Du scénario à la projection (1/12). À l’occasion du Festival Lumière, L’Écornifleur s’est glissé dans les coulisses du cinéma, pour un tour d’horizon de ses métiers. Jeune scénariste lyonnais, Kensley Jules nous raconte son parcours depuis Disney channel jusqu’à son association.

Années 2010 : le jeune Kensley grandit au rythme des héros de Disney Channel. Il se met alors à écrire des chansons pour les séries qu’il imagine dans sa tête. « À cet âge-là, je rêvais de devenir chanteur. » C’est là que tout a commencé.
« J’aime raconter le monde à ma manière », confesse Kensley des années plus tard, attablé à la terrasse d’un café lyonnais. Il retire ses gants noirs, réajuste sa cravate, et sirote un jus d’orange : le voilà prêt à parler de son métier « passion » pendant des heures.
Âgé de 27 ans seulement, il fait partie des rares scénaristes ayant fait le choix de ne pas exercer à Paris. Il a pourtant grandi en Île-de-France, mais après être arrivé en 2016 pour ses études, il décide de rester dans la ville des frères Lumière une fois sa formation terminée même s’il sait que le marché de l’emploi n’y est pas le même qu’à Paris. Il est plus difficile de rencontrer du monde et de se faire connaître car le milieu du cinéma est moins développé ailleurs en France.
Son déménagement, il le doit au hasard. Quelques années plus tôt, il tombe sur une publicité pour la CinéFabrique. À l’époque, cette école de cinéma lyonnaise n’a qu’un an. « J’en ai parlé à ma mère. Je lui ai expliqué qu’une année dans cette école coûtait 200 € et le concours d’entrée 50 €. Cela rentrait dans notre budget. Je me suis inscrit. » Le scénariste en devenir passe le concours, le réussit et déménage à Lyon. « J’étais plongé pendant trois ans à devoir défendre un cinéma auquel je crois. » Une vocation est née.
« Quand tu bosses pour Arte, les gens qui ne te lisaient pas avant se mettent à te lire »
Une fois son diplôme en poche, le scénariste en herbe passe une année à faire tous les appels à projets possibles et imaginables. Il se fait repérer par la boîte de production Melocoton Films qui lui permet de participer à l’écriture de la série TikTok d’Arte Viens on danse. L’idée était d’expliquer, via une fiction, l’origine des danses devenues virales sur l’application. C’est là que les choses sérieuses commencent : « Quand tu bosses pour Arte, les gens qui ne te lisaient pas avant se mettent à te lire. » Dès le début, il décide de n’écrire que pour des projets qui lui plaisent. C’est ainsi qu’il passe l’année suivante à travailler sur deux bandes-dessinées numériques pour Ankama, la société de production de Wakfu et Dofus. 2023 marque ensuite le début d’un projet sur lequel il travaille encore aujourd’hui : l’écriture de la série audio et animée Black Caesar’s Revenge. Cette fois, il enfile la casquette de showrunneur en plus de celle de scénariste. Son rôle n’est plus uniquement d’écrire mais aussi de s’assurer de la concordance du projet tout au long de sa réalisation.
Aujourd’hui scénariste aguerri, il a décidé de venir en aide à ses pairs éloignés, eux aussi, du business du cinéma parisien. Il a cofondé avec son ami Pauline Pinçon l’association Septième Scénar’. Leur but : « professionnaliser le bassin Rhônalpin. » Entre les rencontres entre professionnels, les ateliers d’écritures et les différents exercices pour apprendre à vendre un projet, tout est fait pour que les scénaristes de Lyon et ses alentours ne se sentent pas lésés.
Concernant les fantasmes qui entourent son métier, Kensley est clair : « Le mythe de la page blanche est néfaste et découle de l’idée selon laquelle l’inspiration ne se force pas. » Il croit fermement qu’il ne faut pas attendre l’inspiration, mais la provoquer. Il sort alors son téléphone pour appuyer son propos. Il scrolle quelques secondes dans ses notes. Là où il consigne des centaines d’idées. Cela lui sert lorsque l’inspiration peine à venir. Il arrête son doigt sur l’une d’elles et la lit en riant : « des statues qui prennent vie et essaient de décimer l’humanité. » « Ces idées ne seront pas toutes utilisées, mais on ne sait jamais ! », précise-t-il. Il ne jette jamais une ébauche d’idée.
« La précarité détruit des carrières »
Son activité possède un gros point noir d’après lui : la précarité, « un tabou dans l’industrie ». Entre les droits d’auteur et le paiement à l’écriture, la situation financière des scénaristes peine à être stable, surtout en début de carrière. « On ne touche pas le chômage quand on est artiste-auteur. » Parfois les conséquences sont lourdes : « ça détruit des carrières. » Il arrive que certaines personnes soient contraintes de s’orienter vers une activité aux revenus plus stables.
Issu d’une famille plutôt modeste, le jeune homme n’était pas un habitué des salles de cinéma. Il a plutôt eu une enfance rythmée par Zack et Cody, Les Sorciers de Waverly Place, Ma famille d’abord ou encore Malcolm. Aujourd’hui encore, il est « plus sériephile que cinéphile ». Pour connaître le nombre de séries qu’il a regardées, Kensley a d’ailleurs besoin d’une application qui tient les comptes. Lorsqu’il prend son téléphone et qu’il l’ouvre, le constat est flagrant. Il a passé dix mois, cinq jours et 23 heures à regarder des séries contre seulement un mois à regarder des films. À force de visionnage, son œil de scénariste s’aiguise, c’est pourquoi : « Même quand je n’aime pas une série, je vais au bout pour comprendre où ça n’a pas marché. »

On sent le scenariste passionné !
C’est génial de suivre ses envies sans se forcer à rentrer dans le moule en allant sur Paris par exemple. Très intéressant et inspirant.
On sent l’approuveur passioné !