« Faites du bruit ! » (2/6). Crier, chuchoter, performer, scander, chanter : rencontre avec celles et ceux qui partagent la hantise du silence. Depuis cinq ans, Pierre Salzmann-Crochet met le feu à la LDLC Arena. Appel de Tony Parker, vision du basket français et tout premiers cris, le « speaker fou » de l’ASVEL et des JO de Paris s’est confié à L’Écornifleur au téléphone.

Pierre Salzmann-Crochet qui ambiance les supporters du CBC Caen. © Damien Deslandes

« J’ai mal au mic, c’est la seule tristesse que j’ressens. » Avant chaque match, le speaker de l’ASVEL Pierre Salzmann-Crochet débite du Oxmo Puccino, son rappeur préféré. Une routine d’échauffement qui ne va pas sans sa dose de stress. « Bizarrement, ce sont les matchs où je suis le plus stressé qui se passent le mieux », glisse-t-il.

Son aventure à Villeurbanne commence par une sonnerie de téléphone, indicatif états-unien. « C’est une pub », pense-t-il. Au bout du fil, Pierre Salzmann-Crochet reconnaît la voix de Tony Parker, président de l’ASVEL qui l’avait repéré deux semaines plus tôt alors qu’il animait un match à Mondeville, près de Caen. Il rejoint le club en 2019.

Pas question pour autant de quitter la Normandie natale. Pour continuer de faire résonner sa voix dans les tribunes de l’USO Mondeville et du CBC Caen, l’ambianceur fait désormais des allers-retours entre Lyon et Caen au rythme du calendrier des compétitions. C’est d’ailleurs tout près, à Hérouville, qu’il prend le micro pour la première fois en 2013 à l’occasion de Quartier Ouest, un tournoi de street basket international.

« Big Salz Daddy » en cadet

Dernier défi relevé, les JO de Paris. « Même si on ne pouvait pas courir autour du terrain comme en club, on pouvait quand même mettre un bon enthousiasme », dit-il, ravi d’avoir pu enflammer l’Accord Hôtel Arena pour le quart de finale France-Canada, l’un des matchs marquants de la compétition. Prochaine étape, traverser l’Atlantique pour devenir speaker en NBA ? Il ne l’exclut pas. « Il y a dix ans, si on m’avait dit que j’allais être speaker en Euroleague, je n’y aurais pas cru. »

Pourtant, donner de la voix, il s’y attèle depuis le berceau. À la maternité, sa mère lui raconte qu’un jour, alors qu’elle entend des pleurs provenant de la nurserie, elle demande au personnel : « C’est le mien ? ». « Non, il n’hurle pas assez fort ! », auraient répliqué les sages-femmes qui l’appelaient Pavarotti. Aujourd’hui, dans le milieu, c’est le « speaker fou ».  Une appellation gagnée à Mondeville, suite à une réaction mythique qu’il a eue après un tir victorieux à 0,9 dixième de seconde de la fin de la rencontre. Mais son premier surnom, plus personnel, a été attribué par son coach alors qu’il jouait en cadet. « Big Salz Daddy ». Un dérivé de « Big Shaq Daddy », celui de Shaquille O’Neal, icône des Lakers de Los Angeles, sa franchise favorite.

Car avant le micro, il y avait le ballon. Bien que sa grande taille (2m08) lui ait causé des problèmes de malformations le contraignant à une pratique saccadée, « ça fait six ou sept ans que je ne me suis pas blessé », lâche-t-il. Il évolue au Caen Nord Basket. C’est d’ailleurs sur les terrains qu’il se forge sa réputation de grande bouche. « Je ne suis pas le dernier à chambrer », admet-il. « Quand je fais un contre, ça m’arrive souvent de secouer le doigt en faisant “non non non”. » Une référence à Dikembe Mutombo, grand défenseur de l’histoire du basket. « Mais attention, toujours dans la gentillesse ! »

Des sons personnalisés pour les athlètes

Sa bonne énergie lui permet d’entretenir de très bonnes relations avec des joueur·euse·s. « À l’ASVEL, des Charles Kahudi, Joffrey Lauvergne ou Marine Johannès, sont des personnes absolument adorables. Plus tu restes avec eux, plus tu crées du lien. »

« La beauté du métier c’est de mettre les autres en valeur », insiste-t-il. Pour promouvoir leur talent, il va jusqu’à diffuser, pendant les matchs, des sons personnalisés en fonction des athlètes. C’est le cas pour Mounir Bernaoui, capitaine du CBC Caen et surnommé « Le diable ». « Quand il marque un panier, je lance les rires de diables de Thriller de Michael Jackson ». Une sympathie que les fans lui renvoient bien : « Lorsqu’on me demande des photos, ça me fait très plaisir mais j’ai envie de leur dire : “je ne suis pas joueur !” »

 

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Un jour, le CBC de Caen a posté sur Instagram une vidéo montrant Pierre Salzmann-Crochet en train de chauffer la salle, avec un sous-titre : « Non, on n’est pas aux États-Unis… bienvenue à Caen ! » Parmi une majorité de commentaires très positifs : « Haa mister Pierre. Quand je disais qu’il n’y a pas meilleur [speaker] en France ! », certains « haters » ont toutefois critiqué une atmosphère jugée « complètement pompée sur un College [américain] ».

S’il assume cette ambiance outre-Atlantique : « Qu’il y ait un côté américain, c’est bien ! Le basket est l’un des sports qui se prête le plus au show », il rejette néanmoins l’idée que ce spectacle devienne la norme dans tous les clubs de France. « Entre les fanfares du Nord, les bandas du Sud-Ouest ou le côté Europe de l’Est comme à Limoges, c’est la diversité des ambiances qui fait la beauté du basket français ! », s’exalte-t-il.

D’ailleurs, ses moments préférés, c’est quand il arrête de parler. « Quand il n’y a même pas besoin de mettre de musique et que la salle est en feu, on savoure. » Et d’ajouter : « La bombonne de gaz, c’est le public. Nous, on n’est qu’une étincelle. »