« Faites du bruit ! » (4/6). Crier, chuchoter, performer, scander, chanter : rencontre avec celles et ceux qui partagent la hantise du silence. Depuis plus de vingt ans, Jérôme Faynel, président du Collectif 69 de soutien au peuple palestinien, défend inlassablement la reconnaissance des droits des Palestiniens. Au fil des manifestations à Lyon, il donne de sa voix pour dénoncer les injustices en Palestine et mobiliser contre ce qu’il qualifie de génocide.

On reconnaît Jérôme Faynel à son keffieh, porté avec assurance autour de ses épaules.
On reconnaît Jérôme Faynel à son keffieh, porté avec assurance autour de ses épaules. Photo Khalissa Kebbab

« Tout a commencé en 2002, date à laquelle je me suis rendu en Cisjordanie. » Installé à une table du Bistrot Autrement, avenue des Frères-Lumières à Lyon, Jérôme Faynel est facile à repérer grâce à son keffieh noir et blanc. Le président du Collectif 69 de soutien au peuple palestinien défend depuis 24 ans le respect des droits et des libertés en Palestine.

Engagé dans le milieu associatif depuis l’âge de 16 ans et ancien militant syndical, il maîtrise la parole publique. Et c’est bien pour cette raison que le collectif lui a tout de suite confié le rôle d’orateur lors des manifestations. « Nous sommes conscients que nous marchons sur des œufs car, plus que les autres, nous n’avons pas le droit à l’erreur », affirme le militant. « Par exemple, nous ne donnons pas la parole à n’importe qui. » Jérôme Faynel le sait, un mot de travers et la polémique peut vite arriver.

Originaire de la Croix-Rousse, celui qui se décrit comme un « Lyono-Lyonnais » s’est tourné vers le militantisme grâce à son père. « Mon père était très engagé, il a par exemple renvoyé ses papiers militaires pour protester contre la guerre d’Algérie », évoque-t-il. À l’adolescence, Jérôme Faynel marche sur ses pas et commence son engagement politique dans les rangs du PSU (Parti socialiste unifié), l’ancêtre du Parti socialiste. À l’époque, il participe à des manifestations contre la guerre au Vietnam.

Une vie marquée par le militantisme

Aujourd’hui retraité, cet « autodidacte, fâché avec l’Éducation nationale » a très vite délaissé les bancs de l’école pour entrer dans la vie active. « J’ai d’abord travaillé à l’ancienne usine Paris-Rhône, qui était à la place de l’hôpital Jean-Mermoz, à Lyon », se remémore-t-il. « Ensuite, j’ai travaillé dans le logement social, avant de devenir directeur de l’antenne locale de l’OPAC (Office Public d’Aménagement et de Construction) Rhône à Vénissieux. »

Dans les années 1980, alors que les affrontements avec la police se multiplient dans les quartiers populaires, il monte Urgence contre l’extrême droite, une association de lutte contre les idées de ce qui s’appelait encore le Front national. Mais c’est bien sur les enjeux de politique étrangère que Jérôme Faynel est le plus engagé. « J’ai été très mobilisé pour le soutien du syndicat polonais “Solidarnosc”, mais aussi pour la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. »

En 2002, de son premier voyage à Hébron, au sud de la Cisjordanie, il ressort marqué par une situation qu’il qualifie de « totalement inacceptable et fondamentalement injuste ». « À l’époque, je participais à une campagne organisée par certains de mes amis qui s’appelait les Missions civiles pour la protection du peuple palestinien », poursuit le militant. « L’objectif était d’aller en Palestine occupée pour mener différentes actions sur place. Par exemple, on protégeait les paysans des attaques des colons israéliens pendant la collecte des olives. » Dans la foulée, il rencontre Yasser Arafat, dirigeant historique de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine).

« Je n’arrive plus à mettre des mots sur les maux »

À son retour, le Collectif 69, dont il est membre depuis sa création en 2000, obtient officiellement le statut d’association. « Notre grande mission est de soutenir le peuple palestinien et la reconnaissance de tous ses droits, en conformité avec le droit international », explique Jérôme Faynel. Pour ce faire, depuis plus d’un an, le collectif redouble d’efforts en organisant des manifestations et des rassemblements chaque semaine sur la place des Terreaux ou sur la place Bellecour. « Ce qui est remarquable, c’est la durée : les gens sont encore mobilisés tous les samedis. On a rarement vu ça », s’exclame le président de l’association, qui prend le micro à l’occasion de chaque rencontre.

 

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Il profite de ces moments pour faire le point sur la situation dans la bande de Gaza, mais également pour rappeler les revendications du mouvement. « La situation devient compliquée, cela dépasse tout ce que l’on a vu et connu », admet le Lyonnais. « Je n’arrive plus à mettre des mots sur les maux. » Les bombardements israéliens, en réponse aux attaques du 7 octobre 2023 perpétrées par le Hamas, ont tué plus de 43 000 civils gazaouis selon le ministère de la santé du Hamas. « Avant octobre, nous n’avions jamais employé le terme de génocide, mais aujourd’hui nous assumons d’assimiler les actes perpétrés à Gaza à des actes génocidaires », dit Jérôme Faynel.

Celui qui a longtemps été engagé chez les Verts fustige le « deux poids, deux mesures » et le silence de la mairie écologiste. Jérôme Faynel se demande : « Dans quel monde vivrions-nous si nous ne réagissions pas à un génocide ? »