Depuis 2009, le temps d’une semaine, le Festival Lumière rend honneur au cinéma français et international à Lyon. Entre invité·es de prestige et séances exceptionnelles, il a su s’imposer dans le milieu du cinéma comme un rendez-vous incontournable. A l’occasion de cette quinzième édition, revenons sur les quinze anecdotes qui en ont fait sa renommée.

1. “Presque le fruit du hasard”
Comment ne pas célébrer le cinéma dans la ville de sa naissance ? De ce constat simple Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes et directeur de l’Institut Lumière de Lyon, a imaginé le développement du Festival Lumière. Après plusieurs années de réflexion, la première édition verra le jour en 2009 à Lyon avec comme invité d’honneur Clint Eastwood.
Fabrice Calzettoni, responsable de la médiation culturelle à l’Institut Lumière, confiera en 2015 dans une interview, que ce succès était “presque le fruit du hasard”, Car si Clint Eastwood avait pu se rendre au festival en tant qu’invité d’honneur… c’est parce qu’il était en tournage en Europe.
2. Un festival sans compétition
S’il y a bien un dénominateur commun aux festivals de cinéma les plus célèbres, c’est la compétition. Le festival de Cannes, la Mostra de Venise ou encore la Berlinale remettent chaque année un prix aux films les plus prometteurs. “Nous avons fait tout l’inverse, ce qui était ultra risqué” a témoigné Thierry Frémaux à la Ville de Lyon. Le Festival Lumière se place donc à contre-courant, aucune compétition n’étant mise en place.
Si festival rime habituellement avec tapis rouges et dernières sorties cinéma, le Festival Lumière propose lui une approche du cinéma qui relève du patrimoine.
3. Le “Prix Nobel du cinéma”
En toute humilité, le Prix Lumière se veut être le “Prix Nobel du cinéma” selon Thierry Frémaux. Le nom du lauréat est toujours connu en amont du festival et est sciemment sélectionné par l’Institut Lumière, pour l’ensemble de son œuvre.
4. “Tellement de gens ont un Oscar, mais un Lumière…”
Le prestige du Prix Lumière est reconnu chez les cinéastes. En 2010, c’est Milos Forman qui en est l’heureux vainqueur. Le réalisateur de Hair, Man on the Moon ou encore du célèbre Vol au dessus d’un nid de coucou s’est vu remettre le prix par Emmanuelle Devos et Dominique Blanc.
“Tellement de gens ont des Oscars, mais un Lumière…” s’est-il confié le soir de la remise du prix. Doublement adoubé de l’Oscar du meilleur réalisateur pour Vol au-dessus d’un nid de coucou et Amadeus, Milos Forman n’en était pas à sa première récompense. Il n’a cependant pu cacher sa fierté de recevoir un Prix portant le nom de “Lumière”.
“J’ai la tentation de partager l’histoire de l’humanité non pas avant Jésus Christ et après Jésus Christ mais avant Lumière et après Lumière.”
Milos Forman
5. Le défi de la parité
En maintenant quinze années de festival, seules trois femmes ont reçu le Prix Lumière: Catherine Deneuve, Jane Fonda et Jane Campion. Le Festival Lumière compense cette faible statistique en mettant en avant, chaque année, une réalisatrice, dans le cadre du projet “Histoire permanente de femmes cinéastes”.

Germaine Dulac sera la première réalisatrice promue par le festival en 2013. Pour rendre hommage à cette militante féministe, lesbienne et artisane du renouveau du cinéma français, son film Âme d’artiste, sorti en 1925 a été de nouveau projeté. Malgré une longue filmographie, une seule de ses œuvres ne sera présentée durant le Festival. Cette année, le cinéma d’Ana Mariscal qui sera à l’honneur
6. Un dortoir au cinéma
Si les ciné-concerts, les rétrospectives et les expositions ponctuent les séances plus classiques du Festival Lumière, un événement reste incontournable : la nuit du cinéma à la Halle Tony Garnier. Lancée dès la deuxième édition, son principe est simple : passer toute la nuit au cinéma et regarder des films. Pour celles et ceux qui auraient peur de s’endormir, un dortoir a été pensé par les organisateur·rices, afin de reprendre des forces. Le petit déjeuner est même offert le lendemain.

