À la rencontre des Français (10/ 10) : À moins d’un mois de l’élection présidentielle 2022, les dix journalistes de la rédaction de l’Écornifleur sont partis en reportage à la rencontre des Français pour sonder leurs attentes : entre espoirs et désillusions.

Avec une sociabilité fortement mise à mal par la Covid-19 et une vulnérabilité face au discours extrémiste, la communauté LGBT lyonnaise se démène pour retrouver sa dynamique d’avant-pandémie. L’Écornifleur est allé à la rencontre des bénévoles et militants du seul centre LGBTI+ de la ville.

Tous les jours, des soirées sur des thématiques variables ont lieu dans le Centre LGBTI+ Lyon, unique lieu du genre dans la capitale des Gaules. Lyon, 19/01/2022. ©Mahmoud Naffakh.

Couleurs pour tous les goûts, lumières éblouissantes et musique pop en toile de fond propice aux discussions mais pas à faire danser le public… Telle est l’ambiance en ce début de soirée conviviale baptisée « Safe Zone » au centre LGBTI+ Lyon, l’unique lieu de la ville mêlant rencontres, accompagnement et militantisme. En ce mercredi de fin janvier, une dizaine d’adhérents, bénévoles et représentants d’associations sont attendus ici pour « faire une pause et être pleinement soi-même », a-t-on lu sur le site de l’établissement.

Les retrouvailles : un défi de taille

À peine commencée, la soirée accueille une jeune femme a l’air angoissé. Sans-papier et sans domicile fixe, elle est venue chercher assistance chez « la communauté » pour se loger. Sébastien, un bénévole dans la trentaine et visage familier du centre, tente de s’en occuper sans dissimuler son impuissance. « Tout ce qu’on peut faire est de faire penser aux gens en détresse à des personnes pouvant les accueillir et auxquelles ils n’auraient pas pensé ». Si le centre n’est pas une structure socio-médicale, son architecture associative lui octroie plein d’autres vocations. En effet, grâce à un maillage composé de plus de trente acteurs associatifs, ses domaines d’intervention sont nombreux : culture, art, débat, divertissement, santé, lutte et droit des étrangers. Autant d’actions d’entraide et de soutien qui endiguent le risque d’isolement. Cet engagement a porté ses fruits lorsque la vie culturelle était réduite à néant en raison de la pandémie.

Des tracts mis à disposition du public et résumant les activités variées des associations qui composent l’organigramme du centre. Lyon, 19/01/2022. ©Mahmoud Naffakh.

Depuis longtemps, les bonnes nouvelles ne s’échangent plus dans le centre. Entre confinement, fermeture et « gens un peu plus frileux qu’avant le covid pour venir en communauté », le centre et le militantisme qui l’a toujours accompagné sont passés en mode survie. Body Design Lyon est l’une des associations actives dans le domaine du divertissement, durement touchée par les contraintes sanitaires. La peinture sur corps et l’organisation des « Drag Show » étant ses spécialités, elle tente de ressusciter la vie nocturne par des évènements où « seuls les artistes peuvent danser », ironise Laurent, un bénévole de l’association. 

Notre combat, lui, est politique

À moins d’un mois de l’élection présidentielle, la communauté LGBT+ de Lyon juge le bilan du quinquennat Macron mitigé. De nouveaux droits LGBT ont bien vu le jour, dont le plus récent en date est l’ouverture du don de sang aux hommes homosexuels, à partir du 16 mars 2022, sans période d’abstinence. Plus emblématique encore, l’ouverture de la procréation médicalement assisté (PMA) aux personnes LGBT et la loi interdisant les thérapies de conversion ont été promulguées respectivement en septembre et octobre de l’année dernière. Mais tout le monde n’est pas convaincu de ces mesures. Au centre, certains voient en elles d’« importantes avancées », d’autres, au contraire, les trouvent « rudimentaires et très en retard ». La principale inquiétude est ailleurs : les personnes LGBT continuent à subir un taux d’agressions et de discriminations plus élevé que chez le reste de la population. En 2019, le ministère de l’Intérieur a comptabilisé 1 870 victimes d’actes homophobes ou transphobes. « La moindre fréquentation liée à la COVID-19 n’a pas diminué l’importance de ces cas », fait savoir le dernier rapport de SOS Homophobie paru en 2021.

Aborder ces réalités avec les bénévoles est délicat. Presque toutes les personnes interrogées dans le cadre de ce reportage ont demandé de garder l’anonymat par crainte pour leur sécurité. Tout comme Sébastien et Laurent, Mathieu, psychologue qui intervient régulièrement au centre, évoque des tentatives d’intimidation et d’agression sans en nommer les auteurs. « Lors des manifestations et des rassemblements, il y a des groupes qui nous agressent. Ce sont des faits qui arrivent, parfois graves », confie-t-il. En juin 2021, sur la place Bellecour, les manifestants de la marche des fiertés ont vu les membres d’un groupe d’extrême-droite, Lyon Populaire, brandir une banderole sur laquelle est écrit « Lobby LGBT : Arme du capital ».

« On a un statut apolitique et on ne s’engage pas pour une structure ou parti politique spécifique », explique dans un premier temps Mathieu. Avant de nuancer rapidement : « On est dans la revendication des droits et notre combat, lui, est politique. Tout est politique ».

Et pour la présidentielle 2022 ?

Dans ce climat de tensions, l’avenir proche sera déterminant pour la visibilité LGBT dans les rues et les quartiers lyonnais. Si tous les interviewés ont refusé de nommer la candidate ou le candidat qui saura emporter leur vote, une chose est certaine : « Le vote sera contre l’extrême droite ».