Du 15 au 18 octobre, le Festival Lumière accueillait la 7e édition du Marché international du film classique. Objectif affiché : faire du business autour du cinéma classique. Un marché peu connu du grand public, qui n’est d’ailleurs pas convié. L’Écornifleur est allé y faire un tour pour comprendre de quoi il retourne.

L’entrée se trouve derrière le jardin de la Villa Lumière. Sous des chapiteaux blancs estampillés MIFC (pour Marché international du film classique), on parle cinéma, on négocie, on achète et on vend. Producteurs, éditeurs, distributeurs ou encore sociétés de restauration de films sont venus de tous les coins de la planète pour quatre jours d’échanges et d’affaires autour du cinéma classique, dans cet événement unique au monde.

Un catalogue vieux comme le cinéma

Au MIFC, les représentants de différentes sociétés échangent et développent leur relationnel.
© Lea Guigou

En plus de leur catalogue de films actuels, toutes les maisons de production possèdent un catalogue classique réunissant les films produits par l’entreprise et déjà diffusés en salles précédemment. De toutes les maisons de production du monde, Gaumont est la plus ancienne, elle possède donc le catalogue classique le plus fourni : « nous sommes nés en 1895, l’année de la création du cinéma ! » précise fièrement leur représentante au stand qu’elle tient au MIFC, décoré d’affiches de Luc Besson, Jean-Pierre Melville et Maurice Pialat. Les films du catalogue classique sont destinés à être soit édités ou distribués en salles en France, auquel cas ces activités sont gérées par le groupe lui-même, soit vendus à qui est intéressé à l’international : distributeurs, éditeurs ou organisateurs de projections ponctuelles. Mais ça coûte combien, un film classique ? « Entre 2 500 et 40 000 euros » pour le catalogue Gaumont. Un panel large qui s’explique par l’attrait très variable que génèrent les films en fonction de leur casting ou de leur dimension culte. Mais cela dépend avant tout des régions du monde.

La géopolitique du cinéma classique

Le MIFC accueille beaucoup de sociétés étrangères :
ici le Russe MosFilm et le Japonais Shochiku. © Lea Guigou

Evénement international, le MIFC réunit des organismes de cinéma polonais, japonais, tchèques et bien d’autres venus développer leur relationnel auprès de leurs homologues étrangers. Au-delà de l’aspect économique, l’enjeu est aussi géopolitique. Par exemple, « Gérard Depardieu a pris fait et cause pour la Russie dans l’actuelle guerre entre la Russie et l’Ukraine, explique la resprésentante de Gaumont. Du coup, quand je rencontre les chaînes ukrainiennes, ils me disent ‘Depardieu est blacklisté, on n’achètera aucun film où il apparaît’. En revanche, en Allemagne et en Europe de l’Est, ils adorent Belmondo, Pierre Richard… C’est lié à l’histoire, par exemple pendant la Guerre froide, les pays du bloc soviétique ne voulaient pas de films américains, ils n’avaient accès qu’aux films français. Donc pour eux, Louis de Funès, c’est une star. » Quant aux Américains, ils sont plus sensibles aux films français lorsque les acteurs ont eu une carrière internationale ou qu’ils ont été tournés en anglais, comme Léon de Luc Besson. Logique pour un pays qui se refuse à réaliser des doublages. « C’est un beau métier que le nôtre, sourit la représentante de Gaumont ; on a l’impression de faire connaître la culture française à travers le monde ». Et la France brille en la matière, puisqu’elle se place deuxième en matière d’exportation de films, juste derrière les États-Unis.

La restauration : une nouvelle jeunesse pour les vieux films

Le cinéma classique souffre d’une image et d’un son souvent abîmés, fastidieux pour un public de plus en plus habitué à une très bonne qualité filmique. Pour surmonter cet obstacle, la clef réside dans la restauration. C’est là le cœur de métier de L’Image retrouvée, un laboratoire situé à Bologne et à Paris. « La restauration des films permet de les diffuser encore », résume leur hôtesse. Elle permet également de créer l’événement et de générer un regain d’intérêt pour le film. Car un film classique ne se distribue pas comme le nouveau Marvel : il s’agit de saisir les bonnes occasions pour une ressortie (anniversaire, lien avec l’actualité…) La restauration offre une plus-value qui peut également jouer ce rôle. « Il y a une quinzaine d’années, la HD suffisait, continue notre interlocutrice. Aujourd’hui, on compte sur la 4K et la 6K pour préserver l’image pour le futur ».

L’équipe ayant restauré Apocalypse Now montre fièrement l’avant/après du film lors d’une conférence. © Lea Guigou

La 4K : les professionnels présents n’ont que ce mot à la bouche. Il s’agit en fait d’une très haute définition d’image permettant une netteté et une précision extrêmes même sur grand écran. L’événement au MIFC ce jour-là, c’est justement la toute nouvelle restauration 4K d’Apocalypse Now, le chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola, réalisée grâce aux technologies les plus avancées du moment. Dans la salle de conférence pleine à craquer, l’équipe internationale ayant travaillé sur cette restauration revient sur l’épopée ayant permis de retrouver le meilleur matériel disponible du film, visuel comme sonore ; une recherche internationale qui a coûté 300 000 dollars. La représentante de Gaumont s’enthousiasme : « La restauration d’un film peut être une vraie histoire de détective et se dérouler sur des décennies, à la recherche du meilleur matériel disponible. C’est tout une aventure ! »

Lea Guigou