Alors que 1,5% des étudiants français n’auraient pas d’ordinateur, ces derniers ont été contraints de suivre leurs cours à distance durant le second confinement. Une situation de précarité numérique à laquelle tentent de faire face les établissements d’enseignement supérieur lyonnais.

“J’ai passé mon partiel d’anglais en ligne dans le stress que mon ordinateur plante.” Pour Léa* (le prénom a été modifié), étudiante en affaires publiques à Sciences Po Lyon, comme pour bon nombre de jeunes, l’enseignement à distance est une nouvelle épreuve. “Mon ordinateur a planté deux jours après mon partiel. Je l’ai réinitialisé et ça va mieux désormais. Mais jusqu’à quand ?”, explique la jeune femme de 21 ans, un peu désemparée. La seconde vague de Covid-19 a contraint les établissements d’enseignement supérieur à assurer leurs cours à distance pour une durée indéterminée.

Sommés de rester chez eux, les étudiants sont confrontés au défi de la continuité pédagogique 2.0. D’après une étude menée entre mai et juin 2020 par l’association des vice-présidents d’université en charge du numérique et présentée en juin au Sénat, 2% des étudiants français avaient des difficultés de connexion et 1,5% des étudiants déclaraient ne pas avoir d’ordinateur. Cette enquête a été menée auprès de 43 universités, ce qui représentait 74% de la population étudiante universitaire nationale. À l’issue du premier confinement, 70% des universités interrogées pour l’enquête affirmaient que leur budget numérique avait été augmenté. À Sciences Po Lyon, une enquête réalisée pendant l’été a permis de recenser 48 étudiants “déconnectés”, à savoir qui ne disposent pas du matériel ou de la connexion Internet nécessaire au suivi des cours en ligne. 

etudiant-distanciel-numérique
La bibliothèque universitaire de Sciences Po Lyon est restée ouverte pendant le confinement afin de permettre aux étudiants de profiter d’une connexion internet et d’ordinateurs. 17/12/20. Crédit photo : Elena Do

“Il y a vraiment un fossé numérique, certaines personnes [les étudiants, ndlr] n’ont jamais touché un PC et on leur demande tout d’un coup de passer totalement à l’informatique.” remarque Louka Verchère, monitrice à la Direction informatique de l’Université Lyon 2. L’étudiante vacataire note qu’il s’agit généralement de problèmes d’accès à un réseau Internet de qualité ou à un ordinateur fonctionnel qui puisse stocker les cours et qui soit assez performant pour suivre les visioconférences.

Souvent, ces problèmes liés à des équipements de faible qualité se conjuguent avec des difficultés financières, empêchant certains étudiants de se procurer du matériel neuf. “Arrivée en 4ème année mon ordinateur à commencé à fonctionner très lentement et à m’empêcher de travailler avec rapidité et efficacité”, explique Léa*. “J’ai envisagé d’en acheter un nouveau mais je n’ai pas les fonds nécessaires”.

500 000€ d’aide de la Métropole

Pour tenter de combler ces inégalités, l’Université Lyon 2 propose aux étudiants confrontés à la fracture numérique différentes solutions: “Des dons d’ordinateurs fixes qui ont été reconditionnés, des prêts d’ordinateurs portables, des dons de clef 4G avec un forfait de 4Go d’Internet par mois renouvelable…”, détaille Louka Verchère.  Une opération qui rencontre un succès plus grand que celui attendu. Jean-Baptiste Lachenal, étudiant en L3 de Sciences Politiques, a dû patienter un peu avant de recevoir sa clé 4G. “Il y a eu un moment pendant lequel le service informatique de l’université ne m’a pas répondu parce qu’ils n’avaient plus de clés 4G : ils n’en avaient pas commandé assez au début”.

Ces dispositifs ont pu en partie être financés par un “fonds de soutien à la précarité numérique étudiante” mis en place par les membres de l’Université de Lyon mis en place après le premier confinement. L’objectif est de pouvoir proposer aux étudiants dans le besoin, jusqu’à 500€ de soutien financier pour acquérir un ordinateur et une connexion Internet opérationnels. Ce plan d’urgence a été élaboré avec le soutien financier de la Métropole de Lyon, qui a déboursé 500 000€, répartis entre les établissements en fonction de leur effectif d’étudiants.

Un chiffre confirmé par Sciences Po Lyon, établissement qui s’est vu attribuer la somme de 5 000€. “Chaque établissement s’engage à apporter une contribution complémentaire au moins égale à celle accordée par la Métropole. La part complémentaire versée par Sciences Po Lyon s’élève à 16 600€, issus du budget de la Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC)”, détaille Delphine Gardette, la directrice générale de l’établissement. La CVEC représente la somme de 92€, payée par tous les étudiant, sauf les boursiers, à chaque rentrée.

portail numérique iep
Grâce à l’enveloppe de 500 euros fournie par Sciences Po Lyon et la Métropole de Lyon, Amel Mesbah a pu financer la moitié du prix d’ un nouvel ordinateur haut de gamme. 16/12/20. ©DR

À Sciences Po Lyon, pour pouvoir bénéficier de cette aide, les étudiants doivent justifier d’un échelon de bourse situé entre 3 et 7, ou avoir contacté l’assistance sociale du CROUS pour signaler un problème d’équipement numérique. Pour Amel Mesbah, étudiante en quatrième année, cette aide est “arrivée au moment parfait”. Les 500 euros lui ont permis de remplacer son ordinateur peu performant et d’obtenir une meilleure connexion Internet pour son nouvel appartement. Une procédure rapide, puisqu’elle a directement été contactée par l’établissement et a simplement dû ensuite fournir les justificatifs de ses achats. Pour cette étudiante boursière, ce dispositif cible concrètement “les problèmes essentiels” rencontrés par les étudiants dans le passage au tout-numérique. 

“L’école n’aurait rien pu faire pour m’aider”

En dehors de l’Université de Lyon, certaines écoles privées tentent de trouver des solutions au cas par cas. Dans ces établissements aux effectifs plus réduits que ceux des universités, l’aide apportée aux étudiants se fait sous forme de prêt. Stéphanie Perros, la directrice de l’Ecole supérieure de publicité (ESP) confie: “Nous avons donné aux étudiants la possibilité de venir à l’école pour profiter du matériel et de notre connexion internet. Ou alors, nous leur avons carrément prêté un ordinateur quand le problème était matériel”.

Mais parfois, ces initiatives pour soutenir les étudiants en situation de précarité numérique se révèlent moins adaptées à leurs besoins. “On m’a dit plusieurs fois qu’il y avait des ordinateurs à disposition à l’école, mais ce ne sont pas des ordinateurs que l’on peut emporter” souligne Lidka Vallet, étudiante créative en design graphique à l’école de Condé. Pas évident, quand de nombreux étudiants décident de rentrer au domicile familial pour se confiner. “Les cours d’art à distance c’est vraiment galère”.

Tous les établissements ne proposent pas d’aide. Alors que son école était fermée, Simon Teale, étudiant à l’Acting Studio, une école de théâtre et de cinéma située dans le Vieux Lyon, a rencontré plusieurs problèmes techniques sur son ordinateur. La présence d’un grand nombre de virus l’a empêché de suivre ses cours correctement: “Il y a des fois où, le temps qu’il se connecte, je loupe un quart d’heure, vingt minutes de cours”. Pour régler la situation, Simon a fait nettoyer sa machine “au black” chez un informaticien pour 40€. Quand les écoles échouent à proposer de l’aide à leurs étudiants, il reste la débrouille.