Pour « lutter contre la délinquance », les collectivités territoriales n’hésitent plus à investir dans des caméras de surveillance. Tour d’horizon de ces dispositifs qui pullulent dans les communes de la métropole de Lyon.
« La sécurité n’est pas une affaire d’idéologie. Je regrette que vous soyez toujours sur des positions extrémistes et idéologiques. On a besoin de protéger nos compatriotes en la matière et on peut le faire tous ensemble », a affirmé Laurent Wauquiez. Des mots rassembleurs pour ce fervent promoteur des caméras de surveillance, pour mieux enterrer les critiques.
La loi en bref
Elle définit un protocole strict pour l’installation des dispositifs de vidéosurveillance. Une demande d’autorisation au préfet compétent doit être faite, avant une analyse d’impact sur la protection des données (AIPD). Elle sert notamment à évaluer la nécessité et la proportionnalité des dispositifs envisagés. Ce protocole intègre aussi la limitation de la durée de conservation des images : un mois maximum selon l’article L252-5 du Code de la sécurité intérieure (CSI).
Le respect du protocole peut être contrôlé a posteriori par la Commission nationale de l’information et des libertés (CNIL). Elle peut vérifier la conformité des dispositifs avec le cadre légal applicable.
Le CSI encadre également la consultation des images. Actuellement, les images enregistrées ne sont consultables que par les personnes habilitées par l’autorisation préfectorale, dans le cadre de leur fonction.
Le président Les Républicains de la région Auvergne-Rhône-Alpes a eu maille à partir avec son opposition durant l’assemblée plénière du 15 octobre 2020. En cause : son Pacte régional pour la sécurité créant des contrats régionaux de sécurité. Des contrats permettant la sollicitation, par des édiles volontaires, d’aides publiques pour renforcer la sécurité dans leurs communes. L’accent est notamment mis sur une hausse des financements de la vidéosurveillance. Une démarche qui s’inscrit dans les « 120 millions d’euros » déjà investis en la matière, comme le soulignait Laurent Wauquiez lors du vote de l’amendement.
La vidéosurveillance est aussi une question explosive au niveau national, en témoigne les débats tendus autour de la loi « Sécurité Globale ». Promulgué le 25 mai dernier, son article 20 élargit l’accès aux vidéos des caméras de surveillance. Un article permettant notamment aux policiers municipaux de les visionner, chose impossible auparavant.
Des communes bonnes clientes de la vidéosurveillance
Localement, cela se traduit souvent par une prolifération des caméras de surveillance dans les communes. Une tendance à laquelle n’échappe pas la Métropole de Lyon : 51 communes sur 59 en sont dotées. De la place Bellecour aux rives de la Saône, en passant par la périphérie lyonnaise, elle s’est taillée une solide place dans nos paysages urbains.
Pourquoi ? “Une nécessité opérationnelle” et le désir de sécurité des habitants, nous ont répondu la plupart de nos interlocuteurs. Selon les données récoltées, le nombre de caméras installées est rarement proportionnel à la population locale, avec des ratios dépassant les 7 caméras pour 1000 habitants dans 4 d’entre elles.
Apparue en 2000 dans la capitale des Gaules sous feu Raymond Barre, la vidéosurveillance s’est depuis largement développée. Aujourd’hui, plus de 2 500 caméras seraient actives, réparties dans 51 des 59 communes que compte le Grand Lyon. Des équipements que les maires de tous bords n’hésitent plus à adopter. 19 communes de la métropole ont aujourd’hui plus de 3 caméras pour 1000 habitants.
Malgré son omniprésence, difficile pourtant d’obtenir des informations auprès des municipalités, peu loquaces à ce sujet. Pas non plus de base de données publique. Si les images sont de plus en plus nettes, les citoyens, eux, sont dans le flou. Il aura fallu plusieurs mois de démarchages pour obtenir notre base de données. 8 communes n’ont pas répondu à nos sollicitations, tandis que Bron, Francheville, La Mulatière, Oullins, Saint-Genis-les-Ollières, Solaize et Tassin-la-Demi-Lune ont expressément refusé de communiquer, invoquant le « caractère confidentiel » de la question.
Une répartition disparate
Ce sont les grosses municipalités de l’est de Lyon qui possèdent les parcs de caméras les plus fournis. Derrière l’ogre lyonnais, on retrouve des communes comme Vaulx-en-Velin (80), Villeurbanne (105) ou Caluire-et-Cuire (145). La seconde place revient à Saint-Priest et ses 301 dispositifs, reliés directement à un centre de supervision urbain (CSU). Des lieux permettant le visionnage en temps réel des images, dont le nombre a explosé entre 2014 et 2019, passant de 507 à 903 centres sur l’ensemble du territoire national. “Des miroirs sans teint” pour Olivier Tesquet, auteur d’A la trace. « Dans la safe city contemporaine, les CSU prennent les regards sans jamais les rendre, et on n’a aucun contrôle dessus ».
A l’inverse, on note une certaine concentration des communes avec le moins de caméras au nord. On retrouve 7 des 8 communes qui n’en ont pas : Cailloux-sur-Fontaines, Charly, Collonges-au-Mont-d’Or, Fleurieu-sur-Saône, Fontaines-Saint-Martin, Montanay et Poleymieux-au-Mont-d’Or. Un choix marginal que la municipalité de Fleurieu explique par une « délinquance relativement très faible ».
Les moyennes et petites communes trustent le haut du classement, si l’on rapporte le nombre de caméras à 1000 habitants. 6 des 7 communes ayant un ratio supérieur à 6 ne dépassent pas les 8700 habitants. Vernaison (8), Rochetaillée-sur-Saône (7,83), Marcy-l’Etoile (7,77), Irigny (6,44) et Jonage (6,18), auxquelles s’ajoute Limonest. Une commune qui décroche la palme de la « ville la plus vidéosurveillée » de la Métropole, avec un ratio de 15,08 caméras pour 1000 habitants, soit 55 pour 3648 habitants.
Cette large conversion des communes à la vidéosurveillance a déplacé le débat. De la nécessité de pareils dispositifs, elles discutent maintenant des modalités de leur installation. Un débat qui pointe du doigt et marginalise les communes non-équipées. 8 actuellement, leur nombre devrait d’ailleurs baisser dans les mois prochains : plusieurs projets de déploiement sont actuellement dans les tuyaux.