Alors que le soleil se couche sur la capitale des Gaules, un autre monde se réveille. Dans cette nouvelle série, L’Ecornifleur vous invite à passer la nuit auprès des noctambules et travailleurs de l’ombre.


Quand les projections de la fête des Lumières s’arrêtent à 23 heures, les collecteurs de déchets s’emparent des rues pour remettre la ville en ordre pour le lendemain. Métier de l’ombre et de la nuit, ils permettent que l’événement se fasse dans les meilleures conditions.
Lorenzo et Karim ont été spécialement réquisitionnés pour le samedi soir, soirée qui connaît la plus forte affluence des 4 jours de célébration. Lyon, France. 9 décembre 2023. © Salomé Hembert

23 heures : les yeux écarquillés, la foule est compacte place des Terreaux. Entre amis ou en familles, lyonnais ou touristes, toutes et tous viennent assister à la dernière projection de la soirée de samedi qui clôture une magique nuit des lumières. Toutes les têtes sont tournées vers le bâtiment des beaux-arts et de l’Hôtel de Ville de Lyon où est projeté un poignant hommage aux frères Lumière signé Novelty, entreprise évènementielle spécialisée dans les techniques audiovisuelles. Mêlant images d’intelligence artificielle et magie des débuts du cinéma, la projection laisse l’assemblée sans voix. Petits et grands se laissent porter par les notes de la bande-son qui accompagnent le tout. 

« J’ai beaucoup aimé, c’était très impressionnant » s’émerveille Natéo, huit ans, venu spécialement avec ses parents de Grenoble pour parcourir les rues de Lyon à la recherche des illuminations. 

Les visiteurs regroupés sur la place des Terreaux ne loupent rien de la projection mise en forme par le motion designer Baptiste Lefebvre. Lyon, France. 9 décembre 2023 ©Salomé Hembert

23h05 : les badauds quittent les lieux, les projecteurs spécialement installés s’éteignent et la place des Terreaux retrouve son éclairage habituel. Quelques-uns restent, à la recherche de leurs amis perdus dans la foule, ou dans l’espoir d’une dernière projection. Mais la Fête des lumières s’en est finie pour ce soir. 

23h10 : après la magie des illuminations, place à la magie du nettoyage. Vêtus de tenues oranges et bonnets enfoncés sur la tête, les collecteurs de déchets se faufilent entre les passants restant sur la large place des Terreaux. Mouchoirs usagés, gants égarés, verres de vin chaud à emporter jetés par terre et emballages McDonald’s : les collecteurs ramassent tout ce qui a été oublié ou laissé là par les nombreux visiteurs.

« Nous on est une équipe de superhéros ! »

« On est une équipe de super-héros, on devrait avoir notre photo en une du Progrès !» ironise Lorenzo, pince ramasse-déchets dans une main, sac poubelle déjà bien rempli dans l’autre. Conscient de son rôle essentiel au bon déroulement de la Fête des lumières, il regrette que tout le monde n’en prenne pas conscience. Au total, c’est une vingtaine de collecteurs de déchets qui s’emparent de la place des Terreaux, dans le froid habituel des nuits de décembre. Ils s’attèlent à rendre à la ville de Lyon son plus beau visage pour accueillir les visiteurs du lendemain. 

Plus d’une centaine de collecteurs de déchets sont employés par la Métropole de Lyon pour l’occasion. Ils sont une pièce maîtresse de la galaxie des métiers nécessaires au bon déroulement de la mythique Fête des lumières lyonnaise qui attire près de deux millions de personnes sur les quatres jours de célébration. 

« Nous on est éboueurs. Normalement on travaille dans le ramassage des poubelles le matin mais là avec la quantité de visiteurs, on a été réquisitionnés pour collecter les déchets générés par la Fête des lumières » explique Kamel.

“Il faut bien des bras pour ramasser ce qui est jeté par terre”

« Le samedi soir c’est là où il y a le plus de monde, il faut bien des bras pour ramasser ce qui est jeté par terre » détaille son collègue Lorenzo tout en ramassant un sac plastique jonchant le sol. Les collecteurs de déchets travaillent jusqu’à 00h30 samedi soir, le temps de ratisser la ville. 

« Là on termine par le secteur Terreaux. On est déjà passé par Bellecour, Jacobins, et tous les gros points de passage de la Fête des lumières ». 

23h30 : Les aller-retours au camion poubelle pour déposer les sacs s’accélèrent et les déchets se font plus rares sur le sol. Dos courbés et regards fixés vers le sol pour ne rien laisser traîner, les collecteurs passent la place et ses rues adjacentes au peigne fin. 

D’humeur festive, les derniers passants n’hésitent pas à décrocher de larges sourires à ceux qui triment encore pendant que la plupart des visiteurs vont retrouver le confort de leur lit. « D’habitude quand on ramasse les poubelles c’est limite si les gens ne nous crachent pas dessus » s’exclame un des collecteurs. 

« Mais là c’est la Fête des lumières, les gens sont plus sympas. On a eu pas mal de remerciements » précise Lorenzo, étonné de cet accueil inhabituel.

 

Salomé HEMBERT.