Auvergnat depuis une dizaine d’années, Jim Rotondi est un trompettiste américain passionné et une figure de la scène jazz new-yorkaise et internationale. Alors que la pandémie de Covid a mis un coup d’arrêt au monde de la culture, l’Ecornifleur s’est rendu à sa rencontre chez lui, non loin de Clermont-Ferrand. 

Jim Rotondi et sa trompette chez lui, en Auvergne. 05/12/2020 © Marine Bourrier

« Un jour, j’ai reçu sur mon répondeur un message de Ray Charles en personne pour m’inviter à rejoindre son groupe. J’ai cru qu’un de mes amis m’avait fait une blague ! ». Trente années plus tard,  Jim Rotondi – jazzman américain de renom- se remémore un des plus beaux souvenirs de sa carrière, déplorant toutefois de ne pas avoir conservé l’enregistrement en guise de preuve. Dans son bureau aménagé en studio de musique – et salle de cours particuliers le temps du confinement-, il raconte dans sa langue natale teintée d’un doux accent du Midwest des anecdotes plus incroyables les unes que les autres. Au détour d’une phrase, on apprend qu’il s’est produit à la Maison Blanche pour Bill Clinton ou dans la mythique salle de concert new-yorkaise Carnegie Hall. Rien que ça. Cet Auvergnat de cœur, arrivé en France en 2010 par amour, a baigné dans la musique dès sa plus tendre enfance. Fortement inspiré par sa mère, professeure de piano, c’est par cet instrument qu’il débute son initiation musicale à 8 ans avant de se prendre de passion pour la trompette quatre ans plus tard. Vient ensuite la révélation lorsqu’il découvre les enregistrements du trompettiste Clifford Brown à l’adolescence : « J’étais totalement subjugué par sa musique » raconte-t-il, « il a été une réelle source d’inspiration ». Après un passage remarqué à la North Texas University, Jim Rotondi fait ses armes de trompettiste professionnel à bord du U.S.S. Oceanic, bateau de croisière détenu par la Walt Disney Corporation.

Entre salle de concert et salle de cours

La discographie du jazzman est impressionnante : 16 albums à son actif en tant que leader et plus de 70 contributions en tant que sideman. Au cours de sa carrière, il a côtoyé les plus grands : George Coleman, Curtis Fuller, Lionel Hampton… « J’ai travaillé toute ma vie pour jouer avec des musiciens de légende. Jouer avec ces mentors après les avoir idéalisés pendant tellement d’années était exaltant » explique le musicien, aujourd’hui figure incontournable de la scène jazz internationale. Le batteur du groupe auvergnat Massif Collectif Marc Verne, qui s’est produit à plusieurs reprises avec Jim Rotondi, ne cache pas son admiration : « c’est un joueur de très grande classe. Sur son instrument, il est formidable. En plus, c’est un homme d’une grande humilité ». En parallèle des tournées internationales et des enregistrements d’albums, Jim Rotondi est également enseignant depuis plus d’une vingtaine d’années. Il encadre actuellement une quinzaine d’étudiants à l’Université de Musique et d’Art Dramatique de Graz en Autriche, où il vit une grande partie de l’année. « Bienveillant mais exigeant », c’est ainsi que Jean-Baptiste Rousseaux, jeune trompettiste clermontois repéré par Jim Rotondi, décrit son professeur. « Il nous transmet ce qu’il connaît mais il n’est jamais fermé quand on apporte une composition qui sort un peu de l’ordinaire. Il veut que l’on trouve notre propre direction » fait-il remarquer avec un respect non feint. 

Confinement, the show must go on 

Face à une pandémie mondiale qui affecte particulièrement le monde de la culture, le musicien qui partage sa vie entre l’Autriche, la France et les États-Unis est rentré se confiner auprès de sa femme en Auvergne. Et il n’a eu d’autre choix que de s’adapter. Dès le premier confinement, il a proposé à ses étudiants des leçons de trompette à distance, via Zoom. « Le seul inconvénient est que la technologie n’est pas encore suffisamment bonne pour que l’on puisse jouer ensemble. Il y a toujours une latence ou un problème de connexion » raconte-t-il « mais à part ça, le système fonctionne plutôt bien ». Pour le deuxième confinement, il a même investi dans du matériel flambant neuf, soucieux de proposer un enseignement de qualité. D’un point de vue artistique et malgré les annulations d’événements en cascade, Jim Rotondi essaye de voir le côté positif : « le confinement m’est bénéfique en termes de pratique. J’ai beaucoup de temps libre donc j’ai le temps de travailler ma technique ». Et si la situation commence doucement à se dénouer avec la programmation de nouvelles tournées, c’est un projet de grande ampleur qui est sur le point de se concrétiser pour lui : « Je vais produire entièrement mon prochain album. Il y aura un orchestre de jazz et un orchestre à cordes. Et ce seront mes propres compositions » s’enthousiasme le musicien avant d’ajouter avec retenue « C’est une grande première pour moi ! »