Cette année, l’intégrale de la première trilogie Star Wars de George Lucas, ainsi que Rogue One – un film inspiré de l’univers de la Guerre des Étoiles – sont à l’affiche. La plus longue nuit du cinéma demeure celle de l’édition 2018, d’une durée de 11 h 57. Pendant presque une demie journée, les spectateur·rices ont pu (re)découvrir l’intégrale du Seigneur des Anneaux, en version longue.
7. Polenta et Mario Bava
Grâce à ses invité·es de marque, le Festival Lumière organise régulièrement des masterclass animées par des professionnel·les du cinéma : Tim Burton, Monica Bellucci, mais aussi Quentin Tarantino… Tous·tes se prêtent à l’exercice et dévoilent quelques secrets de leurs univers cinématographiques. Cette année, le réalisateur états-unien Wes Anderson viendra s’entretenir avec les Lyonnais·es. Ces rendez-vous donnent régulièrement lieu à des confidences inégalées.
En 2017, c’était au tour de Guillermo del Toro de se frotter à l’exercice. Le thème ? Les séries B de Mario Bava, un sujet assez niche. Les Séries B, sont ces films à petit budget diffusés en première partie d’autres films. Les budgets alloués à ces films sont si faibles que les réalisateur·rices doivent parfois recourir au “système D.” Mario Bava n’a pas échappé à la règle, révéla Guillermo del Toro, et a dû créer certains des décors de Hercule contre les Vampires… en polenta.
8. Un festival qui s’adresse aussi aux professionnel·les
Le Festival Lumière est un rendez-vous incontournable pour les cinéphiles lyonnais·es, et pour tous les professionnel·les du cinéma. En parallèle des projections et événements à destination du grand public, s’organise le Marché International du Film Classique (MIFC). Entièrement destiné aux professionnel·les, ce marché permet aux diffuseurs de dénicher des pépites de cinéma de patrimoine, mais aussi de débattre sur l’état de l’économie du marché classique.

Il aura fallu attendre l’édition 2013 pour que ce marché voit le jour, il est aujourd’hui un événement à ne pas manquer pour le monde de la distribution cinématographique.
9. La “super cool attitude”
5 000 spectateur·rices à la Halle Tony Garnier, l’iconique musique originale du Professionnel composée par Ennio Morricone et un torrent d’applaudissements. C’est ainsi que Jean-Paul Belmondo fut accueilli à la cérémonie d’ouverture de l’édition 2013 du Festival Lumière. Alors âgé de 80 ans, le “Magnifique”, a été chaleureusement accueilli par un public lyonnais aussi ému qu’enthousiaste. Au-delà des mots forts et des anecdotes de Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier à l’égard de celui qu’on surnomme “Bébel”, c’est la venue surprise de Quentin Tarantino qui propulsera cette soirée d’ouverture dans l’histoire du Festival.
Le réalisateur états-unien avait spécialement avancé sa venue pour être présent à la cérémonie d’ouverture, et ainsi, rencontrer son idole. Il raconte avoir contemplé des “affiches avec Jean-Paul Belmondo en espérant être lui. Son nom, Belmondo, ne définit pas seulement un homme et une star. C’est aussi un verbe qui signifie vitalité, charisme, esprit et super cool attitude !”
10. Catherine Deneuve et les agriculteur·rices
Imprévisible. C’est peut-être le meilleur adjectif pour résumer la remise du Prix Lumière à Catherine Deneuve en 2016. A chaque remise de prix dans le milieu du cinéma, c’est d’une manière assez traditionnelle que les lauréat·es reçoivent leur récompense. C’est entre deux grands soupirs d’émotion qu’ils et elles prennent la parole pour remercier leurs équipes, les professionnel·es qui leur font confiance et leur famille. Cela en deviendrait presque routinier. Mais Catherine Deneuve a souhaité changer les règles.
