Laurence Boffet, coprésidente du groupe « Métropole insoumise, résiliente et solidaire ! », revient sur la qualification de La France insoumise comme groupe politique « d’extrême gauche ». Investie dès 2020 par le parti pour le groupe Lyon en Commun, elle est également membre d’Ensemble!, « Mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire » et vice-présidente de la métropole déléguée à la Participation et à la Politique.

Lors de leurs allocutions nationales, successivement, Michel Barnier et Emmanuel Macron, ont qualifié les élus de La France insoumise d’extrême-gauche. L’êtes-vous ?
Je ne me qualifie pas du tout d’extrême gauche et La France insoumise non plus. Je suis stable dans mon positionnement politique mais la société se droitisant, on me place de plus en plus à gauche de la gauche.
Les mouvements d’extrême-gauche ne se retrouvent pas dans l’appel aux urnes et dans les modes d’élections. Certains défendent aussi des formes de violences, ce qui les distinguent des mouvements de gauche classiques.
Il y a-t-il une différence de positionnement entre les élus insoumis nationaux et locaux ?
Les élus locaux ne sont pas nombreux, ils sont souvent dans des villages en opposition à des majorités de droite, et nous ne sommes pas dans une stratégie de confrontation systématique. À Lyon et à Villeurbanne, nous sommes dans l’exécutif bien que nous ayons des divergences que nous faisons entendre, comme la ZFE [zone à faible émissions, ndlr] et la gratuité des transports.
La stratégie de La France insoumise au niveau national peut être de s’affirmer et de mener un travail pour avoir plus d’élus locaux comme le font tous les partis. À Lyon, j’ai l’impression que les députés jouent le jeu du Nouveau Front populaire (NFP), mais j’aimerais que le NFP soit encore plus visible. Au mouvement Ensemble!, notre différence est de dire que nous devons travailler de manière unitaire.
Entre ma position personnelle et celle de La France insoumise, il y a des divergences programmatiques, notamment sur les questions internationales. Par exemple, sur l’Ukraine, le mouvement Ensemble! est plus proche de la position du NPA. Néanmoins, ce sont des épiphénomènes, il y a plus de choses qui nous rassemblent que de choses qui nous divisent.
Sur la scène locale, avez-vous l’impression d’être perçu comme un parti « extrême » par les autres acteurs politiques ?
Depuis le début du mandat en 2020, les acteurs politiques de droite tentent de manière constante de nous faire passer pour l’extrême gauche. Ils le martèlent jusqu’à vexer les socialistes en disant « les socialistes et l’extrême gauche ». Au-delà de la blague, cela devient impossible. Il y a des mensonges.
En 2014, j’étais déjà élue et ce n’était pas comme ça. De leur côté, certains élus de droite ont des propos totalement libérés sur les lignes de l’extrême droite. La France insoumise peut être virulente, mais ne tient jamais de propos racistes comme cela peut être entendu à droite.
Et par les citoyens que vous croisez ?
Nous pouvons rencontrer des personnes qui tiennent des propos virulents sur la gauche et sur La France insoumise notamment du fait de ce qu’on entend dans les médias. Je rencontre aussi beaucoup de gens de gauche qui critiquent la méthode pour laquelle j’ai aussi beaucoup de nuances.
Nous pouvons être radicaux sur le fond sans l’être sur la forme, ce n’est pas forcément lié. Me concernant, ce n’est pas ma manière de faire que d’être virulente, je ne saurais pas faire.
Quels sont les enjeux de la qualification des partis comme « extrêmes » selon vous ?
Je reviens à la lutte des classes. Il y a un capitalisme à bout de souffle qui cherche aujourd’hui à se maintenir en mettant beaucoup de moyens pour cliver la société sur le thème de l’identité. C’est ce que fait Vincent Bolloré en mettant beaucoup d’argent dans les médias pour faire monter ces clivages. Il y a une alliance entre la grande bourgeoisie et l’extrême droite.
Avec le matérialisme actuel, il est compliqué de changer la culture car nous trouvons notre sécurité dans la possession et moins dans les liens sociaux. Nous devons travailler à un futur qui semble le mieux pour tout le monde, mais il faut établir le bon rapport de force pour cela. La France insoumise y travaille. L’équilibre est dur à trouver pour éviter les attaques frontales qui permettent à nos opposants de nous catégoriser comme « extrêmes ».
Néanmoins, nous ne sommes pas responsables de ce que les autres disent de nous. Nous sommes face à des vents contraires, certains veulent tout faire pour nous mettre dans cette case. Nous le voyons bien avec le président de la République, qui a été élu par les pouvoirs de l’argent, et qui refuse absolument de travailler avec la gauche alors qu’un tiers des électeurs est pour cette gauche.
Vous parliez d’un rôle des médias…
Il suffit de décompter les minutes de parole sans être interrompu dans les matinales entre les élus de gauche ou de gauche radicale contre les élus de droite ou d’extrême droite.
Les journalistes, malgré eux, sont pris dans une forme de tourbillon qui met en exergue l’émotion et les faits divers de toute nature. Pour les questions de démocratie, je suis invitée une fois par an dans les médias locaux alors que mon collègue à la mobilité [Fabien Bagnon, les Écologistes, ndlr] est invité trois à quatre fois par mois
A défaut d’être « extrême », LFI revendique un programme de rupture. En quoi est-ce une nécessité ?
La France insoumise a certes un programme de rupture, mais c’est un programme faisable. Le programme fait consensus entre nous à gauche. Il peut y avoir des nuances, mais ça se travaille. Un programme est quelque chose de dynamique, nous savons comment faire cela.
Le problème est d’arriver à dire que ce programme est crédible, ce que les puissances de l’argent ne veulent pas. Ce programme est une rupture sur la fiscalité et entame un changement de paradigme sur la justice sociale et la répartition. Ce n’est pas un programme révolutionnaire.
À la métropole et à Villeurbanne nous faisons des choses. Sur la question de l’eau [reprise en régie publique par la métropole, ndlr], par exemple, nous arrivons à avancer. Mais les résistances sont immenses, en lien avec le fait, notamment, que nous sommes dans un pays vieillissant qui a du mal à se dire qu’il faut travailler avec et pour les générations futures. Il ne faut pas lâcher.
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