IEP de Lyon © Benoît Prieur – CC-BY-SA / Wikimedia Commons

Jeudi 16 décembre 2021, des membres de l’Action Française se sont introduits dans l’enceinte de l’IEP de Lyon afin de perturber une conférence de l’écologiste Julien Bayou, secrétaire national d’Europe Ecologie Les Verts. Dès le lendemain, l’administration a réagi en annonçant un dépôt de plainte.

Alors que la conférence avait débuté depuis environ une heure, des militants de l’Action française, groupe royaliste d’extrême droite, ont fait irruption dans l’amphithéâtre en scandant notamment “écolos collabos” et “FLN assassins”. Simon, qui a participé à cette intrusion (et n’a pas souhaité communiquer son nom de famille), la justifie par “l’attachement de Julien Bayou pour le Front de Libération Nationale.” Il estime que le secrétaire national d’EELV “s’est glorifié d’avoir une mère qui était au FLN [Julien Bayou a déclaré que sa mère avait été porteuse de valises pour le FLN, ndlr].”

Si cette intrusion n’a duré que quelques minutes et que la conférence a ensuite pu reprendre son cours, Delphine Gardette, directrice générale des services de Sciences Po Lyon, condamne fermement l’action et assure que l’établissement “prend la chose au sérieux.” L’IEP a déposé plainte contre l’Action Française, tout en laissant la porte ouverte à d’autres mesures : “Sur les images, on ne peut pas reconnaître quelqu’un précisément donc la plainte est dirigée contre l’Action française, détaille la directrice générale. Si des étudiants de l’IEP ou d’autres personnes sont reconnaissables, alors on portera plainte.” De son côté, Julien Bayou a réagi sur Twitter en déplorant l’action de “ces fanatiques qui s’en prennent à la mémoire de ma mère” et en réaffirmant que “le projet écologiste est effectivement celui qui combat le mieux les idées nauséabondes de l’extrême-droite.”

Une action “impressionnante” et choquante

Les militants de l’Action française ont pu s’introduire dans les locaux de Sciences Po Lyon sans difficulté car aucun dispositif de sécurité spécifique n’était prévu. Quentin Brun, membre de Volonterre (l’association écologiste de l’IEP), organisateur et animateur de la conférence, s’en explique : “On avait pensé au risque, mais vu le sujet on pensait qu’il ne se passerait rien.” De son côté, Simon fait valoir que les membres de l’Action française n’ont rencontré “absolument aucune résistance”. Il affirme que “même si l’action pouvait être impressionnante verbalement, physiquement elle était totalement pacifique.” 

Quentin Brun n’en garde pas le même souvenir : “On n’a pas compris ce qui se passait et on a tous été choqués quand les militants de l’Action française sont arrivés dans l’amphithéâtre, raconte-t-il. C’était très tendu, ils étaient intimidants et il y a eu des insultes.” Alors que les membres de l’Action française lançaient des tracts dans l’amphithéâtre, le militant écologiste précise que “certaines personnes du public étaient assez remontées contre eux” et qu’il a fallu “les retenir pour ne pas que ça dégénère.” Il note que “Julien Bayou paraissait assez serein et a proposé d’intervenir sur le sujet, pour expliquer ses propos et raconter l’histoire de sa mère.”

“Il va falloir agir”

L’administration de l’IEP n’a pas tardé à réagir en annonçant, dès le lendemain via un communiqué, qu’elle porterait plainte contre l’Action française. De son côté, Simon se dit plutôt “amusé”. Sa position semble assez claire : “Le jeu démocratique on n’y croit pas, c’est pas pour rien qu’on est royalistes”, détaille-t-il. En parallèle, Solidaires, syndicat étudiant de l’IEP, a aussi réagi en condamnant fermement cette action et s’interroge sur la manière dont l’Action Française a été mise au courant de l’évènement. “On a de fortes suspicions et des débuts de preuves, explique Yann Grillet-Aubert, secrétaire fédéral. Si l’on en apprend plus, on collaborera évidemment avec Sciences Po Lyon.”

Une chose est sûre, l’incident du jeudi 16 décembre aura des conséquences sur l’organisation des prochaines conférences. “Pour l’instant, rien n’a été décidé, mais il va falloir agir, explique Delphine Gardette. Cela va faire partie des préoccupations de l’établissement.” Choqué mais déterminé, Quentin pense lui qu’il est important de “ne pas céder à ce genre d’intimidation” et surtout de défendre “la liberté d’expression et de débat”. Toutefois, les élèves attendent des mesures pour pouvoir aborder sereinement l’organisation de nouvelles conférences. Cet évènement n’est pas sans rappeler les récents incidents au cours du meeting d’Eric Zemmour à Villepinte le 5 décembre 2021 et laisse planer le doute sur la bonne tenue des futures réunions publiques, à l’IEP et ailleurs.

Valentine Daléas, Arthur Dumas et Camille Gaborieau