Dans moins de 80 jours, l’immense majorité des établissements recevant du public devront posséder un défibrillateur. Dans la métropole de Lyon, on en compte au moins 750, mais des progrès restent à faire.
En voilà un sur la façade de la mairie, un autre à l’entrée du gymnase. Depuis quelques années, les défibrillateurs apparaissent un peu partout. L’outil s’est démocratisé et surtout, une loi de 2018 a contraint des établissements à s’en munir. Au 1er janvier prochain, une très grande majorité des établissements recevant du public doivent être équipés d’un défibrillateur automatisé externe (DAE). À 80 jours de la date butoir, dans la métropole de Lyon, on semble loin du compte.
« On ne tiendra pas les délais », affirme Benjamin Baselli, référèrent technique à Casc Formation, l’association de formation des sapeurs-pompiers du Rhône. « Scientifiquement, plus il y en a, mieux c’est. C’est une bonne loi, mais on ne peut pas contrôler le déploiement », estime le docteur Frédéric Guillaumée, du CESU 69, rattaché au SAMU.
Dans la métropole, ce jour, il y a au moins 757 défibrillateurs installés. Si la loi de 2018 a créé une base de données nationale, non accessible au grand public, la collectivité effectue un référencement local. Mais parfois insuffisant : quelques communes n’étaient pas dans la base de données alors qu’elles ont affirmé posséder des DAE. À l’instar de Francheville qui nous en a déclaré quatorze.
« Il y a un manque de connaissance. On voit qu’à la ville de Lyon, il y a un gros effort de référencement. Mais ça ne dépend pas que des villes, il y aussi des entreprises, des associations », explique Benjamin Baselli. Son confrère Frédéric Guillaumée évoque les outils alternatifs qui existent, comme l’application Staying Alive, une base de données participative ou Sauv’Live.
Un DAE, c’est quoi ?
« On parle aussi d’un produit qui était exclusif aux médecins dans les années 1990 et qui aujourd’hui est grand public », poursuit Frédéric Guillaumée. Ces appareils viennent délivrer des chocs électriques, si nécéssaire, sur le corps de la victime, pour relancer le cœur.
« La première chose, c’est masser. Le DAE, c’est une option. Après un arrêt, on garde l’oxygène dans le cerveau pendant environ 3 minutes, relative Benjamin Baselli sur le rôle des défibrillateurs qui rajoute, S’il y a un DAE à vue et que vous êtes plusieurs, dans ce cas oui ».
Frédéric Guillaumée précise un autre point: « Quand on utilise un défibrillateur, on peut faire une analyse des chocs, pour établir un diagnostic et comprendre ce qu’il s’est passé et donc adapter le traitement ».
Une loi, et un calendrier
La loi a entamé son parcours en 2016 par une proposition du député Jean-Pierre Decool (LR). L’Assemblée nationale l’a adoptée à l’unanimité avant que le Sénat ne l’imite en juin 2018. En décembre 2018, le Journal officiel publiait le décret détaillant le calendrier d’installation.
Ainsi, en 2020, l’ensemble des établissements (ERP) des catégories 1 à 3, de plus de 300 personnes, devaient être équipés. En 2021, c’était au tour de ceux de catégorie 4, moins de 300 personnes. Pour les établissements de catégorie 5, seuls certains sont concernés. Soit : les structures d’accueil pour personnes âgées et pour personnes handicapées, les établissements de soins, les gares, les hôtels-restaurants d’altitude, les refuges de montagne et les établissements sportifs clos et couverts ainsi que les salles polyvalentes sportives. En cas de proximité directe entre deux établissements, il y a la possibilité de mutualiser l’achat.
Au niveau des distributeurs, on ne constate pas de vague d’appels. Un salarié d’un revendeur, sollicité quotidiennement, explique qu’il y a « beaucoup de questions, et des appréciations différentes de la loi ». Cindy Herbet, directrice de Defiligne précise : «Tout le monde comprenait l’utilité d’un DAE mais ça n’était pas forcément une priorité, la loi a mis à l’ordre du jour ». Malgré le Covid, pas de risque de pénurie pour autant : une commune peut s’équiper avant la fin de l’année, affirme la dirigeante.
Dans le Grand Lyon, des disparités
Dans la métropole, il y a de grandes disparités, bien qu’il y ait davantage de DAE que ceux déclarés. Si la moyenne est d’un défibrillateur accessible pour 2793 riverains, certaines villes semblent à la peine, comme Caluire-et-Cuire ou Oullins. Douze communes n’ont pas répondu à notre sollicitation.
Dans ces deux cartes, l’ensemble des défibrillateurs répertoriés sont accompagnés des établissements recevant du public. La première avec les établissements médicaux, concernés par la loi, à savoir les établissements de soin, les établissements pour personnes âgés et pour personnes handicapées, mais aussi ceux de soins psychologiques. Et c’est là toute la limite d’un référencement imprécis : il n’y aurait pas de DAE à proximité de l’hôpital Édouard Herriot de Lyon !
Dans la seconde carte : les autres établissements, à savoir les gares, les établissements publics ainsi que les équipements sportifs. Deux gares de la métropole, sur 36, sont équipées : Lyon Part-Dieu et Lyon Perrache. La SNCF n’avait rien à communiquer lors de notre sollicitation.
Beaucoup de lieux, mis aux normes, n’ont pas remonté l’information, une obligation légale. D’autres ne sont tout simplement pas encore équipés. Benjamin Baselli est ferme : « Il y a un problème de communication. Les arrêts cardiaque sont dix fois plus mortels que ceux des accidents de la route, mais les campagnes qu’on voit sont celles de la Sécurité routière ». Il invite de toute façon à sensibiliser aux bons réflexes : « Un DAE c’est bien, savoir sauver une vie, c’est mieux ».