Musée d'archéologie méditerranéenne.
“Citadelle d’Alep, mosquée d’Abraham”, photographie de Michel Eisenlohr prise en 2002 en Syrie.

Avec l’exposition La Syrie en noir et blancle photographe oscille entre le reportage, le travail de mémoire et le cliché artistique. Au Musée d’Archéologie Méditerranéenne de Marseille, les images de Michel Eisenlohr retracent les vestiges antiques du pays avant la guerre civile. 

« Tu es allée, toi, à Palmyre ? », demande une visiteuse à son amie en examinant les contours du Tétrapyle, monument impressionnant à quatre colonnes. « Ça ne doit plus exister… », soupire sa compagne en hochant la tête. Et pour cause, le témoignage archéologique du règne de l’impératrice Zénobie a été détruit en 2017par les djihadistes de l’organisation État Islamique. 

Au début de l’automne, la cité phocéenne baigne encore dans la chaleur estivale. Le Musée d’archéologie méditerranéenne est tapi dans les ruelles du Panier. C’est ici que le photographe varois Michel Eisenlohr expose ses clichés de la Syrie, pris au début des années 2000. 

La salle consacrée au Moyen-Orient est la plus emplie du musée samedi après-midi. Devant les photographies et les témoignages matériels de l’Antiquité, des agents d’accueil ont mis en place des activités interactives. Un homme âgé, muni d’un casque de réalité virtuelle, peint sous les yeux attentifs de ses congénères.

Musée d'archéologie méditerranéenne de Marseille.
Le Musée d’Archéologie Méditerranéenne se situe au premier étage de la Vieille Charité, dans le centre historique de Marseille. Dans la salle dédiée au Moyen-Orient antique, les photographies de Michel Eisenlohr sont disposées ça et là entre les objets millénaires conservés. @jlebihan

La mémoire du temps

Entre les aryballes corinthiens et les tablettes cunéiformes c’est la Syrie d’un autre temps que l’on découvre à travers l’objectif de Michel Eisenlohr. Une Syrie vieille de plusieurs millénaires et de vingt ans à la fois, dont les ruines antiques ont été abîmées par les saisons et les combats qui déchirent le Levant. 

L’artiste originaire de La Ciotat a glissé ses œuvres au cœur du temps. On confond les siècles tant les reliques capturées par l’appareil nous semblent anciennes. Le Musée d’archéologie méditerranéenne raconte les premières écritures, le développement du commerce au Proche-Orient et l’artisanat antique, quand les photographies de Michel Eisenlohr dépeignent le calme avant la tempête. « Je pense que le public apprécie à la fois ces photographies en tant que telles, tout en étant sensible au fait qu’elles montrent un temps et des lieux qui n’existent plus », affirme l’artiste. 

En 2002, Bachar El-Assad est au pouvoir depuis deux ans, et tient déjà le pays d’une main de fer, mais les groupes terroristes n’ont pas encore pris racine. « Ces photos ayant dormi de longues années sous forme de pellicules, elles ont effectivement, à la lueur des évènements de ces 10 dernières années, une dimension supplémentaire de l’ordre de l’archive », explique Michel Einselohr. 

Des paysages immobiles aux airs intemporels succèdent à des ombres qui évoluent à travers les ruines de Palmyre. Au cœur du territoire syrien, la ville antique est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les visiteurs éclairent à la lumière de leur téléphone pour mieux déchiffrer les inscriptions qui commentent les photographies. L’obscurité de la pièce rompt avec la clarté du soleil marseillais, qui embrase le dôme de la Vieille Charité. 

“Mon travail depuis près de vingt ans s’attache à capter les traces du temps et des actions de l’homme sur les territoires”

Michel Eisenlohr, photographe

Un silence assourdissant

« Soyez passants », peut-on lire sur le panneau de l’exposition. Michel Eisenlohr cite l’évangile de Thomas, au Logion 42. Le photographe semble effectivement vouloir appliquer la tradition chrétienne à ses observateurs et aux personnages de ses clichés. Ceux-ci n’ont pas de visage et sont peu nombreux. Ils marchent silencieusement dans le calme des vieilles villes millénaires, implantées dans le berceau de l’humanité. 

« Mon travail de manière générale depuis près de vingt ans s’attache à capter les traces du temps et des actions de l’homme sur les territoires », précise le photographe. « C’est donc avec le recul un reportage qui a sans doute été très important dans l’initiation de cette démarche, qui est le fil conducteur de nombreux de mes travaux », poursuit-il. Témoin apolitique à l’œil attentif, Michel Eisenlohr renvoie de la Syrie d’avant la guerre civile une atmosphère paisible. L’immobilisme que l’on en tire nous entraîne dans l’observation presque naturaliste d’une époque révolue. Ce sont ces moments que l’on saisit uniquement dans les musées. 

Lorsqu’on s’arrête devant les derniers clichés de l’exposition, les personnages s’animent et on les verrait presque en mouvement. Ce sont les enfants qui s’amusent au cœur de l’image. Ils jouent à cache-cache dans la mosquée des Omeyyades à Damas. C’est comme si la parenthèse antique se fermait pour mieux revenir dans l’animation du Panier. On peine à retrouver les ruelles du vieux quartier marseillais tant elles nous éblouissent, après ce voyage spatial et temporel. 

Musée d'Archéologie Méditerranéenne.
Construit pour héberger les pauvres et les indigents, l’hospice de la Vieille Charité accueille à présent deux musées et plusieurs institutions culturelles de recherche. @jlebihan

Au Musée : La Syrie en noir et blanc – Palmyre – Alep – Damas

Exposition de photographies de Michel Eisenlohr

Musée d’Archéologie Méditerranéenne – Vieille Charité

2 rue de la Charité 13002 Marseille

Du mardi au dimanche de 9h à 18h – Gratuit