Du scénario à la projection (10/12). À l’occasion du Festival Lumière, L’Écornifleur s’est glissé dans les coulisses du cinéma, pour un tour d’horizon de ses métiers. À travers ce portrait, Jean-Baptiste Cornier raconte les secrets d’un métier rare et méconnu, celui de bruiteur.

Fabriquer un gros glaçon dans son congélateur pour reproduire l’ascension d’un alpiniste, utiliser des agrumes pour imiter la chair humaine dans les films d’horreur, recréer l’envol de chauves-souris à partir de feuilles de chou… À 41 ans et près de 18 ans d’expérience, Jean-Baptiste Cornier prend toujours autant plaisir à donner vie au cinéma avec ses sons à travers le bruitage. Nous le retrouvons au studio de postproduction sonore O’Bahamas, dans le quartier de Gerland (Lyon 7e) pour découvrir ce métier qui claque.
Muni de sa panoplie d’objets et de matières, le bruiteur reproduit les sons qui correspondent à l’image et qui viennent s’ajouter aux dialogues des personnages : bruits de pas, de vêtements, claquements de porte, frottements de textures… « J’aime ce retour à la matière », nous confie-t-il.
Fabriquer des sons, c’est tout un art…
S’ils ne sont qu’une trentaine à pratiquer en France, les bruiteurs jouent pourtant un rôle essentiel dans le processus de réalisation d’un film. « Moi, j’interviens au moment où le montage des images est figé et celui des directs [sons enregistrés lors du tournage] est fait. » De séquence en séquence, Jean-Baptiste essaie de retranscrire avec justesse la vision du réalisateur.
Il expérimente et bricole pour fabriquer des sons puis les reproduit minutieusement de sorte à être synchrone avec l’image et y mettre l’intention. « Si le personnage est énervé, je vais être un peu plus énervé sur mes sons », explique-t-il.
Mais l’imagination est aussi de mise. Par exemple, pour reproduire le bruit d’un train à vapeur, il raconte : « J’ai trouvé un pot en céramique avec un trou en bas dans lequel je peux mettre le tuyau d’une pompe de matelas. Et après, j’avais des gaines de conduit de cheminée que j’ai mis par-dessus le pot. » Il ne restait plus qu’à pomper pour donner vie au train à vapeur.
« J’ai essayé d’écouter comme mes tantes non-voyantes »
Cet intérêt pour les sons, il le tient de son enfance. Très jeune, il est fasciné par ses deux tantes non-voyantes et leur écoute du monde. « Elles ont surdéveloppé l’audition et moi j’ai essayé d’écouter comme elles. » C’est ce qui l’oriente ensuite vers l’Arfis (désormais Ésec Lyon), une école de cinéma et d’audiovisuel à Lyon, où il apprend les métiers du son pendant trois ans.
« Ce n’est pas là où j’ai découvert le bruitage. » Alors stagiaire perchman sur le tournage de la série Kaamelott, il rencontre Franck Pitiot, qui joue Perceval et est également à la tête du studio Miroslav Pilon à Lyon. Au sein de cette structure de postproduction sonore, il est d’abord ingénieur du son, monteur ou encore mixeur. Au fil des projets, il découvre le bruitage qu’il apprend en autodidacte. Il se perfectionne grâce aux retours qu’il reçoit et se fait connaître par le bouche-à-oreille : « Il faut arriver à se faire un nom. »
En tant que bruiteur, Jean-Baptiste dispose du statut d’intermittent du spectacle et est rémunéré au cachet. En parallèle, il poursuit ses activités d’ingénieur du son et de mixeur. Cette polyvalence lui permet de rester proche de Lyon et de concilier planning professionnel et vie de famille. Outre quelques déplacements aux Freestudios de Genève et à l’école de la Poudrière à Valence, il travaille surtout auprès des studios lyonnais Anatole, Poly Son et O’Bahamas.
« Il ne faut pas avoir peur de mettre les mains dans le cambouis »
Pour travailler, « c’est du réseau ». « Tu as travaillé sur un projet, ils étaient contents et après ils te font bosser… Ou alors un ingénieur du son, un monteur son parle de toi. » Autrement dit, ses précédents projets sont une vitrine pour son travail de bruiteur. Certains vous diront sûrement quelque chose. Par exemple, la série Les Lapins Crétins : Invasion, le film Kaamelott, ou encore Vingt Dieux de Louise Courvoisier.
Pour Vingt Dieux, long-métrage sorti en 2024 et doublement césarisé, il s’est amusé à reproduire les sons derrière la fabrication du comté. « Il a fallu que je trouve la bonne texture. » Il a alors cherché à reproduire le changement d’aspect du fromage à partir d’un mélange d’eau et de préparation pour flan pâtissier. C’est très clair, être bruiteur « c’est salissant, il ne faut pas avoir peur de mettre les mains dans le cambouis ».
