« Sous les radars » (4/12). Cachés ou invisibles, souterrains ou au-dessus de nos têtes, L’Écornifleur s’est rendu dans des lieux qui échappent aux regards. À Lyon, sur la place Bellecour, en amont de la Fête des Lumières, une soixantaine de personnes prépare la transformation de la statue de Louis XVI en véritable boule de neige. Conçue par l’architecte Jacques Rival, l’œuvre, qui mêle savoir-faire locaux et innovations technologiques, a été spécialement choisie pour célébrer les 25 ans de l’évènement.

Les travailleurs assemblent le socle métallique qui supporte la boule gonflable et fait tourbillonner de la neige artificielle. Photo Khalissa Kebbab

« C’est quoi ça ? Un mâle-mâle ou un mâle-femelle ? » Sur la place Bellecour, à Lyon, une dizaine d’hommes s’affairent autour de la statue de Louis XIV. Derrière les barrières métalliques qui délimitent leur chantier, ils hésitent sur l’assemblage des tuyaux. Non loin de là, un groupe de touristes délaisse les explications de leur guide, trop distraits par le spectacle. Dans quelques jours, ils se mêleront peut-être à la foule venue admirer les installations de la Fête des Lumières, ce rendez-vous emblématique de la métropole lyonnaise. En attendant, ils assistent en avant-première au montage de l’une des structures clés du spectacle.

La statue du Roi Soleil, tout juste restaurée, sera bientôt enfermée dans une sphère gonflable de près de douze mètres de haut. « L’idée était de recréer la forme d’une boule à neige, pour donner l’illusion d’un souvenir capturé en temps réel », explique Jacques Rival, l’architecte et scénographe à l’origine de l’œuvre. En ce premier jour d’installation, il se tient aux côtés de ses équipes. « Je suis désolé, je suis un peu fatigué. On s’est tous levés à cinq heures du matin pour commencer le travail », admet le designer. Pendant trois jours, les ouvriers et lui s’attelleront à finaliser l’installation de la structure, avant les tests lumière prévus mercredi 5 décembre au soir.

Un savoir-faire 100% français

Au total, le projet mobilise une soixantaine de personnes. « Je choisis des entreprises avec lesquelles j’ai l’habitude de travailler. Ce sont toujours les mêmes », reconnaît Jacques Rival. Parmi elles, figure ATC (Aire Toile Concept), une société spécialisée dans la conception de structures gonflables géantes. Basée dans le Morbihan, en Bretagne, l’entreprise s’est forgée une renommée internationale grâce à ses créations pour des événements prestigieux comme le défilé Dior de 2020 ou les Jeux Olympiques de Paris.

Sur son téléphone, Freddy, salarié de l’entreprise, fait défiler les photos de ses réalisations. « Il est un précurseur dans la fabrication gonflable. Il a commencé en 1986 », souligne Jacques Rival. Ce n’est pas la première fois qu’il met son savoir-faire au service de la Fête des Lumières. Pour cette édition, le dôme de la structure a été réalisé en PVC. « Il ne devrait pas y avoir de problème », rassure Freddy. « Tout est une question de calcul et de pression. On ne serait contraint de dégonfler la structure qu’en cas de vents de 140 km/h ou plus. »

Contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, le dôme n’est pas fait en verre, mais bien en PVC cristal. Photo Khalissa Kebbab

La sphère sera ensuite déposée, à l’aide d’une nacelle, sur un socle en métal. « Les pièces ont été réalisées dans des ateliers de la région lyonnaise. C’est un projet 100% français », précise Jacques Rival. À l’intérieur de la boule, des projecteurs diffuseront des lumières bleuâtres. « Avant on utilisait surtout des lumières néon, mais ça se fait de moins en moins car c’est une technologie difficile à mettre en place », précise l’architecte. « Maintenant on utilise plutôt des lumières LED, qui reproduisent la couleur des néons. »

« Une espèce de “best off” de ce qui a marqué les esprits »

La magie a fait son effet puisque l’œuvre a été récompensé par le « Trophée des Lumières, catégorie Coup de cœur » décerné par la ville de Lyon et France 3 Rhône-Alpes. Sur les réseaux sociaux les réactions enthousiastes se multiplient : « la plus belle boule à neige », « magnifique », « superbe », « ce qui fait la magie de cette œuvre ce sont ses couleurs » s’exclament certains internautes sur Facebook. Seul bémol, la foule toujours plus nombreuse venue profiter du spectacle. « Le monde qu’il y a à la Fête des Lumières à Lyon, c’est trop », râle une internaute sur X (anciennement Twitter). Cette année, plus de deux millions de visiteurs ont déambulés dans les rues illuminées.

Jacques Rival n’a pas été choisi par hasard. « Pour les 25 ans de la Fête des Lumières, la ville a décidé de mettre en avant les œuvres qui ont marqué l’histoire de cet événement. C’est une espèce de “best off” de ce qui a marqué les esprits », explique-t-il. Ainsi, Louis XIV avait déjà été mis sous cloche lors des éditions de 2006 et 2007. La boule de neige fait aussi écho à ce souvenir. Depuis, la structure a été déclinée dans d’autres villes : autour de la statue d’un autre cavalier mais cette fois-ci à Durham, en Angleterre, ou d’un scientifique à Adelaïde, en Australie.

Pour financer sa structure, Jacques Rival a pu compter sur la métropole de Lyon et sur « pas mal de partenariats ». Il rappelle néanmoins qu’« à chaque fois c’est différent et c’est beaucoup de travail » bien au-delà des subventions.