La lumière est omniprésente dans Nomadland. 2020. © Searchlight Pictures

Au détour d’un plan, un panneau signalétique apparaît à l’écran, avertissant de la route sinueuse qui s’annonce. Et sinueuse, elle l’est la route, surtout celle de la vie des nomades, à laquelle le spectateur est invité à prendre part durant les une heure quarante-huit que dure le film. Mais après le virage se cache toujours  un paysage grandiose, qui vous émeut à vous couper le souffle.

Présenté en avant-première française au Festival Lumière mardi 13 octobre, Nomadland est une véritable peinture d’une Amérique bien souvent oubliée, quand ce n’est pas ignorée. C’est une introduction toute en justesse à un mode de vie en dehors de toutes conventions, avec ses propres codes et traditions. Et au centre de cette peinture se trouve, magistrale, Frances McDormand, qui incarne le personnage principal de ce road-movie 2.0.

« Sans maison mais pas sans domicile »

Fern vient d’Empire, dans le Nevada, vidée de ses habitants depuis que la mine locale a fermé. Veuve, elle écume les petits boulots la journée et dort dans son van le soir. Puis un jour, elle prend cette décision. Partir à bord de son RV sillonner l’Ouest Américain, épaulée par des compagnons de route rencontrés au cours de ses haltes. Fern est houseless mais pas homeless comme elle le précise au début du film. Sa maison, c’est son van, choix de vie qu’elle devra justifier tout au long de son épopée, refusant tout port d’attache.

Dans ses deux précédents films, Chloé Zhao s’était déjà appliquée à présenter des franges de la société américaine ayant pour caractéristique d’être en dehors des schémas traditionnels. Après s’être penchée sur les Natifs Américains, dans Les chansons que mes frères m’ont apprises (2015) et la communauté des cow-boys modernes dans The Rider (2017), voilà que la réalisatrice sino-américaine met en lumière ces Américain·es qui sillonnent le grand ouest à bord de leur van, vivant de petits boulots en petits boulots, tantôt ramasseur de betteraves, tantôt empaqueteur de colis pour Amazon.

Celles et ceux qui seraient tenté·es de dire qu’il s’agit là d’une représentation des white-trash, métaphore ultime pour illustrer la base électorale de Donald Trump, ont tort. Chloé Zhao met ici en scène, en rejetant toute essentialisation, une galerie de personnages aussi riches que complexes, où nos schémas d’Européen·es à l’égard des États-Unis ont bien du mal à trouver un quelconque écho.

Mais mis en scène, pas totalement. Car il faut savoir que la grande majorité des nomades présents dans le film le sont aussi dans la vraie vie. Et que Frances McDormand, afin de préparer son rôle, a travaillé dans une usine Amazon et dans un champ de betterave, comme son personnage. Elle a aussi dormi dans un van, comme le reste de l’équipe du film, durant le tournage qui s’est déroulé à l’automne 2018.

Une déclaration d’amour aux grands espaces

Nomadland, en plus de frapper par sa justesse narrative, le fait aussi par sa réalisation et sa photographie. Chloé Zhao filme avec poésie la nature, omniprésente dans le quotidien des nomades. Elle arrive à magnifier des pieds qui traversent un ruisseau, le tambour d’une machine à laver ou encore une pierre trouée, disposée par-dessus la caméra, pouvant rappeler à certains instants le cinéma de Terrence Malick.

La lumière est au centre de tout, que ce soit celle de l’aube ou de l’aurore. Elle vient colorer l’horizon, illuminer les épines d’un cactus ou souligner la silhouette de Frances McDormand, que Chloé Zhao filme souvent de dos, la caméra se déplaçant en arc de cercle, comme pour illustrer le mouvement perpétuel à l’œuvre chez Fern.

Auréolé à la fois du Lion d’Or à la dernière Mostra de Venise et du People’s Choice Award au Festival de Toronto, doublé qui n’avait encore jamais été réalisé, Nomadland rentre avec fracas dans la course aux Oscars. Sortie sur les écrans français prévue le 30 décembre.