2021 n’est pas une année facile pour les couples à distance qui voient leurs projets de retrouvailles reportés ou annulés à cause de la crise sanitaire. Entre désillusions, attentes et incertitudes, les couples étudiant à Sciences Po Lyon essaient tant bien que mal de garder l’espoir de se revoir. Témoignages.

« Je n’ai pas revu mon copain depuis octobre », explique Eva, 24 ans, en couple depuis trois ans avec Jean-Charles, un Franco-Sénégalais. « On était déjà à distance avant la crise sanitaire car il habite au Sénégal. Jusque-là on n’avait jamais eu de problème pour se voir tous les deux mois environ ».
Fin janvier 2021, de nombreux pays, dont la France, ont annoncé la fermeture de leurs frontières aériennes pour une durée indéterminée empêchant les couples comme Eva et Jean-Charles vivant une relation à distance de se retrouver. Les seuls voyageurs autorisés à se rendre ou à revenir de ces destinations doivent présenter un motif impérieux via une attestation de déplacement et de voyage.
La crise sanitaire avait contribué à réunir Eva et Jean-Charles durant l’année 2020. « Il avait pris deux mois de congés pour me rendre visite en France en janvier. Mais le premier confinement a fait qu’il n’a pas pu rentrer au Sénégal. On a donc vécu ensemble dix mois en France jusqu’à octobre 2020. C’était très cool », raconte Eva. « Mais maintenant la pandémie nous impacte négativement puisqu’on ne peut plus se voir comme on le souhaite ». Elle a ainsi été obligée de reporter son projet de voyage. « J’avais prévu d’aller passer une semaine au Sénégal en mars dernier pour rejoindre mon copain. Mais on a été obligé de décaler. J’espère pouvoir partir d’ici fin mars ». Pour mettre toutes les chances de son côté, Eva s’est munie d’une fausse attestation professionnelle. « Des amis vivant au Sénégal m’ont dit que c’était assez simple de contourner les règles, ils ont inventé un motif et c’est passé ».
Pour Aurore, 23 ans, en couple depuis un an avec Diego, un étudiant Équatorien, rencontré lors de son année de mobilité en Colombie, l’annonce de la fermeture des frontières européennes a également été un choc. « J’étais censée partir en avril en Équateur pour rejoindre mon copain trois semaines, mais avec la fermeture des frontières européennes, le projet a été reporté à fin juin». Aurore n’a pas revu son copain depuis septembre. Ils s’étaient renseignés sur la procédure de dérogation mise en place en fin de l’année dernière par le gouvernement français pour les couples non mariés. « Mais le problème c’est que Diego ne remplissait pas une mesure : il n’avait jamais voyagé en Europe. Alors qu’il remplissait les autres conditions sur le fait d’avoir un garant, une assurance maladie et on avait des documents qui prouvent qu’on avait déjà vécu ensemble », explique Aurore. Elle qui travaille en parallèle de ses études pour pouvoir payer son voyage en Équateur, l’attente et l’incertitude deviennent difficiles. « On ne pensait pas rester si longtemps sans se voir mais on essaie de rester optimistes. C’est un peu la seule certitude qu’on a : on va se revoir mais on ne sait pas quand ».
« Avant le seul obstacle c’était le prix »
Anna, 21 ans, est en mobilité depuis septembre à Berlin et son copain, Théo, devait partir en mars en Angleterre mais avec la dégradation de la situation sanitaire au Royaume-Uni, son départ est reporté. « On n’arrive pas à prévoir où on sera dans un mois donc impossible de faire des projets à long terme ». Il est difficile pour le couple qui ne s’est pas vu depuis janvier de s’adapter à un contexte qui évolue continuellement. « C’est compliqué maintenant. Avant quand on se quittait on savait à l’avance quand on allait se revoir. Ça aidait beaucoup d’avoir un objectif pour tenir dans le temps ».
Avec la crise sanitaire, les projets à long terme sont difficiles à prévoir et encore plus les retrouvailles à l’improviste. « Si j’ai envie de voir ma copine sur un coup de tête c’est extrêmement compliqué alors qu’avant, le seul obstacle c’était le prix », explique Charles, 22 ans étudiant en mobilité à Navarre en Espagne. : « Lorsque Victorine est venue me voir en février, j’ai dû venir la chercher en voiture à la frontière car il est très difficile de se déplacer entre les régions ». Un trajet qui a été éprouvant pour la jeune femme. « Le trajet a duré une journée pour l’aller et une journée pour le retour avec le train. Et j’avais peur de ne pas pouvoir passer la frontière », explique Victorine, 23 ans. De plus, son voyage était prévu au lendemain de la prise de parole du Premier Ministre, Jean Castex, le 29 janvier. « Je pensais qu’il allait annoncer la fermeture des frontières nationales », se souvient-elle. Malgré la distance et les restrictions de déplacements, les amoureux ont pu se revoir aussi en mars à mi-chemin dans le sud de la France.
« On aura passé le plus dur »
Cependant, pour se rassurer, certains couples essaient de tirer du positif de ces longs mois de séparation. « On n’était pas censées rester aussi longtemps sans se voir donc dans un sens ça a permis de solidifier un peu plus notre relation. Et on se dit que si on arrive à passer ça, on aura passé le plus dur », confie Chloé, 20 ans, en couple avec Eliza*, une Israélienne, rencontrée en ligne en juillet 2020. Pour faciliter la réalisation d’activités à deux, les applications se sont adaptées avec le confinement et proposent des outils. « On regarde avec ma copine des films sur Netflix Party ou des séries via le partage d’écran de Messenger. On essaie de trouver des occupations pour passer un maximum de temps ensemble ». Néanmoins, les incertitudes sur l’évolution de la crise pèsent sur l’état d’esprit de la jeune femme. « Je pense que ça impacte mon humeur et mon moral et cela peut retomber sur mes études, même si je n’ai pas vu une grande différence dans mon travail ou mes notes ».
Alors qu’ils ne se sont pas vus depuis plus de deux cents jours, Aurore et son copain entretiennent, eux, leurs relations grâce à des appels quotidiens. « Le fait de ne pas se voir peut entraîner des problèmes sur des petites choses qui pourraient s’envenimer et aboutir sur des disputes, de la jalousie. La solution pour se faire confiance c’est la communication », explique Aurore. Malgré le décalage horaire qui les sépare, lorsqu’il est 13h en Équateur, il est 19h en France, ils trouvent de nouvelles manières de passer du temps ensemble. « On s’appelle pour cuisiner en même temps, lui prépare son déjeuner pendant que moi je prépare mon dîner et on se donne des conseils ».
Face aux nombreux obstacles qui les empêchent de se retrouver, les amoureux ont plus que besoin de se sentir soutenus par leur conjoint. « C’est ma première relation à distance et c’est plus simple que ce que j’imaginais parce que la personne avec qui je suis, fait en sorte que ça le soit pour nous deux », confie Aurore. Avant d’ajouter, « si j’étais la seule à faire des efforts, ça ferait longtemps que cette relation serait terminée ».
* Le prénom a été modifié à la demande de la personne.