A la rencontre des Français (2/10) : À moins d’un mois de l’élection présidentielle 2022, les dix journalistes de la rédaction de l’Écornifleur sont partis en reportage à la rencontre des Français pour sonder leurs attentes : entre espoirs et désillusions.
Pour favoriser l’engagement des jeunes des quartiers populaires, les bénévoles de l’association Cité des Chances organisent des simulations parlementaires dans des lycées d’Ile-de-France. Reportage dans un de ces établissements en Seine-et-Marne.

Ce n’est pas un cours de SES ordinaire qui débute ce mardi 25 janvier, dans cette classe du lycée Samuel de Champlain à Chennevières-sur-Marne, au sud-est de Paris. L’association Cité des Chances est venue à la rencontre d’élèves pour les faire participer à une simulation parlementaire. « On est là parce qu’on pense que ce n’est pas le lieu d’habitation, l’origine, l’orientation sexuelle ou tout autre critère qui doit déterminer si on a le droit de s’investir dans la vie publique », explique, en préambule, Anissa, l’une des bénévoles.
Créée il y a quatre ans, Cité des Chances intervient dans des établissements scolaires d’Ile de France pour promouvoir « l’engagement citoyen des jeunes de banlieue ». Lauren, l’une des cofondatrices de l’association en est convaincue, c’est en permettant aux jeunes, dès le collège, à appréhender concrètement le fonctionnement des institutions politiques que les choses pourront évoluer.
Durant quatre semaines, les élèves de deux classes du lycée Champlain devront donc débattre comme le feraient des députés autour d’un projet de loi. En cette année électorale le sujet choisi résonne particulièrement : « Le vote devrait-il être obligatoire ? ». Les lycéens répartis en groupe vont devoir proposer des amendements pour faire triompher leur point de vue lors du débat organisé à la dernière séance. Après un point théorique sur la définition des termes propres à l’Assemblée nationale ainsi que son organisation, c’est aux élèves de jouer.
Faire en apprenant
Dans une joyeuse cohue de mouvements de chaises et de bavardages enthousiastes, une vie politique en miniature se crée dans la salle de classe. Et les rôles sont soigneusement répartis. D’un côté, les députés de la majorité qui défendent le projet loi et de l’autre, l’opposition qui doit tout faire pour le neutraliser.
Layana, 16 ans, a, elle, choisi de faire partie de l’équipe des journalistes chargés d’informer les élèves de l’autre classe de l’avancée des débats. Avec ses camarades, une décision a été prise : soutenir le texte. Un choix symbolisé par le nom de leur média fictif : Le Go-Loi. « Il y a des gens qui sont élus alors qu’ils n’ont pas beaucoup de voix, c’est un genre de despotisme », avance-t-elle.
Les bénévoles passent d’un groupe à l’autre pour préciser des termes juridiques incompris ou souffler quelques idées. « Si le jour du vote, vous voyez qu’un des amendements déposés n’est pas conforme, vous déclenchez l’article 41 de la Constitution et là ça va gueuler. », glisse par exemple Anissa à la table de la Commission des lois, qui fixe les règles du débat. Pendant deux heures, les élèves échangent, affinent leurs arguments et élaborent des stratégies. Le format de l’exercice se veut ludique et accessible au plus grand nombre.
Rompre avec l’élitisme
Les intervenantes ont en commun d’avoir été, à un moment de leur scolarité, confrontée à l’inégal accès à l’information qui joue en la défaveur des jeunes issus de quartiers populaires. Anissa, étudiante en Sciences Politiques à la Sorbonne, a rejoint l’association il y a deux ans environ. Originaire de Marseille, elle raconte avoir été frappée lors de son arrivée à Paris, par l’élitisme de la plupart des associations étudiantes en lien avec la politique. En étant bénévole pour Cité des Chances, elle espère donner des clés de compréhension à des jeunes qui, comme elle, provenaient de milieux modestes et peu politisés.
Lauren qui a cofondé l’association en 2018, décrit un cheminement similaire. En 2014, à la suite d’un accident, elle quitte la commune de banlieue parisienne où elle habitait pour être hospitalisée et scolarisée dans le 16e arrondissement de la capitale. Là, elle découvre un environnement social beaucoup plus aisé, où les autres élèves possèdent une culture politique qui lui est alors étrangère : « Je ne connaissais rien, (et) eux ils avaient visité l’Assemblée nationale, le Sénat… ». Naît alors l’envie de « faire quelque chose », pour parler de la politique autrement et peut-être susciter des vocations.
Partage d’expérience sur le parcours scolaire, visites d’institutions, initiation à l’éloquence et bien sûr simulations parlementaires, les projets essaiment dans plusieurs départements d’Ile-de France. Et en vue de la présidentielle alors que la présidente de la région Ile-de-France et candidate LR Valérie Pécresse indique qu’elle souhaite « ressortir le Kärcher de la cave pour nettoyer les quartiers », un ensemble de débats sera organisé pour donner la parole aux habitants. Baptisé #LaCitéaVoté, ces discussions donneront lieu à l’enregistrement d’un podcast qui sera envoyé à l’ensemble des candidats. L’occasion de lutter contre le sentiment d’illégitimité que connaissent une partie des jeunes, tout en les informant sur les enjeux de l’élection.
Âgés de moins 18 ans, les élèves du lycée Champlain ne voteront pas en avril prochain mais cela ne les a pas empêchés de se prendre au jeu de la simulation. Une réussite pour les bénévoles, qui espèrent que cet intérêt pour la politique se poursuivra au-delà des murs de la classe.
Et pour la présidentielle 2022 ? Les élèves de cette classe de Première du Lycée Champlain en Seine-et-Marne ne seront pas en âge de voter lors de l’élection présidentielle. |