professions qui dans l’univers mannien semblent exclusivement masculines. Le poste de police où travaille Vincent Hanna, joué par Al Pacino, dans Heat est intégralement constitué d’hommes. Pas une seule femme à l’horizon. Heureusement, les personnages féminins travaillent… Designeuse, mère au foyer, hôtesse dans des clubs japonais, où femme de “machin”… On ne peut pas trop en demander non plus. 

Pour être honnête, j’ai tout de même aimé un des personnages féminins du scénariste, Samantha Porter interprétée par Rachel Keller dans Tokyo Vice. Une femme qui ouvre son propre club, emprunte de l’argent au plus grand groupe de crime organisé du Japon, négocie, revendique, entreprend… Une bouffée d’air frais dans un cinéma de mâles.

Le destin, seule boussole ?

L’obsession de Michael Mann pour les figures masculines est teintée d’une personnalité messianique très forte. Ils appartiennent à une entité plus grande, un destin qui les dépasse et auquel ils ne peuvent échapper. Quoi de plus cliché ? Daniel Day-Lewis, Al Pacino, Robert De Niro, Ansel Elgort pour les protagonistes, et même pour certains personnages secondaires comme celui incarné par Sho Kasamatsu dans Toyko Vice (2022), tous partagent cette identité de men at work. Ce que je veux dire par là, c’est que les protagonistes masculins mannien excellent dans leur travail et leur routine. Ils vont au bout d’une vocation, qui empêchent d’approfondir d’autres pans de leur personnalité ou de leur vie.

Dans une interview pour Télérama en 2022, le réalisateur de 82 ans assénait : « Je suis obsédé par les personnages proactifs. Toutes les scènes que j’ai dirigées depuis le début de ma carrière répondent à une même question que chacun de mes personnages se posent en boucle : “Qu’est-ce que je veux ?” Qu’ils soient sûrs d’eux ou convaincus d’échouer, ils agissent toujours. »

Donc, je récapitule : des surhommes aux destinées toutes tracées, guidés par une mission qui les transcende – léger syndrome du sauveur sur les bords – qui parfois les dépassent, prêts à tout pour poursuivre un seul et unique but. Souvent traqués, en fuite, recherchés, les mecs du cinéma de Mann trouvent leur salut en avançant, sans jamais se retourner. 

Des braqueurs au grand cœur

Après mon tout premier visionnage du Dernier des Mohicans, à 21h, un samedi, seule sur mon canapé, j’ai trouvé que le film a aussi mal vieilli. Des problématiques dépassées et des relations très traditionnelles… Les deux femmes de l’histoire ne sont que prétextes pour développer des relations amoureuses hétérosexuelles, où les hommes sont porteurs de la relation, voire porteurs de leur compagne. Toujours en danger, Cora Munro, et sa sœur Alice, filles du colonel Munro sont surprotégées et sont l’excuse du héroïsme poussé à l’extrême de Nathaniel, leader de l’histoire. C’est surtout ça que je retiens des 112 minutes du film, dont presque l’entièreté se concentre sur Daniel Day-Lewis, cheveux au vent, la chemise ouverte, prêt à encaisser tous les coups et impossible à terrasser.

Ni famille, ni relations stables, le contraste entre ce qu’ils savent faire et ce qu’ils désirent est ironique. En permanence sur le qui-vive, solitaires, mystérieux, excluant la possibilité de véritables dialogues et peu enclins à faire des compromis… Soufflement lancinant pour cette scène de Heat où Al Pacino s’approche de l’évier de la cuisine, renonce à faire la vaisselle… Parce qu’il ne trouve pas d’éponge. Merci pour la charge mentale ! Bon, soit. 

Mais ça ne s’arrête pas là. Robert De Niro, alors qu’il vient de braquer une banque, poursuit son amante, terrifiée lorsqu’elle comprend ce que sa double vie implique, pour la convaincre de partir sur un autre continent avec lui. Il finit par l’abandonner juste avant leur départ. Mais rappelons nous, ce n’est pas grave, il accomplit une plus grande destinée ! 

Autrement dit, les comportements masculins des personnages de Michael Mann n’apportent rien d’autre que des effets destructeurs sur toutes les relations qu’ils tentent d’entamer. Principalement leurs relations avec les femmes. Pourtant, à la fin, ces protagonistes restent de grands héros, des braqueurs au grand cœur.

Bref, j’ai pas kiffé… sauf le fait que ses films sont tellement longs qu’on a le temps de bien réfléchir à sa vie. 

  • Margaux Niogret

    Passionnée de lecture, elle adore partager ses coups de cœur littéraires avec enthousiasme. Active au sein d’une association culturelle inclusive et créative, elle contribue à la mise en avant d’événements variés. Son parcours journalistique débute à Madrid, où elle perfectionne son regard critique et sa plume. Aujourd’hui, c’est à L’Écornifleur qu’elle exprime sa curiosité et son énergie communicative.