La 3D débarque chez Ghibli avec Aya et la sorcière. © Studios Ghibli

Dire que l’on attendait avec impatience la projection d’Aya et la sorcière serait un euphémisme. Six ans après Souvenirs de Marnie, franche réussite explorant la psyché d’une enfant solitaire, les studios Ghibli, producteurs de chefs-d’œuvre d’animation comme Le Voyage de Chihiro ou Mon Voisin Totoro, reviennent avec un film réalisé par Goro Miyazaki, fils du fondateur du studio, M. Hayao Miyazaki himself, véritable légende vivante au Japon.

Un univers trop léché, où rien ne transparait

Le film suit les aventures d’Aya, héroïne aux couettes en forme de pointe, abandonnée par sa mère à la naissance. Recueillie dans un pensionnat situé dans la campagne anglaise, elle est adoptée un beau jour par un étrange couple de sorciers, la mère aussi détestable que l’est le père. La jeune fille, au caractère bien trempé, devra donc apprendre à survivre dans cet environnement hostile, accompagnée de Thomas, le chat – noir, film de sorciers oblige – de la demeure.

Mais une fois l’engouement passé de revoir sur grand écran s’afficher dès les premières secondes le logo turquoise du studio, l’excitation retombe bien bas. De par les graphismes du film d’abord. Il est vrai que l’annonce faite il y a quelques mois, promettant un film en 3D (voir encadré), c’est-à-dire créé sur ordinateur avec des images de synthèse, en avait laissé pantois plus d’un·e. 20 ans après Pixar, le studio japonais allait-il réussir à emboîter le pas à cette technologie, qu’Hayao Miyazaki lui-même avait qualifiée il y a quelques années « d’insulte à la vie elle-même » ?

Aya et la sorcière apparaît ici comme un échec. L’animation ressemble plus à un mauvais dessin animé Nickelodeon qu’à un grand film d’animation. Et là où les génies californiens de Pixar arrivent à faire oublier les images de synthèse, pour plonger pleinement le spectateur dans l’histoire, Goro Miyazaki lui reste en surface, et propose un univers trop léché, où rien ne transparait.

Il faut dire que l’héritage des premiers Ghibli ne facilitait pas la tâche au réalisateur. Comment oublier les paysages somptueux du Château Ambulant, ou le travail remarquable autour de la nature dans Princesse Mononoké,  tous dessinés à la main par Hayao Miyazaki ? Il faut se rendre à la conclusion suivante : si Ghibli veut arriver un jour à proposer aux spectateurs un film comparable à ses premiers, mais en 3D cette fois, la tâche reste immense.

Un scénario inexistant  

Une fois la déception visuelle passée, arrive la déception narrative. Car le scénario d’Aya et la sorcière est bien ennuyant, quand il n’est pas mauvais. L’histoire est plate, sans aucune intrigue. Aya passe le balai dans la remise, Aya fait passer des vers de terre dans un mur, Aya rate son pain « frit » … Où sont passées les grandes fresques  narratives auxquelles nous avait habitués Ghibli, comme dans Le Château dans le Ciel ? Aya et la Sorcière  aurait d’ailleurs pu faire un excellent film d’apprentissage, à l’image de Kiki la petite sorcière, mais les personnages ne sont pas assez creusés, pas assez complexes. Le seul point scénaristique à peu près intriguant réside dans les incursions présentant un ancien groupe de rock, composé des parents adoptifs d’Aya et d’une mystérieuse sorcière rousse, malheureusement très peu exploitée.

Le scénario était pourtant basé sur un roman de Diana Wynne Jones, qui avait inspiré au père de Goro, Hayao, son Château Ambulant. Mais il faut croire que le fils n’a pas les talents du père, ou qu’il s’est trop concentré ici sur l’animation 3D, délaissant la narration. Ses précédentes réalisations, La collines aux coquelicots et Les contes de Terremer, en 2D eux, étaient bien plus intéressants d’un point de vue narratif.

On attend donc avec fébrilité le prochain film de Miyazaki père, Comment vivez-vous ?. Prévu pour 2022 au plus tard, déjà annoncé comme une grande fresque sur la vie d’un jeune homme, il sera lui réalisé en 2D. Ouf.

La 3D débarque chez Ghibli

Le mythique studio d’animation japonais n’avait encore jamais sauté le pas. C’est chose faite avec Aya et la Sorcière, qui devient le premier film réalisé en 3D produit par Ghibli. Goro Miyazaki, le fils du mythique fondateur du studio, qui a réalisé le long-métrage, est revenu lors d’une conférence de presse sur cette nouveauté. « J’étais le seul parmi les techniciens de Ghibli à connaître cette méthode de création, j’ai donc pu pousser le projet sans consulter qui que ce soit, […] c’est-à-dire aucun des anciens », à comprendre son père, qui reste incontournable chez Ghibli.

Cela marque-t-il le début d’une nouvelle ère pour le studio japonais ? Rien n’est moins sûr. Car ce long-métrage est un téléfilm au Japon, non destiné au grand écran, pouvant expliquer cette liberté prise. Qui plus est, le prochain film d’Hayao Miyazaki, Comment vivez-vous ?, et dont la date de sortie n’est pas encore connue, restera bien dans les habitudes de travail de Ghibli, puisque dessiné entièrement en 2D, sous la main du maître. Le studio japonais entend donc continuer à cultiver la différence avec des géants comme Disney-Pixar, qui a lui embrassé la 3D dès 1999 avec Toy Story.