Si Isabelle Huppert, qui reçoit le prix Lumière cette année, est une icône du cinéma français depuis un demi-siècle, à 70 ans passés, elle est aussi une icône de mode. Entre écran blanc et tapis rouge, la légende Huppert continue de se faire.
Du noir, des silhouettes structurées et des grosses lunettes monogrammées Balenciaga. Le style Huppert est simple, élégant et surtout maîtrisé.
De la Mostra de Venise au Festival de Cannes, impossible de rater Isabelle Huppert quand elle passe sur le tapis rouge. Tenue monochrome, alliée à de gros volumes pour la structure du vêtement. Pour Mélissa Chidiac, journaliste mode indépendante, le style Huppert est une question d’équilibre : « C’est un style un peu bizarroïde, avec des silhouettes classiques, mais [aux formes] exagérées, qui lui permet d’adopter une allure inattendue ».
« Sophistiquée et inaccessible » avec Balenciaga
Si le style qu’elle arbore tout au long de sa carrière est toujours chic mais plutôt simple, son parcours d’icône mode prend un tournant en 2016. L’actrice a 63 ans quand elle commence alors à collaborer avec Jonathan Huguet, styliste d’origine lyonnaise, qui conçoit, entre autres, les tenues de tapis rouge de Sophie Marceau ou Kristen Stewart. Pari gagnant, puisque depuis, elle est largement reconnue comme l’une des femmes les mieux habillées du cinéma français et international.
« Huppert fait le choix du luxe et de la créativité »
Caroline Courbières, professeure en sciences de l’information et de la communication
« Il n’y a aucune faute de goût, elle incarne la star française par excellence : sophistiquée et inaccessible », décrit Caroline Courbières, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paul Sabatier de Toulouse. Pour la chercheuse, le partenariat de l’actrice avec Balenciaga en est une illustration parfaite. « En s’associant à une marque, on s’associe à ses valeurs ; et avec Balenciaga, Isabelle Huppert fait le choix du luxe et de la créativité », reprend-elle.
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Isabelle Huppert est ainsi devenue la muse de Demna Gvasalia, directeur artistique de la maison. Le créateur habille Huppert pour la première fois au printemps 2021, mais c’est l’année suivante qu’il marquera les esprits au Festival de Cannes.
Huppert monte les célèbres marches dans une robe verte aux allures futuristes pour les uns, inspirée par une célèbre mascotte Cetelem pour les autres. Un choix risqué, mais payant pour l’actrice puisqu’elle devient en 2023, la toute première « ambassadrice internationale » de la maison Balenciaga. Il s’agit bien-sûr d’un contrat financier et marketing, mais qui acte toutefois l’entrée fracassante d’Isabelle Huppert dans l’industrie de la mode.
Iconique au Met Gala
Consécration, Huppert est l’une des rares actrices françaises à avoir foulé quatre fois les marches du Met Gala. Soirée annuelle de levée de fonds pour le département de mode du Metropolitan Museum de New-York, l’événement est souvent décrit par ses fans comme « le Super-Bowl de la mode ». Les invités, triés sur le volet par Anna Wintour, rédactrice en chef de Vogue, et papesse de la mode, sont priés de se conformer à un thème vestimentaire le temps d’une soirée.
Pour la dernière édition, Huppert est l’une des trois seules personnalités françaises présentes à l’événement. L’actrice a fait mouche dans une robe en satin crème, d’une simplicité déconcertante au premier regard, derrière laquelle on découvre ensuite une traîne longue de quatre mètres formant une corolle de fleur.
Comble du chic, l’histoire même du look entre dans le thème du Met Gala cette année : Sleeping Beauties : reawakening fashion (comprenez une réflexion entre la mode et le temps). La robe façonnée par Demna Gvasalia est inspirée d’un modèle dessiné par l’arrière-grand-mère d’Isabelle Huppert, créatrice de mode et fondatrice de la maison Callot Sœurs. Marque emblématique du début du XXe siècle pour de nombreux historiens de la mode, le modèle original est même exposé au Metropolitan Museum. À la fois simple et spectaculaire, serait-ce là les deux mots d’ordre qui régissent la carrière de l’actrice ?
Du sur-mesure
De la tenue au narratif : tout est maîtrisé. Pour Caroline Courbières, le style Huppert est avant tout une question de contrôle : « Le tapis rouge est une obligation, il nécessite donc de maîtriser son exposition aux autres, explique d’abord la chercheuse. L’intérêt du vêtement dans le cas Huppert est qu’il ne laisse que très peu de place à une interprétation extérieure. »
Face aux flashs insistants des photographes sur le red carpet, les vêtements sont des armures : « une belle robe, c’est une robe qui vous expose, mais qui vous protège aussi », résume Isabelle Huppert dans une interview pour Vogue France en décembre 2021.
« Il n’est jamais question de son âge »
Mélissa Chidiac, journaliste mode
Chaque apparition est ainsi calculée et permet à Isabelle Huppert de jouir d’une aura à la fois mystérieuse et au paroxysme du cool à 71 ans. « C’est d’autant plus fort qu’il n’est jamais question de son âge », souligne Mélissa Chidiac. Elle participe par exemple cette année au défilé Vogue World, organisé à Paris par le magazine éponyme.
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Lors d’une courte vidéo, elle apparaît en escrimeuse hors-pair, face à la mannequin Gigi Hadid. Toujours vêtue d’une impressionnante robe blanche Balenciaga aux airs de soutane, Isabelle Huppert incarne le chic à la française version pop-culture internet.
Pour Caroline Courbières c’est la marque de fabrique de l’actrice : un style oxymorique toujours sous contrôle « où le décontracté reste chic et l’élégance est savamment négligée ».
Rosa-Lou Boccard-Seltzer