Les confinements successifs liés à la pandémie de Covid-19 ont fait croître de façon exponentielle le volume de colis livrés chaque jour en France. Face à l’inadaptation des boîtes aux lettres traditionnelles à ces nouvelles pratiques de consommation, le marché des boîtes à colis connectées gagne du terrain. 

Les boîtes à colis connectées de la startup Oubabox s’intègrent dans les halls d’immeubles récents. Ici au sein de la copropriété Orée du Parc. Lyon 8ème, 14/03/2021 © Pierre Deroudilhe 

Il est possible d’avoir vécu jusqu’ici et de n’en avoir jamais vu une seule. Pourtant, les boîtes à colis connectées se multiplient dans les parties communes des immeubles en construction ou dans celles de copropriétés dont le bâti a déjà quelques années. Les confinements successifs et la volonté de limiter au maximum les contacts ont poussé les Français à commander massivement sur Internet ce qu’ils avaient l’habitude d’aller acheter par eux-mêmes. « 750 millions de colis ont été livrés en 2019, un milliard en 2020. Le volume est exponentiel et ce sujet est remonté en haut de la pile des nouveaux services à déployer dans l’habitat », témoigne Olivier de Rodellec, associé de la jeune entreprise Boks, basée à Paris et spécialisée dans les boîtes à colis connectées. 

Le dernier kilomètre 

Boks, mais aussi Renz, Oubabox… Le fonctionnement des boîtes à colis connectées de ces différentes entreprises françaises diverge légèrement mais le principe est le même. Une boîte sécurisée, de taille plus ou moins importante, est disposée dans les parties communes d’un immeuble. Les livreurs y accèdent et y déposent le colis avant de verrouiller la boîte. Le résident est alors prévenu via son smartphone que son colis a été déposé et il peut le récupérer, laissant la boîte à colis disponible pour les livraisons de ses voisins. Ces produits ne sont pas vraiment nouveaux, une entreprise comme Renz les développe depuis 2013. « On a fait une première expérimentation dans un immeuble de 80 logements, avec plusieurs boîtes aux lettres privatives et boîtes à colis connectées et mutualisées entre les résidents », témoigne Christelle Chevalier, chargée de communication pour l’entreprise Renz. 

L’enjeu, c’est la fameuse « logistique du dernier kilomètre ». La dernière étape de la livraison, durant laquelle les colis sont acheminés des centres logistiques jusqu’aux domiciles des personnes, serait responsable de « 50% de la congestion des centres-villes et de 30% des émissions de CO2 » d’après Olivier de Rodellec. Une situation aggravée par les aller-retours que les livreurs effectuent lorsqu’il est impossible de remettre le colis à son destinataire. Boîtes aux lettres trop petites et destinataires absents font émettre de très nombreux avis de passage qui pourraient être évités si les livreurs étaient assurés de pouvoir déposer leur colis du premier coup. Il y a bien la solution des points relais, mais « plus de 80% des e-acheteurs souhaitent être livrés chez eux » si l’on en croit Christelle Chevalier. 

Plus de 25 000 euros la première année 

Plusieurs obstacles empêchent toutefois l’arrivée des boîtes aux lettres connectées dans nos halls d’immeubles et parties communes. Même lorsqu’elle est installée, la « solution miracle » peut rencontrer problèmes et résistances. « On n’a pas forcément eu assez d’accompagnement pour prendre en main ce service et ces outils. Les gens ne savent pas forcément comment l’utiliser », témoigne Sylvain Ferrière, le président du conseil syndical de la copropriété Orée du Parc dans le 8ème arrondissement de Lyon. Sans informations claires de la part des entreprises qui installent les boîtes à colis connectées, le système peut se trouver sous-utilisé, ce qui fait revenir le problème au point de départ. Or ce genre de service peut coûter assez cher : « Au bout de la première année, la conciergerie numérique c’est plus de 25 000 euros, par an, pour la copropriété », explique Sylvain Ferrière dont la copropriété est équipée d’un système Oubabox. « 25 000 euros divisé par 118 lots, ça fait un bon billet, et pour des services qui ne sont pas encore aboutis ça peut prêter à discussion. Certains commencent déjà à remettre ça à question, avec des crispations financières ».

Les conditions de travail des livreurs sont telles qu’ils n’ont pas vraiment le temps de s’arrêter à chaque copropriété pour comprendre le fonctionnement d’un nouveau système. Et il faut bien reconnaître que ces systèmes ne sont pas encore très répandus. Boks a déployé un peu plus de 1 000 de ses boîtes à colis connectées, ce qui adresse les besoins d’entre 10 000 et 30 000 foyers, tandis que Renz en est à 200 installations approximativement, ce qui représente près de 10 000 foyers. Dans un pays d’environ 29 millions de foyers, nous sommes encore loin du compte. À cela s’ajoutent des systèmes d’identification des livreurs et des colis qui ne sont pas les mêmes partout, ce qui oblige les acteurs de la livraison à s’adapter à chaque nouveau système. Une situation en voie de changement : « L’an dernier, en juillet 2020, une spécification européenne est sortie, ce qui a donné une norme de l’Afnor, la TS 17457 », explique Christelle Chevalier. Cette norme concerne les systèmes d’ouverture de boîtes à colis connectées, mais pour l’instant, au niveau européen, il n’y a rien de plus qu’une demande pour que les acteurs de la boîte aux lettres dialoguent. D’après Olivier de Rodellec : « Pour se différencier les uns des autres, tous les acteurs de l’immobilier cherchent aujourd’hui à proposer de nouveaux services à leurs clients, locataires ou potentiels acheteurs ». Avec des avantages évidents et des défauts qui le sont tout autant, les boîtes aux lettres connectées semblent aller dans la marche du développement de la livraison de colis, au cœur d’un marché dans lequel la concurrence s’intensifie.