Après une rétrospective estivale consacrée à ses films, l’Institut Lumière maintient Hayao Miyazaki au cœur de l’actualité culturelle lyonnaise. En avant-première, « Le Garçon et le Héron », sa dernière création sera diffusée le 17 octobre, deux semaines avant le reste de l’Hexagone. Sans rien divulgâcher de ce dernier, retour sur l’engagement écologique du réalisateur phare d’un studio d’animation de légende.
Un Tokyo post Seconde-Guerre mondiale, détruit, qu’on abandonne pour la campagne. Paisible, vivante et portée par une place centrale du monde animal. La nature prédomine, le décor est posé dans un univers que le réalisateur a l’habitude de travailler. Son approche de la biodiversité est récurrente. Portée par une diversité de messages, à laquelle « le Garçon et le Héron » n’échappe pas.
« Myazaki est marqué par l’expérience originelle »
Hayao Miyazaki a grandi dans le même cadre que le héros de sa dernière réalisation. Il naît en 1941, dans un Tokyo qui sera réduit en cendres par les bombes et le napalm dès les premières années de sa vie. L’antimilitarisme devient l’un des fers de lance de sa carrière. Camille Roelens, chercheur à l’Université de Lille, a étudié l’anthropocène et sa place culturelle, notamment par ce que véhicule Miyazaki dans ses films : « son œuvre a été ponctuée par les événements de son siècle. Miyazaki est marqué par l’expérience originelle. Il a vu s’effondrer tout ce qui structurait la société des années 1930-40 ».
Les idéologies du XXème siècle ont marqué celui qui a participé à la création de « l’identité visuelle » du Studio Ghibli. On voit dans certains films non seulement son rapport aux grandes philosophies politiques de son temps en tension, le communisme et le capitalisme, mais aussi l’évolution de son approche. « Dans Porco Rosso, Porco Rosso c’est lui ! C’est lui qui vend son âme, qui renonce aux valeurs de sa jeunesse », explique le chercheur.
Attiré par le marxisme dans ses jeunes années, Miyazaki se confronte ensuite aux dérives et aux soucis que provoque cette philosophie dans la société japonaise. Gardant ses distances avec la pensée, il reste détaché de celle adverse alors que sa carrière de réalisateur atteint les sommets. « Il s’est demandé comment ne pas se vendre au capitalisme », raconte Camille Roelens.
La nature et les Hommes, contre les Hommes
Miyazaki vit ensuite dans une époque charnière, dans laquelle les grandes idéologies politiques déclinent en importance. « Est-ce qu’il est quand même possible d’avoir de la solidarité ? ». Pour le chercheur lillois, « on tourne autour de la question » chère au cœur du réalisateur japonais. Une solidarité entre les humain·es, dont les guerres fratricides nourries par l’égoïsme sont récurrentes, mais aussi entre ces derniers et la nature qui les entoure.
Jamais romantisée par Miyazaki, la guerre reste omniprésente. Elle occupe un espace qui exacerbe sa violence et sa futilité. Elle fait des humains des vecteurs de sa violence, elle dénue de sens leur action et leur motivation à se battre. L’image est toujours la même chez Miyazaki : il y a une insistance sur la souffrance, sur la mort, une volonté de dégouter. La guerre y est toujours révélatrice.
S’attaquer à l’Homme, le « maître possesseur de la nature »
Le message de l’œuvre de Miyazaki est double. D’abord, il milite pour une coopération entre l’Humain et la nature, du moins pour davantage de compréhension entre les deux. Généralement, ils sont plus opposables qu’autre chose mais l’idée est souvent la même d’un film à l’autre : il y a une « rupture avec une figure importante de l’histoire ». Le réalisateur s’attaque aux maux de notre ère : « l’industrie, l’humain comme maître possesseur de la nature, qui pompe le maximum de ressources, l’idée d’inégalité croissante entre les humains et les non-humains », poursuit Camille Roelens.
Ensuite, Miyazaki n’est pas technophobe, l’ambivalence de son message se voit explicitement dans « Nausicaä de la Vallée du Vent ». Il milite pour un retour à la vie sans Hommes mais la complexité de ses personnages, qui s’est accentuée au fil des films d’animation, lui permet d’assumer les failles de son idéal. « Dans Porco Rosso, on voit comment une passion peut avoir une vocation guerrière sans forcément qu’elle soit projetée. Les personnages sont passionnés d’aéronautique et comme ce qu’il compte le plus c’est de voler, les raisons derrière sont secondaires », analyse le chercheur.
Une dualité qui se retrouve dans le nouveau projet de Miyazaki, qu’il va faire découvrir à Lyon demain. Au Japon, le film est sorti cet été. Les critiques saluent la qualité de « le Garçon et le Héron », certains le présente même comme l’œuvre la plus aboutie du réalisateur. On note une redondance de certains points forts : la complexité des personnages, le développement poussé de messages et l’animation. D’ici à sa sortie officielle, onze des œuvres du réalisateur japonais sont déjà disponibles sur Netflix.
Avant-Première à l’Institut Lumière (Hangar), mardi 17 octobre à 17h15 et UGC Confluence, mercredi 18 octobre à 19h.
Anatole Clément