Suite à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne ce lundi 23 janvier 2023, mettant fin au régime dérogatoire qui dure depuis deux ans, les agriculteurs Picards ne pourront plus utiliser de néonicotinoïdes pour traiter leurs betteraves.
La Cour de Justice de l’Union Européenne réaffirme l’interdiction des néonicotinoïdes pour les cultures de betteraves sucrières. Le 23 janvier, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a annoncé qu’il n’y aurait plus de dérogations pour l’utilisation des néonicotinoïdes, un insecticide et pesticide puissant interdit depuis 2016.
Cette décision était redoutée par les agriculteurs Picards. « Je ne m’attendais pas à cette décision, c’est une très mauvaise nouvelle pour les producteurs de betteraves », confie Vincent, producteur de betteraves sucrières dans la Somme. « Ici, on produit surtout des betteraves, ça représente beaucoup d’emplois », poursuit-il. Avec plus de 10 000 exploitations, la Picardie est la principale région productrice de betteraves en France et en Europe selon la Chambre de Commerce et d’Industrie Amiens-Picardie.
Pour Frank Santer, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves, interrogé par France Bleu, cette décision « est un vrai drame pour la filière ». L’interdiction des néonicotinoïdes pour traiter les betteraves pourrait conduire à la disparition d’un quart des cultures actuelles et entraîner la fermeture d’usines et des pertes d’emploi.
Depuis deux ans, et en dépit de l’interdiction de 2016, la France accordait des dérogations pour l’emploi de ces pesticides afin de préserver les rendements sucriers. Les néonicotinoïdes permettent en effet de lutter contre la prolifération des pucerons vecteurs de la jaunisse de la betterave.
« On a besoin des néonicotinoïdes, sans ça, c’est une catastrophe. La jaunisse fait trop de dégâts sur nos betteraves », explique Bernard, planteur installé dans l’Oise. La jaunisse de 2020 avait entraîné une chute des rendements de 30 %.
Pour Christian Huyghe, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), la décision de l’Union européenne force la France à aller plus vite en matière de pesticides. « C’est un saut dans le grand bain pour les agriculteurs », explique-t-il. Selon lui, il ne faut pas être trop pessimiste puisque des leviers existent. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), il existe 22 alternatives aux néonicotinoïdes pour la culture de la betterave sucrière. Parmi les solutions, Christian Huyghe mentionne les plantes compagnes, les microorganismes et les insectes prédateurs des pucerons pourraient assurer une protection des betteraves.
Pour Bernard, ces alternatives sont moins faciles à utiliser et demande plus de temps. « Les autres solutions, sont certes plus respectueuses de l’environnement, mais nous rajouterait beaucoup de travail pour des rendements moins importants », détaille l’agriculteur.
Les néonicotinoïdes, surnommés « tueur d’abeilles » présenteraient en effet des risques pour l’environnement, la biodiversité et la santé. Ces insecticides sont accusés d’être responsables de la mort des abeilles. Ce pesticide aurait aussi des effets néfastes sur notre santé et serait à l’origine de certaines maladies du spectre autistique.
Pour Christian Huyghe, chercheur à l’INRAE, la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne marque un tournant dans le secteur de la betterave. « La betterave d’hier ne sera pas celle d’aujourd’hui. Il faut changer notre manière de faire pour avancer », insiste-t-il.