À la rencontre des Français (1/10) : À moins d’un mois de l’élection présidentielle 2022, les dix journalistes de la rédaction de l’Écornifleur sont partis en reportage à la rencontre des Français pour sonder leurs attentes : entre espoirs et désillusions.

Presque cinq ans après la phrase polémique* du président de la République, l’Écornifleur est allé à la rencontre des « gens » que l’on croise à la gare de Lyon Part-Dieu un samedi de fin janvier.

Les entrées et sorties sont délimitées par des rues-balises à l’entrée de la gare Part-Dieu à Lyon, samedi 29 janvier 2022. © Arthur Dumas

11h30, gare de Lyon Part-Dieu, une foule en mouvement remplit l’entrée, c’est le chassé-croisé des départs et des arrivées, délimité par deux files de circulation marquées par les rues-balises. Tandis que les uns ont le pas pressé et les yeux rivés sur les écrans d’affichage, les autres sont plus tranquilles. À intervalles réguliers, le flux de personnes sortant de la gare s’intensifie, un train est arrivé. On croise aussi bien la famille surchargée qui rentre de vacances, un étudiant qui rentre chez ses parents pour le week-end ou les passants qui se rendent au centre commercial en face.

Des étudiantes inquiètes, une retraitée déterminée et un couple abstentionniste

Aux abords de cette foule en mouvement, quelques personnes se détachent sur le côté pour fumer une cigarette ou faire une pause. C’est le cas de Marie et Lara, deux jeunes filles qui attendent leur amie. Elles ont toutes les deux 23 ans et expliquent être des habituées des voyages en train. Surtout Marie, qui effectue le trajet Marseille-Metz tous les week-ends pour son alternance. « Heureusement que j’ai l’abonnement jeune, ça me fait faire des économies », explique-t-elle. Les deux amies sont d’accord, le coût du transport est un vrai problème. Même pour Lara, qui voyage surtout pour partir en week-end : « j’ai hâte que ce soit ouvert à la concurrence, ce sera plus compétitif ». En cette année d’élection, elles pensent que le sujet de la mobilité n’est pas assez abordé alors qu’il est important, surtout pour les jeunes. Au cours de la discussion, une file de militants antivax vêtus de blouses blanches tâchées de sang défile en silence. Leurs pancartes sur les « victimes » du vaccin provoquent quelques rires mais laissent globalement la foule dans l’indifférence. Leur amie arrive enfin pendant qu’elles expliquent être particulièrement sensibles au sujet de l’écologie. « On sait qu’on est tous dans la merde », lâche Marie d’un ton pessimiste.

Plus loin, dans l’enceinte de la gare, le bruit des valises laisse place au brouhaha des voyageurs en attente. Entre deux distributeurs automatiques, Madame Varil attend que son fils vienne la chercher. À 77 ans, cette retraitée prend souvent le train de Paris à Lyon, pour rendre visite à sa famille. Elle aussi, s’accorde à dire que le coût du transport est un frein pour certains voyageurs. Et l’ouverture à la concurrence n’est pas forcément la solution : « les Italiens ne vont pas aller sur les petites lignes ! », s’exclame-t-elle. Elle qui explique toujours voter peu importe l’élection, qualifie la campagne électorale de « cacophonie pas possible ». Cela n’en n’ébranle pas moins ses convictions : « autant de tours qu’il y aura j’irai ! », s’amuse-t-elle.

Devant les écrans d’affichages, de petits attroupements se forment et se dispersent au fur et à mesure que les voies des départs s’affichent. Derrière, les sièges de l’espace d’attente sont pleins à craquer. Gerlone et Loïc sont fatigués, le couple est parti très tôt ce matin de Rennes pour partir en vacances au ski. Les deux quadragénaires expliquent avoir choisi le train pour le côté pratique et moins fatiguant que le trajet en voiture. « La SNCF, ça n’a jamais été accessible », affirme Gerlone à propos du coût des transports. Lorsque l’on aborde le sujet de la présidentielle, tous deux rigolent, ils n’en attendent rien. « Je ne vote pas pour des enfants », dit-elle à propos des candidats avant que son compagnon ne renchérisse : « Il n’y en a pas un qui me donne envie de voter ».

*« Une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. ». Emmanuel Macron a prononcé cette phrase en juin 2017 lors du lancement d’un campus de start-up à Paris. A peine élu, le Président de la République ouvrait déjà la série de ses petites phrases controversées que les médias nommèrent par la suite Macronades.

Et pour la présidentielle 2022 ?

Pour Marie et Lara, l’écologie doit être le thème central de la campagne et n’est pour l’instant pas assez abordée. Elles iront toutes les deux voter en 2022, Lara revotera pour Emmanuel Macron mais Marie hésite encore.

Madame Varil ira voter en 2022, comme elle l’a toujours fait. Elle trouve que l’immigration prend trop de place dans le débat et ne sait pas encore pour qui voter.

Gerlone et Loïc n’iront pas voter en 2022. Ils attendent des candidats qui arrêtent de multiplier les promesses irréalisables.