Du Burkina Faso à la Libye, de la Libye à l’Italie, de l’Italie à la France. C’est désormais au sein de l’Hexagone que Ghali*, reconnu comme mineur isolé, s’efforce chaque jour depuis deux ans à se construire un avenir. Portrait.

Collège-Squat Janvier 2021
Avant son évacuation en Septembre 2020, l’ancien collège Maurice Scève à la Croix-Rousse accueillait des migrants : c’est là que logeait Ghali à son arrivée à Lyon ; 4ème arrondissement de Lyon, Juin 2019 © Tim Douet

Je veux rester en France, mes amis, les personnes chères pour moi sont en France, j’ai beaucoup de projets ici”. Au téléphone, Ghali* raconte sa nouvelle vie depuis qu’il a quitté la Libye il y a trois ans. Originaire du Burkina Faso, il vit désormais dans un petit village d’Ardèche au sein d’une famille d’accueil. S’il s’est installé là-bas, ce n’est pas spécialement par amour du calme et de la nature. Comme beaucoup de jeunes de son âge, il préfère les grandes villes, là où l’on voit du monde. Pourtant, les quelques mois qu’il a passé à Lyon l’ont convaincu que dans les grandes villes, il ne serait pas accueilli. Il y a vu trop de jeunes se faire refuser le statut de mineur isolé par une préfecture surchargée. Alors, c’est en Ardèche qu’il est parti tenter sa chance. Pari réussi. Là, grâce à des papiers envoyés par sa sœur restée en Libye, il a pu obtenir le statut de mineur isolé lui permettant de rester sur le territoire français jusqu’à sa majorité.

En bac pro technicien en chaudronnerie industrielle au lycée d’Aubenas, il apprend la soudure. Les travaux manuels, il en a l’habitude. Plus jeune, alors qu’il vivait encore au Burkina Faso, il faisait déjà de la maçonnerie avec son père. C’était avant que son père ne s’installe en Libye pour le travail, rejoint quelques années plus tard par Ghali et sa mère. C’était avant que Ghali ne soit forcé de partir.

Quand rester chez soi n’est pas une option

Il y a une personne qui est venu, elle m’a dit c’est toi Ghali? Il m’a demandé si ma mère m’avait déjà prévenu qu’il viendrait, j’ai répondu que non, il m’a expliqué qu’elle avait payé un bateau pour qu’il m’amène en Italie. J’ai dit ok ça va, c’est comme ça, c’est la vie et je l’ai suivi”. Le soir même il s’est retrouvé sur un zodiac avec des centaines d’inconnus. Le lendemain matin, il était débarqué sur les côtes italiennes par un bateau de sauvetage. Sur les raisons de son départ, il donne peu de détails. Mais il est sûr d’une chose, depuis le décès de son père, rester en Libye avec sa mère et son beau-père était impossible. “Je ne pouvais pas rester, il fallait que je parte”, élude-t-il. Ses souvenirs difficiles,  ses émotions, il ne les partage qu’en de rares occasions, toujours avec beaucoup de pudeur, raconte Margaux, 23 ans, qui l’a hébergé pendant quatre mois dans son appartement à Lyon. Un petit peu intimidés au début, ils se sont très vite rapprochés. Aujourd’hui ils se considèrent presque comme frère et sœur plaisantent-ils.  

À écouter ceux qui le connaissent, plaisanter, rire, c’est d’ailleurs ce qui le caractérise le mieux. “Dès qu’il a l’occasion de se marrer il le fait, c’est un très très gros gamin, chaque prétexte est bon pour s’amuser”, sourit Solène, 23 ans, qui cohabitait avec Margaux et Ghali, lorsque celui-ci était encore à Lyon.

La force de caractère comme meilleure ressource

Pourtant, ce qui frappe chez lui, c’est sa maturité, sa lucidité, sa capacité à prendre des bonnes décisions. Sa situation, meilleure qu’hier, moins bonne que demain espère-t-il, il la doit avant tout à lui-même, à sa capacité à saisir les opportunités. “ À la rivière où j’allais tout le temps me baigner en Ardèche, je voyais à chaque fois des jeunes faire un chantier. Un jour je suis allé leur parler, ils m’ont dit que c’était un chantier volontaire et que je pouvais venir avec eux si je voulais”, raconte-t-il. Aujourd’hui, sur ces chantiers de jeunes bénévoles, il est devenu référent annonce-t-il non sans une certaine fierté. Boxe, poterie, travail associatif, Ghali multiplie les activités. Le 16 Décembre, il en  a démarré une nouvelle : “je veux devenir pompier volontaire pour remercier la France. L’hospitalité que j’ai reçue ici, c’est un don pour moi.” Entre poursuivre les études en alternance après le lycée et entrer directement sur le marché de l’emploi, il hésite encore. L’essentiel est avant tout de devenir autonome, ne plus dépendre des autres le plus vite possible. Se questionner sur son avenir, c’est fréquent à son âge ; attendre une réponse de la préfecture pour obtenir un titre de séjour parce que l’on va bientôt devenir majeur l’est moins.