Depuis son départ en 2017 de son quartier frappé par la guerre à Damas, Hadi a traversé les continents pour finalement poser ses affaires à Lyon en novembre 2021. Il raconte son parcours et ses rêves.

Passeports Syrien et Français à la main, Hadi est « fier » du chemin qu’il a parcouru en quatre ans ©Paul Battez

Parfois bavard, parfois silencieux. Le visage juvénile, mais des histoires que beaucoup d’adultes n’auront jamais à raconter. Hadi est un jeune Syrien de 21 ans. Au lieu de rendez-vous il se présente avec Jarah, une amie palestinienne au français presque parfait qui étudie à Lyon. Sa présence semble le rassurer, et les regards en coin qu’il dirige vers elle pour obtenir son approbation trahissent parfois un manque d’assurance. Hadi n’a pourtant pas manqué de courage lorsque, seul, il a quitté en son quartier de Damas en 2017.

Tout quitter à 17 ans

Lorsqu’il s’agit d’évoquer son adolescence, Hadi peine à trouver les mots. « Avec la guerre, ce n’était pas facile », indique-t-il sobrement. « Quand les manifestations de 2011 ont commencé, j’étais très jeune », rajoute-t-il. « Mais mon quartier était l’un de ceux qui a été le plus détruit ». Le quartier de Jobar, en périphérie de Damas, où Hadi a grandi, a été attaqué à l’arme chimique par le régime syrien en avril 2013.

Un souvenir prend plus de place que les autres : en 2016, son grand frère est appelé à combattre pour le régime de Bachar al-Assad. « Il a quitté le pays tout seul », raconte Hadi. Mais rejoindre l’armée est obligatoire en Syrie à partir de 18 ans. Hadi suit donc les pas de son aîné un an plus tard, et s’envole pour le Soudan en 2017. « Beaucoup de Syriens passent par le Soudan, car il n’y a pas besoin de visa pour s’y rendre », explique-t-il. A 17 ans, seul, et sans avoir eu le temps d’obtenir le bac, Hadi est contraint de laisser sa famille derrière lui et quitte le quartier qui l’a vu grandir.

Des escales périlleuses

Le Soudan n’est que la première étape du parcours d’Hadi ; il n’y passera qu’une semaine. En voiture, il se rend au Caire, où il reprend ses études et décroche rapidement son bac dans la capitale égyptienne. « Quand je suis arrivé, j’étais très jeune », se souvient-il. « J’étais directement très indépendant. Je travaillais tout le temps ».

Déterminé à poursuivre ses études, Hadi se donne pour objectif de rejoindre la France. Il croise le chemin d’Ahmed, qui lui apprend que passer par la Guyane permet d’obtenir une carte de séjour pour la France plus facilement. Problème : « Depuis l’Egypte, ce n’est pas simple d’arriver en Guyane », assure-t-il. « J’ai donc demandé un visa pour le Brésil, pour ensuite aller en Guyane ».

Après quatre « longues » années de débrouille au Caire, Hadi obtient son visa et atterri au Brésil en avril 2021. Mais le jeune syrien n’est pas au bout de ses peines : à la frontière guyanaise, il franchit le fleuve d’Oiapoque sur une embarcation de fortune. « C’était très dangereux », admet-il.  Mais l’issue des démarches administratives, qu’il s’empresse de mener dès son arrivée à Cayenne, lui donne raison : « Après sept mois, j’ai reçu ma carte de séjour pour la France ».

« Un futur plus clair qu’en Syrie »

Aussitôt débarqué à Paris en novembre 2021, Hadi se rend à Lyon. Les débuts sont difficiles : « J’ai d’abord dormi dans la rue quelque temps ». Mais à mesure qu’il évoque son installation, son visage s’illumine. « Le 15 février, j’ai obtenu un contrat de service civique avec l’association Gones force 6 », indique-t-il avec fierté. Au sein de l’association, qui met en place des ateliers et des conférences pour des enfants et leurs parents dans l’objectif de reconnecter les familles avec l’école, le jeune homme occupe un poste d’animateur auprès des enfants.

Ce contrat lui a alors ouvert les portes de l’Hôtel Moderne dans le 2ème arrondissement, où Hadi a emménagé en juillet grâce à une collocation solidaire proposée par l’association Caracol. Il s’est ensuite inscrit à l’université de Lyon 3, où il suit des cours depuis septembre. « Je vais suivre une formation de français d’un an », explique-t-il. « J’espère enchaîner ensuite sur une école d’hôtellerie ».

Après un parcours long de plus de quatre ans, Hadi se sent « davantage en sécurité » depuis son arrivée en France. « J’ai un futur plus clair qu’en Syrie », souffle-t-il. Son prochain objectif est de rendre visite à son frère, qui a trouvé refuge en Turquie. D’ici là, le jeune homme se dit « optimiste » quant à son avenir, et entend « rester concentré » pour trouver, un jour, le métier de cuisinier qu’il rêve d’accomplir.

Paul Battez