Elle pourrait être sa grand-mère, il a plus ou moins l’âge de sa petite fille. Alors que plusieurs départements sont confinés pour la troisième fois et que le principe de solidarité mis en avant au début de la crise de la Covid-19 divise de plus en plus, L’Ecornifleur a interrogé Ivelyne, 74 ans, et Kelian, 25 ans. Echanges.

Nom : Dubas

Prénom : Kelian

Âge : 25 ans

Lieu de résidence : Nice

Activité : Etudiant, Master de finance.

Nom : Karolewicz

Prénom : Ivelyne

Âge : 74 ans

Lieu de résidence : Montigny en Gohelle (62)

Activité : Président bénévole dans une association qui valorise les échanges entre aidants et malades.

Que pensez-vous de la gestion de la crise sanitaire en France ?
Ivelyne (I) : Ça aurait pu être pire.
Kelian (K) : Ça a été au début une grosse surprise pour tout le monde. On a pris des mesures parfois incohérentes.


Comment avez-vous vécu le premier confinement ?
I :
Mal, dans la mesure où c’est une atteinte à la liberté. J’ai été coincée entre ma cuisine et ma boîte aux lettres. Mais tant qu’on ne connait pas la maladie qui est liée au virus, ça fait peur.
K : C’était quelque chose de totalement nouveau. On ne l’a pas trop mal vécu parce qu’on a accepté cette urgence. Les difficultés sont venues ensuite, plutôt sur la durée.


Que pensez-vous du principe du « quoi qu’il en coûte » prôné par le Président de la République ?
I :
A partir du moment où il y a une crainte pour un certain nombre de Français, il faut se soumettre aux règles.
K : On pouvait entendre cette stratégie au premier confinement. Mais maintenant elle pose de graves problèmes économiques. Je pense qu’il aurait peut-être fallu investir dans les hôpitaux plutôt que dans des mesures d’aides. On a une économie sous perfusion. Si ça se prolonge trop, des entreprises risquent de mettre la clef sous la porte à terme.


Comment vivez-vous les restrictions en vigueur en France actuellement ?
I : Ces restrictions sont tout à fait justifiées. Nous pouvons quand-même sortir, même si on est limité. C’est moins dur que le confinement extrême que nous avons vécu en mars 2020.
K : Il y a des mesures qui se prolongent, des étudiants décrochent des cours ou sont enfermés dans des petits appartements toute la journée, devant leur écran d’ordinateur. Il y a toute cette dimension psychologique. C’est un moment-clef où on se construit en tant que personne. Certains se retrouvent très isolés.


Quels sentiments en tant que membre de votre génération ressentez-vous en cette période de crise sanitaire ?
I : Il y a une forme d’inquiétude. Mais en ce moment c’est quand-même une forme d’inquiétude pour les jeunes, parce que la moyenne d’âge dans les services de réanimation a baissé.
K : Au début de l’incompréhension, aussi de la peur face à un virus qu’on ne connaissait pas et qu’on pouvait imaginer être plus grave que ça. Puis de la solitude, de la tristesse. Beaucoup de sentiments négatifs. Le plus difficile c’est de ne pas avoir d’horizon, on a l’impression que ça ne finira jamais. Ça empêche d’avoir l’espoir qui pourrait nous permettre de tenir un peu plus.

Êtes-vous d’accord avec l’expression « jeunesse sacrifiée » ?
I : Le mot « sacrifiée » est fort. Qu’est-ce qu’une année dans une jeunesse ? Par contre, ce que je déplore pour les jeunes, c’est de ne pas avoir suffisamment de finances pour subvenir à leurs besoins. Je le comprends mais ce n’est la faute de personne, on ne pouvait pas faire autrement.
K : Oui, complètement, « sacrifiée » à plusieurs titres. On sacrifie le présent, mais en plus de ça avec les difficultés économiques qui s’annoncent, on sacrifie aussi l’avenir de toute une génération.


Que pensez-vous de la proposition de ne confiner que les personnes vulnérables ?
I : Je ne vois pas en vertu de quoi on va confiner les personnes de 60 ans pour permettre aux jeunes de faire la fête. Je souhaite très sincèrement que l’évolution du Covid n’attaque pas les jeunes, mais je n’en suis pas si sûre. Au départ, ce n’était que les personnes très âgées qui étaient hospitalisées, maintenant ce sont plutôt les personnes qui ont 60 ans. Quand on voit qu’ils sont 250 sur 50m², il faut les sanctionner à outrance !
K : Si l’Etat doit imposer un confinement, je suis favorable qu’il ne concerne que les personnes à risque. Il y a peu d’intérêt de confiner les jeunes, ce ne sont pas eux qui se retrouvent en grande majorité dans les hôpitaux, qui les encombrent. Les jeunes sont responsables, ce sont aussi des adultes, ils respectent le port du masque.


Selon vous, les jeunes ont-ils reçu suffisamment d’aide et de soutien durant cette crise sanitaire ?

I : Que voulez-vous leur donner d’autre, on ne donne de l’argent qu’à ceux qui travaillent. Sinon on va devenir des assistés. Mais c’est vrai que si nous faisions beaucoup avec peu, nous ne pouvons pas demander aux étudiants de faire beaucoup avec rien.
K : Les étudiants ont été oubliés, au début de la crise et jusqu’à assez récemment. Il y a eu des annonces, je ne vais pas le nier : les repas à 1€ du Crous, les chèques psys… Mais pour moi ce sont des mesures qui sont destinées à pallier les effets plutôt que de s’attaquer aux causes. Ce que veulent les étudiants, c’est de ne pas avoir besoin d’aller chez le psy. Mais je pense que même les personnes âgées ont eu beaucoup de difficultés. Elles se retrouvent souvent seules. Un coup de téléphone c’est bien, mais ça n’est pas suffisant.


En tant que personne de plus de 60 ans, que demandez-vous aux jeunes en cette période ?
I : Je leur demande d’avoir confiance dans l’installation à l’échelle mondiale de la vaccination. Pour le moment, ils ne sont pas prioritaires mais ils vont le devenir. Je les soutiens moralement, mais il faut s’adapter. Ce n’est pas une volonté d’empêcher les jeunes de faire ce qu’ils veulent, c’est une épidémie qu’il faut éviter à tout prix.


En tant que jeune, que demandez-vous aux plus de 60 ans en cette période ?
K : Je leur demande simplement de laisser vivre les jeunes. Tout en rappelant que le virus touche essentiellement des personnes très âgées, souvent avec des comorbidités.