Graffitis, peintures, dessins, il a choisi Lyon pour faire de sa passion son métier et faire de ses œuvres des vecteurs de son engagement. En recouvrant les murs de la ville d’animaux, le street artiste lyonnais Kalouf veut sensibiliser à la cause environnementale. Portrait.

Kalouf lors d’une exposition en 2018. Crédits : Centre Superposition.

Un gorille à la Part-Dieu, un renard à Grange Blanche, ou un poisson à la Croix-Rousse, … En vous baladant à Lyon, vous êtes déjà sûrement passés à côté d’immenses dessins d’animaux aux proportions surdimensionnées. Ces figures sont l’œuvre de Pascal Lambert alias Kalouf, un artiste de rue qui a fait des murs de la ville son terrain de jeu favori. « Kalouf c’est un surnom de l’adolescence, tout le monde m’appelle comme ça, et c’est pour ça que je l’ai gardé en tant qu’artiste » explique-t-il. Arrivé à Lyon un peu par hasard pour des raisons familiales, ce quarantenaire souriant qui manie la bombe aérosol comme personne est devenu une figure phare du street art lyonnais. 

Une passion de l’enfance

Né au Gabon en 1978, Kalouf dessine depuis qu’il est enfant. « J’ai commencé le dessin tout petit, et au fur et à mesure je me suis mis au graff » se remémore-t-il. C’est après avoir déménagé en France que ce passe-temps est devenu une vraie passion. Il raconte : « À la base on peignait la nuit entre potes, j’aimais la peinture et j’étais baigné dans la culture hip hop donc cette ambiance me convenait ». Après des soirées entre amis à dessiner « à l’arrache » comme il le dit, Kalouf a ressenti le besoin de prendre un peu plus de temps et d’améliorer sa technique. « J’ai toujours aimé chercher un peu le détail donc j’ai commencé à peindre la journée sur des terrains vagues », ajoute-t-il.

C’est au lycée qu’il se projette et lui vient l’envie d’en faire son métier. « Je voulais faire les arts appliqués mais j’étais feignant à l’école » s’amuse-t-il. Mais Kalouf persiste dans le dessin et arrive petit à petit à gagner sa vie en proposant des ateliers et en répondant à des commandes de plus en plus nombreuses. Il explique : « Quand j’ai eu beaucoup de demandes, j’ai sauté le pas et je me suis professionnalisé ». Pendant une dizaine d’années, il intervient chez des particuliers, décore des boutiques et travaille sur des chantiers de laser game. « Ces années m’ont servi à perfectionner ma technique mais à un moment j’ai ressenti le besoin de me recentrer et de développer mon côté créatif et artistique » raconte-t-il. Aujourd’hui, il fait partie du collectif Blast avec d’autres artistes de rue, et sa notoriété lui a permis de ne plus seulement répondre aux demandes mais de proposer lui-même ses propres créations.

« Dans quel monde va-t-on laisser les futures générations ? »

Quand il crée, Kalouf s’inspire de son environnement et des êtres-vivants qui l’entourent. « Les bestioles c’est un univers qui me touche beaucoup » confie-t-il. D’un père spécialiste des serpents, lui est venu une vraie passion pour les animaux. Il explique : « Je suis particulièrement fier d’une de mes dernières œuvres, le singe de la Part Dieu. J’ai choisi le gorille car il y en avait beaucoup au Gabon mais aussi car c’est un animal qui fait peur alors qu’il est pacifique et qu’il est proche de l’homme. » Il aura fallu trois semaines à l’artiste pour réaliser cet œuvre et couvrir les 2000 mètres carrés de la façade de l’ancien hôtel Novotel du boulevard Vivier-Merle. 

Au-delà d’être une source d’inspiration, dessiner les animaux est devenu pour l’artiste une façon de s’engager et de défendre la cause environnementale. « On est dans un monde où en l’espace de cinquante ans on a détruit la moitié de la planète. J’ai des enfants donc je pense à l’avenir, dans quel monde va-t-on laisser les futures générations ? » se demande-t-il. C’est en dessinant de nouvelles espèces que Kalouf met sa pierre à l’édifice et sensibilise sur le sujet de la biodiversité. « C’est aussi l’occasion d’échanger avec les gens sur les espèces que je peins et sur ce sujet qui est important pour moi » ajoute-t-il. Pour l’artiste, la rue est un vrai vecteur de lien social qui l’engage à partager et à discuter sur sa démarche. C’est ensuite sur sa page Instagram que la conversation continue et que l’artiste informe sur les espèces menacées qu’il dessine. 

La pandémie n’a pas non plus réussi à freiner son envie de création et de partage. Avec son collectif, Kalouf a pu continuer à travailler sur des dessins même pendant le confinement. « Même s’il y a des demandes qui s’annulent, j’ai encore plein de projets pour le mois de décembre et pour le début d’année », raconte-t-il souriant.