A l’occasion de la quinzième édition du Festival Lumière, la rédaction de l’Écornifleur vous propose un détour autour de la question de la restauration des films de patrimoine. Si la définition de ‘film ancien’ reste floue, leur restauration est onéreuse mais essentielle à leur en entrée dans le patrimoine audiovisuel français.
16h00. Troisième jour du Marché International du Film Classique (MIFC). A Lyon, derrière le hangar où a été tourné le tout premier film de l’histoire, dans une salle obscure, a lieu une réunion. Si elle se tient dans l’obscurité, c’est parce qu’elle relève davantage du showcase que de celle d’une société secrète. A l’appel, StudioCanal, les Films du Losange, Gaumont, Pathé et six autres de leurs concurrents répondent présent·es. Sont rassemblé·es les dix entreprises de catalogues membres du Syndicat des Cataloguistes de Films de Patrimoine (SCFP).
« On cherche de l’argent partout »
Tour à tour, les dix membres du syndicat prennent la parole. Ielles présentent leur « boucle » : un montage vidéo retraçant l’ensemble des œuvres qu’ielles possèdent et ont restauré. C’est l’occasion pour ces professionnel·les du cinéma de présenter les films restaurés au cours de l’année écoulée. Frôlant la lourdeur, la même blague revient. « Encore une fois, ce film a été restauré avec la participation du CNC ». Pierre Olivier, directeur marketing de TF1 s’amuse : « je vais le dire car des représentants du CNC sont là … ce film a été restauré avec le soutien du CNC ».
Toustes ironisent sur le soutien du Centre National du Cinéma (CNC) à leur activité. Pourquoi ? Car « on cherche de l’argent partout » explique Sabrina Joutard, présidente du SCFP. Restaurer et conserver un film coûte cher. En fonction du film, il faudra débourser plusieurs dizaines de milliers d’euros voire dans certains cas, plusieurs millions. En moyenne, le CNC estime que la restauration d’un long métrage de 90 minutes coûte entre 70 000 à 90 000 euros, « tout dépend de la longueur et de l’état du matériel ».
Ces montants se justifient par un processus de rénovation long et requérant les compétences de technicien·es ultraspécialisé·es. A la genèse du travail des laboratoires : un travail d’inventaire des copies, des négatifs, du dossier de production, du journal de tournage. Ensuite, la pellicule devra être remise en état. Dans le viseur des technicien·nes : déchirures, perforations, moisissures et poussières. Pour les films enregistrés sur format numérique, leur restauration passe par… la pellicule. En effet, le support numérique est bien plus fragile. La durée de vie d’un disque dur est d’environ 5 ans contre 100 ans pour une pellicule nitrate. De plus, Le CNC exige dorénavant que tout film numérique dispose d’une copie argentique car la conservation de cette dernière est moins coûteuse. Pourtant, la création de la copie sur pellicule est une opération qui elle aussi est très onéreuse.
Pour financer l’ensemble de ces travaux de rénovation, les ayants-droits des films de patrimoine peuvent solliciter l’aide du CNC. Après acceptation du CNC, ces derniers peuvent espérer solliciter jusqu’à 70% du prix de la rénovation.
« Un film qui n’est pas exposé tombe dans l’oubli »
Pour les professionnel·les du secteur, la rénovation et la conservation de films anciens ne constituent pas nécessairement une fin en soi. Sabrina Joutard, présidente du SCFP estime que les cataloguistes « ne restaurent pas des films pour les mettre sur des rayonnages mais bien pour les diffuser ». De nombreux membres du Syndicat des Cataloguistes de Films de Patrimoine (SCFP) s’accordent à dire que la diffusion d’un film – en salles ou en plateforme – est essentielle pour faire vivre un film. Pour certain·es, il s’agit même d’un prérequis pour faire entrer ces derniers dans la mémoire collective et le patrimoine cinématographique. « Un film sur une étagère est un film qui n’existe pas » déclare Régine Vial, directrice de la distribution pour Les Films du Losange,. Jérôme Soulet, directeur du catalogue chez Gaumont s’aligne, pour lui, rénover des films classiques et les diffuser sont l’essence même du métier de cataloguiste. Il explique : « un film qui n’est pas exposé ou qui n’est pas accessible au grand public est un film qui tombe dans l’oubli. Avec lui, tombe dans l’oubli tout le travail des personnes qui ont participé à la création du film ».