Si elle a bien rappelé être reconnaissante et bouleversée par les témoignages d’affection qu’elle a reçu du public, elle a ajouté : “dans tous les films que j’ai choisi de montrer à Lyon, il y a un film de Raymond Depardon qui s’appelle Profils paysans et je dédie ce prix à tous les agriculteurs de France”. Un hommage assez inattendu, et qui ne manquera pas de faire les titres de la presse.
11. La sortie d’usine
Le premier film de l’histoire est lyonnais et a été réalisé par les Frères Lumière en 1895. D’une durée de 45 secondes, il montre la sortie de l’usine Lumière, et sera le premier film projeté sur grand écran de l’histoire. En hommage aux pères du cinéma, le Festival Lumière organise chaque année un remake de ce film. Le détenteur du Prix Lumière se rend à l’usine située rue du Premier-FIlm, dans le 8ème arrondissement, et réalise sa propre version. Une manière d’ajouter leur patte à ce bout d’histoire du cinéma.
12. Du cinéma dans les prisons
Neuf établissements pénitentiaires de la région Auvergne Rhône-Alpes prolongent le Festival Lumière dans leurs locaux, et présentent des films de la sélection. L’objectif est de pouvoir échanger sur le cinéma mais aussi de partager une culture cinématographique et découvrir de grandes œuvres avec les détenu·es.
L’idée est née à l’initiative d’Emmanuelle Devos, qui en 2012, s’est rendue à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas pour présenter My Name is Joe de Ken Loach.
13. Un trophée made in Rhône-Alpes
Exit les designs abstraits et le clinquant bling-bling doré des trophées à la César Baldaccini, le Prix Lumière c’est une planche en bois sertie d’une médaille de bronze. En quinze éditions, il n’a jamais changé.
“On voulait s’éloigner des choses qu’on remet dans le monde du cinéma. On avait envie de quelque chose d’assez terrien, d’assez réel, avec du bois, du souvenir, une référence à l’histoire“
expliquait Thierry Frémaux à France 3 dans le cadre de l’édition 2021 du Festival Lumière.
D’apparence plutôt sobre, le Prix Lumière rend hommage au cinéma mais aussi au savoir-faire rhônalpin. La médaille au centre du trophée est une référence directe aux boîtes à film utilisées dans le monde du cinéma pour stocker les pellicules. L’existence de ce prix repose sur l’expertise de cinq artisans rhônalpins allant de la ferronnerie à l’ébénisterie.
14. Des séances à l’hôpital
Dans le cadre de l’engagement “solidaire et engagé” du Festival Lumière, des séances de cinéma sont organisées tous les ans dans les établissements hospitaliers lyonnais. Ces séances s’adressent aux enfants, jeunes adultes et accompagnant de personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire (TCA) de l’Hôpital Femme Mère Enfant et de la Clinique Saint Vincent de Paul à Bron, ainsi qu’au Centre Léon Bérard situé dans le 8ème arrondissement.
Lire aussi : L'édito du Festival Lumière
15. Cervelle de canuts, grattons et pots de beaujolais
S’il y a bien une partie de son identité que le Festival Lumière ne reniera jamais, c’est son ancrage lyonnais. Chaque année, l’événement se clôture par un mâchon, tradition typiquement lyonnaise. Le principe est assez simple et consiste à partager un repas convivial dans un restaurant traditionnel lyonnais aux alentours de 9 heures du matin. Entre cervelle de canuts, grattons et pots de beaujolais, le mâchon un bon prétexte pour se délecter de la gastronomie lyonnaise dès le petit déjeuner.
Aujourd’hui, les festivalier·es et les invité·es se donnent tous·tes rendez-vous en clôture de festival dans un bouchon lyonnais. En 2016 c’est Quentin Tarantino qui se frotta à cette tradition lyonnaise. On se rappellera aussi de la masterclass animée en 2022 par Vincent Lindon et Anne-Elisabeth Lemoine, qui n’a pas eu le temps de décuver de son mâchon bien arrosé, offrant ainsi un moment de rire au public.
Festival Lumière 2022 : ce matin chez Chabert Et Fils de bonne heure et de bonne humeur tous réunis autour d’un mâchon…
Publiée par Chabert Et Fils sur Dimanche 23 octobre 2022
Léa Houël
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