Directeur de la publication de Rue89Lyon¸ Laurent Burlet place ses convictions journalistiques au centre de son travail. Une force de caractère qui rythme l’ensemble de sa carrière dans une période de marchandisation croissante de l’information.
Il a donné rendez-vous place du Maréchal Lyautey dans le 6ème arrondissement de Lyon, un samedi de manifestation contre la proposition de loi « Sécurité Globale ». On le retrouve assis sur un banc, un peu à l’écart… Laurent Burlet s’équipe d’un pull pour affronter une température avoisinant les six degrés. Un casque de protection et son brassard « presse » viennent compléter l’ensemble pour, cette fois, se protéger d’éventuelles violences au cours de la « Marche des Libertés ». Il est le cofondateur du web média Rue89Lyon.fr depuis 2011.
« Cette fois-ci, je ne viens pas en tant que manifestant », précise-t-il avec un sourire entendu qui se devine sous son masque. La semaine dernière, c’est en tant que citoyen et journaliste qu’il a manifesté contre cette proposition de loi et notamment l’article 24 qui empêche la diffusion des images d’un policier ou d’un militaire « dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique ». En 2018, il a reçu un tir de LBD dans la cuisse lorsqu’il couvrait une manifestation et depuis, il ne cesse de lutter pour cette liberté de la presse qui lui est chère. Laurent est en reportage aujourd’hui, il couvre les évènements pour le média indépendant Rue89Lyon. « On est tout petit, on est que 4 journalistes titulaires. Il y aussi des pigistes », signale-t-il. Une petite équipe certes, mais avec un esprit de cohésion dont Laurent est l’un des piliers selon Dalya Daoud, rédactrice en chef du média et cofondatrice : « Je lui accorde une grande confiance, c’est mon binôme ».
« Ce sont les journalistes qui possèdent leur journal »
Ce dont il est le plus fier, c’est l’indépendance de son média. C’est ce combat qui le poussera à quitter définitivement le média LyonCapitale, dans lequel il était titularisé depuis 2008 après un stage et quelques missions de pigiste. Le rachat de la société par l’actionnaire Fiducial Médias à la même époque a percuté Laurent de plein fouet dans ses convictions journalistiques. « Pour moi l’indépendance c’est très concret. Ce sont les journalistes qui possèdent leur journal », explique-t-il. Fer de lance d’une lutte syndicale, il se bat aux côtés de deux de ses collègues contre un « licenciement abusif ». Ils obtiennent gain de cause, mais refusent de réintégrer cette rédaction qui ne leur ressemble plus. Contacté par Rue89 à cette période, il saisit cette opportunité et crée le site web en six mois. « Il était horrible ce site, on l’avait créé dans l’urgence », dit-il avec une pointe de nostalgie. Très attaché à cette liberté, il souligne tout de même les difficultés économiques auxquelles il est confronté. Un travail à temps plein, en semaine comme en week-end, tel est le quotidien de Laurent. Il se dit conscient que ce choix de l’indépendance a un prix : « Actuellement, on est à l’équilibre mais c’est ric-rac quoi, avec des salaires très bas, des conditions de travail difficiles ».
« On nous délègue la curiosité des gens et c’est le plus beau cadeau qu’on nous fait »
Le journalisme n’était pourtant pas la vocation première de Laurent. « Le journalisme ? J’y suis allé un peu par hasard », rigole-t-il. Il a toujours porté une attention profonde aux enjeux sociétaux et aux questions sociales avec une pointe de militantisme qui rythmera son cursus universitaire. Après avoir été diplômé de l’Institut Politique de Grenoble, sa ville natale, en 2003, il se rend en terres lyonnaises pour suivre un master en « droit du travail ». Voulant s’impliquer dans les problématiques du quotidien des Français, il se demande alors comment les porter sur la place publique. Une solution lui apparaît comme évidente : la presse. « Progressivement, j’ai mis le doigt dans le journalisme, j’ai été aspiré et depuis c’est devenu un métier passion ». Le regard alerte sur le cortège qui se met en place, le reporter est en reportage. Les slogans qui commencent à résonner dans le mégaphone captent son attention. Il salue un collègue du Syndicat National des Journalistes qui passe non loin du banc. Quand on lui demande ce qu’on peut souhaiter à un homme qui vient de fêter ses 40 ans, il répond : « Je souhaite pouvoir continuer de faire mon métier, d’exister en tant que journaliste ». Car le journaliste se sent privilégié de pouvoir exercer : « Nous en tant que journaliste on nous délègue la curiosité des gens et c’est le plus beau cadeau qu’on nous fait ». Mais Laurent Burlet n’est justement pas là pour parler de lui, tout à coup, le voilà qui attrape son sac, prépare son téléphone en « mode photo » : « Salut, je vais prendre quelques photos pour mon Live-Tweet ! ».