Variety, film provoc’ réalisé par l’américaine Bette Gordon en 1983, est présenté en avant-première dans la sélection « Trésors et Curiosités des archives » lors du Festival Lumière. Restauré par la société de distribution Les Films du Camélia, le film est accompagné d’une exposition photographique organisée en partenariat avec Nan Goldin, célèbre photographe new-yorkaise.

Affiche du film Variety de Bette Gordon, sorti en 1983, qui a été sélectionné par le Festival Lumière dans la catégorie "Trésors et Curiosités des archives"
Affiche du film Variety de Bette Gordon, sorti en 1983, qui a été sélectionné par le Festival Lumière dans la catégorie “Trésors et Curiosités des archives”. ©Les Films du Camélia

« J’aime observer. J’ai toujours été fascinée par le cinéma et le plaisir secret, proche du voyeurisme, que je ressens en voyant des gens sur un écran ». Voilà ce que confiait en 1983, à la sortie de Variety, la réalisatrice et professeure à Columbia University Bette Gordon, figure d’un cinéma indépendant américain féministe, expérimental et avant-gardiste.

Un film, sujet d’une exposition photographique inédite

Nan Goldin, présente en 1983 sur le lieu de tournage de Variety en tant qu’actrice et photographe de plateau, a organisé en partenariat avec la société de distribution Les Films du Camélia une exposition photographique inédite dans le cadre du Festival Lumière.

Nan Goldin est une photographe connue pour ses portraits profondément personnels et candides. Née en 1953, elle consacrera une partie de ses travaux aux thèmes de la violence, de la destruction et de l’intimité. Ses œuvres font partie des collections du Musée d’art moderne de New York, du Tate Modern de Londres, du Musée d’art contemporain de Los Angeles, du Musée d’art contemporain de Los Angeles et du Centre Georges Pompidou à Paris.

Le vernissage a lieu, en présence de Nan Goldin et Bette Gordon, le mardi 12 octobre à la Galerie Cinéma 2, au 3 rue de l’Arbre Sec dans le 1er arrondissement de Lyon.

Un film-concept qui mêle obsession, désir et voyeurisme

Variety, jugé provoquant par la critique, aborde des thèmes chers à la cinéaste comme la sexualité, la violence et la pornographie. « Puisque le principe de base du cinéma est à la fois de voir et d’être vu, j’ai voulu faire un film qui abordait ces aspects », déclare Bette Gordon. Née en 1955, elle a souhaité par ce film, qui est son premier long-métrage, entrer en conflit avec les mouvements appelant à l’interdiction de la pornographie aux États-Unis.

En manque d’argent pour payer son loyer, Christine, personnage principal, travaille comme caissière au Variety, un cinéma porno de New York. Elle devient peu à peu fascinée par les films projetés et ses clients. Pour Bette Gordon, le film se déroule dans le monde du voyeurisme où le rôle masculin traditionnel est inversé : « Christine devient obsédée par un client et son obsession est, en un sens, pornographique ».

Des personnages féminins à « la sexualité dangereuse et débridée » …

Dans son essai intitulé Visual Pleasure and Narrative Cinema, Laura Mulvey soutient que le plaisir de regarder au cinéma est lié à la centralité de l’image de la femme, en tant qu’objet du regard masculin, le male gaze. Mais avec Variety, Bette Gordon a souhaité faire l’inverse, en plaçant la femme comme sujet de ce regard : « En bouleversant les conventions du genre thriller, où la vulnérabilité et l’intrusion sont attendues, je tente le contraire. La femme transgresse les limites de la situation, elle est le voyeur qui observe et suit l’homme ».

En effet, ce film-concept inverse les rôles très normés en transformant l’homme « sujet regardant » en « objet regardé ». Bette Gordon avait déjà exploré cette thématique dans ses précédents courts-métrages expérimentaux et féministes comme Empty Suitcases.

Attirée par le caractère obsessionnel des films d’Hitchcock comme Vertigo, Bette Gordon écrit le personnage de Christine, une héroïne hitchcockienne blonde et froide mais qui, cette fois, n’est pas soumise aux fantasmes masculins.

New York s’est tout de suite imposé comme lieu de tournage à la cinéaste, qui voulait en faire un personnage à part entière. Elle s’est confiée en 2018 au journal Talkhouse : « En tant qu’artiste visuel et cinéaste, j’étais attiré par les dessous de New York, la ville que j’avais vue dans des films comme The Naked City ou Pickup on South Street de Sam Fuller. Non seulement pour ses rues mal éclairées, mais aussi pour ses personnages féminins qui possédaient une sexualité dangereuse et débridée ».

… et qui portent un combat féministe intergénérationnel

« L’héroïne de mon film, Christine, incarne les peurs et les fantasmes d’une génération entière de femmes en train d’accepter leur propre plaisir sexuel »

Bette Gordon

Lorsque Variety a été présenté pour la première fois en 1983, il a été au cœur d’un débat entre les femmes, dont certaines considéraient la pornographie comme un tabou et une exploitation, et d’autres qui souhaitaient explorer la pornographie autrement que par la censure, pour examiner le plaisir et le désir féminins.

Bette Gordon s’est exprimée plus récemment sur le female gaze, concept remis en lumière depuis la sortie du livre Le Regard féminin, une révolution à l’écran, d’Iris Brey en 2020.  « Je ne suis pas intéressée par ce qu’on appelle aujourd’hui “le regard féminin”, mais plutôt par la relation entre le désir et la représentation. Les questions posées par le fantasme et le plaisir féminin constituent un bon point de départ ».


Variety est diffusé en avant-première :

  • Mardi 12 octobre à 21h15 au Lumière Terreaux
  • Mercredi 13 octobre à 19h15 à l’Institut Lumière
  • Jeudi 14 octobre à 19h au Cinéma Opéra

La sortie nationale du film en version restaurée est prévue le 24 novembre 2021 et est distribuée par la société Les Films du Camélia.