En juin 2024, la dissolution du groupe identitaire Les Remparts s’est accompagnée de la fermeture de leurs locaux, situés dans le quartier historique de la ville. Bien qu’en apparence, le Vieux Lyon semble avoir retrouvé son calme, les militants d’extrême droite poursuivent leurs activités. 

Située en plein cœur du Vieux Lyon, la montée du Change a été le quartier général de plusieurs groupuscules d’extrême droite pendant treize ans.

En cette fin d’après-midi, tandis que les passants sont de plus en plus nombreux à déambuler dans les ruelles du Vieux Lyon, la montée du Change, attenante à la petite place éponyme, demeure entièrement déserte. La porte métallique bleue, anciennement surmontée de l’enseigne La Traboule – un bar associatif fréquenté par les groupes d’extrême droite – est close. Quelques mètres plus bas, la porte d’entrée de ce qui fut jadis la salle de sport des identitaires lyonnais, l’Agogé, affiche le même silence.

Depuis les dissolutions du 26 juin dernier, prises sur proposition de Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, le quartier semble avoir retrouvé son calme. Le groupe identitaire Les Remparts, ainsi que les associations La Traboule et Top Sport Rhône, propriétaires du bar et de la salle de sport, n’ont plus d’existence officielle. Comme en témoigne Ludovic*, l’un des habitants de la montée du Change : « Il n’y a plus d’activité, plus d’attroupements. Il m’est arrivé quelques fois d’entendre la porte claquer, sinon rien. »  Éric Pellaton, directeur de la MJC Vieux Lyon, confirme : « Depuis, je n’ai rien vu de particulier. J’ai plutôt l’impression que le quartier vit sereinement. »

« Leur présence avait créé une insécurité »

Un soulagement pour tous ceux qui, durant des années, ont souffert des activités et des agressions violentes perpétrées par ces groupes, installés dans les environs depuis 2010. « Après avoir quitté le Vieux Lyon, la première chose qu’ils ont faite a été de profaner les plaques de la rue Juiverie. Pendant plus de dix ans, ils ont mené plein d’actions comme ça », rapporte Philippe Carry, « l’horloger de Saint-Paul », dont la vitrine de l’atelier avait été attaquée à coups de marteau par des militants d’ultradroite en 2017. « Leur présence avait créé une insécurité dans l’esprit des gens. Même si leurs apparitions étaient rares, on avait le sentiment de pouvoir être agressé dans le quartier », poursuit Éric Pellaton. En novembre 2023, c’est la Maison des Passages qui avait été prise pour cible lors d’une conférence sur la Palestine : l’assaut, orchestré par une cinquantaine de membres de l’extrême droite radicale, avait fait plusieurs blessés.

Face à ces attaques répétées, le Conseil des ministres avait déjà ordonné à plusieurs reprises la dissolution de groupuscules lyonnais : le Bastion social en 2019, et Génération identitaire en 2021, pour les plus récentes. Cela n’avait pourtant pas entraîné la perte de leurs locaux : « Comme c’étaient Top Sport Rhône et La Traboule qui avaient signé les baux, et que ces associations n’étaient jusqu’alors pas concernées par les dissolutions, ils avaient pu conserver le bar et la salle de sport », explique Éric Declais, membre du collectif lyonnais Fermons les Locaux Fascistes. Aujourd’hui, alors que le recours des associations contre ces dissolutions a été rejeté, les fermetures peuvent être considérées comme définitives, confirme l’ex-député Renaissance, Thomas Rudigoz. De quoi espérer que le quartier du Vieux Lyon soit enfin débarrassé de l’extrême droite ?

Des militants d’ultradroite toujours actifs dans le quartier

« Ce n’est pas parce qu’ils n’ont plus de locaux qu’ils ont arrêté d’agir, avance Philippe Carry. À chaque fait divers, ils sont là pour attiser les haines. » Sur le compte Instagram de Lyon Populaire, le groupe nationaliste-révolutionnaire ayant succédé au Bastion social, différentes publications attestent de l’activité persistante des militants d’extrême droite dans le quartier. En septembre 2024, en réaction au meurtre de Philippine Le Noir de Carlan, on les voit ainsi déambuler en cortège dans les rues du centre historique de la ville, brandissant des banderoles sur lesquelles on peut lire : « L’immigration tue ». Des stickers du collectif identitaire Argos, collés récemment selon Ludovic, constituent d’autres preuves du maintien de leur présence dans le Vieux Lyon.

Capture d’écran d’une vidéo postée sur les réseaux sociaux de Lyon Populaire le 1er octobre 2024. © Lyon Populaire.

« La différence, c’est que maintenant qu’ils sont dans la nature, ils sont plus difficiles à appréhender. Ce sont des électrons libres, capables de se réunir sans avoir leurs propres locaux », reprend l’horloger de Saint-Paul. Selon Éric Declais, les groupuscules d’extrême droite auraient désormais investi la Presqu’île. Ainsi en témoigne l’agression d’une jeune femme, en octobre dernier, violemment frappée place Carnot (2e arrondissement) pour avoir porté une casquette d’un club de football antifasciste, d’après les informations de Rue89Lyon. Le militantisme d’extrême droite serait d’ailleurs bien implanté parmi les clubs de supporters de l’Olympique Lyonnais : selon Mediapart, la South Side Lyon, formée en août 2024, compterait plusieurs membres condamnés pour violences racistes et affichant une proximité avec l’idéologie nazie.

Une victoire symbolique pour le Vieux Lyon

L’Action française, organisation politique royaliste et nationaliste, a, elle aussi, établi son quartier général du côté de Perrache.  « Chaque semaine, ils proposent des formations. Ça fonctionne par bouche-à-oreille, contrairement à La Traboule où les militants cherchaient à attirer du monde. Cette branche catholique traditionnaliste est plus discrète », précise Éric Declais, dont le collectif milite depuis trois ans pour la fermeture du local. « L’intérêt des dissolutions, au-delà de les empêcher de mener des actions, est de montrer qu’ils ne sont pas fréquentables. Ça leur donne une mauvaise image et ils ont moins de chances d’attirer de nouvelles recrues. »

Dans le Vieux Lyon, quelques jours avant l’annonce des dissolutions, des associations et structures locales avaient également publié un manifeste afin de réaffirmer « le caractère humaniste, hospitalier et progressiste » du cœur historique de la ville.  Après treize années de lutte contre l’implantation des groupes d’extrême droite, les fermetures de l’Agogé et de La Traboule marquent donc un tournant symbolique pour l’identité patrimoniale du quartier. Une victoire dont l’horloger de Saint-Paul se félicite : « Désormais, ils ne pourront plus revendiquer le Vieux Lyon comme étant leur fief, le quartier de leurs racines. »

Lancée le 21 juin 2024, la pétition “Manifeste du Vieux Lyon d’aujourd’hui pour demain” a recueilli plus de trois cents signatures. © Manifeste du Vieux Lyon.

Contacté, le groupe Lyon Populaire n’a pas répondu à nos questions.

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