Depuis janvier 2020, les compétitions officielles d’Arts Martiaux Mixtes (MMA) sont légales en France. Ce sport, parfois controversé, se caractérise par une forme de combat très libre, dans un cage appelée « l’octogone ». Ismaël Bourek, combattant professionnel de MMA, raconte son rapport avec la cage, après son entraînement à la salle de combat IKC.
Alors qu’il vient d’enchaîner plusieurs coups sur le ventre de son coach, Ismaël Bourek se relève pour souffler quelques secondes, s’avance et s’interroge : « C’est vrai que cette question de la cage et de l’enfermement, on n’y pense pas forcément beaucoup et pourtant elle est centrale dans notre sport ». Ismaël Bourek, 28 ans, est combattant professionnel de MMA, pour « Arts Martiaux Mixtes ». Ce mercredi 24 mars, il s’entraîne à l’IKC, l’International Karaté Club, une salle de sport de combats située dans le 2ème arrondissement de Lyon. Ici, pas de cage, mais un tatami et au fond de la salle, un ring de boxe.
Le MMA mélange plusieurs arts martiaux, n’a que très peu de règles et se déroule dans une cage à 8 bandes : le fameux « octogone ». Dans l’hexagone, sa pratique était interdite, mais en janvier 2020, le MMA est passé sous l’égide de la Fédération française de Boxe et a été légalisé. Entre-temps, le Covid-19 est apparu ; un seul événement a été organisé, en octobre dernier, à Paris-Bercy.
La salle dans laquelle s’entraîne Ismaël Bourek est une « salle mythique », elle existe depuis 1972, raconte Damien Dovy, ancien champion du monde Karaté, qui l’a rachetée en 2002. En temps « normal », les 500 membres viennent faire du karaté, de la boxe ou du MMA. La discussion se poursuit : « Avant de parler d’enfermement dans le ring, il faut voir qu’on est toujours en train de s’enfermer, on est en ville et pas à la campagne, serrés entre des immeubles, on vient faire un sport dans une salle fermée, on rentre sur un ring, et pourtant on vient pour s’évader », songe Damien Dovy. En temps de pandémie de Covid-19, la salle reste ouverte mais n’accueille que les sportifs professionnels ou ceux bénéficiant d’une prescription médicale, détaille Marion Dovy, mariée avec Damien, ancienne banquier d’affaires, et désormais à 100 % sur la gestion de la salle. Le(s) confinement(s) ont permis de « regarder comment tirer profit de la situation », avec le développement d’autres activités, comme celle du « coaching premium », une offre haut de gamme élaborée en direction des chefs d’entreprises : « ils viennent pour relâcher la pression », explique-t-elle. Une séance individuelle à partir de 59 € l’heure.
Le sportif, qui s’entraîne également sur d’autres sites, a plusieurs fois reporté la rencontre avec L’Écornifleur. À l’IKC, c’est avec Mheidy Damour, ancien policier et désormais coach à plein temps, qu’il se prépare. Mheidy Damour a longtemps pratiqué du sambo, un autre sport de combat, proche du MMA. Entre les deux hommes, une différence de poids : le combattant pèse 60 kilos ; son coach en fait 48 de plus. Car Ismaël Bourek est un combattant qui parcourt dans la catégorie des plus légers : les « moins de 57 ». Quinze jours avant un combat, pour perdre les quelques grammes nécessaires, il effectue un régime hydrique. Il explique se rendre dans un hammam ou devoir passer de 3 à 2 repas par jour. Une fois la pesée réalisée avant le combat, souvent la veille, il regagne quelques kilos précieux pour se battre dans la cage.
Esquives, prises au sol et coups de pieds ventraux
Ce jour-là, l’entraînement durera près d’une heure, avec une succession de modules suivis de courtes pauses : « on fait des modules très courts mais très intenses », explique son coach. On aura vu les deux hommes travailler les coups de poings, l’esquive, des prises au sol, des coups de pieds avant de rentrer sur le ring de boxe pour mélanger toutes les disciplines. Mheidy Damour encaisse les coups que lui assène à vive allure Ismaël Bourek, qui est également l’un des sparring-partner, pour partenaire d’entraînement, de Farès Ziam, un Givordin de 23 ans, membre de l’UFC (Ultimate Fighting Championship), la plus grande organisation au monde de MMA.
L’entraînement se termine, et Ismaël Bourek semble toujours aussi vif pour bouger sa tête : « la tête, c’est fondamental de la protéger, d’éviter les coups, sinon c’est fini après ! », explique-t-il. Au MMA on peut frapper la tête de l’adversaire, « c’est même conseillé ! » lance son coach, en rigolant. Le combattant poursuit : « là aussi, on a l’intérêt de la cage : c’est un repère, si on vacille, qu’on ferme les yeux, la cage nous réoriente ». Damien Dovy, karateka, voit une différence avec son sport qui se pratique en « combat ouvert » : « dans un combat fermé, tu ne peux pas aller où tu veux, tu es retenu physiquement, tu peux pas t’échapper ».
« La cage, c’est un repère »
La discussion se prolonge autour de la stratégie avant un combat, l’appréhension de la cage : « La cage ça devient un art, ça change les choses contrairement au ring où tu peux passer à travers les cordes », explique Ismaël Bourek. Il poursuit : « avant un match tu peux avoir peur, tu te demandes pourquoi tu es là… mais au final tu y vas, dans le seul objectif de gagner le combat, de gagner sur la stratégie ». Son coach poursuit : « quand on sait qu’en face on a un profil de « Striker », centré sur la boxe et les coups, on utilise la cage pour réduire l’espace ».
Celui qui a déjà cinq combats à son actif convient qu’avec la cage il y a une « dynamique de spectacle et de show qui impressionne ». Au final, pour lui, ça n’est pas un obstacle : « Je me dis, putain, t’as autant galéré sur le ring, maintenant contente toi de la cage ! C’est un sport ingrat qui dit qui tu es, et si tu échoues tu ne peux t’en vouloir qu’à toi-même », explique-t-il. Ambitieux et préparé, le voilà désormais ouvert pour signer au moins trois nouveaux combats.
Yann Chérel Mariné